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Mar 14 Sep - 17:17





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Royaume de Serbie


Bože pravde - Vostani Serbije


Rapports en 1877


Bilan économique

Population métropolitaine : 1,5 millions d’habitants

Recettes : 21 millions de francs (En Dinar)

Dépenses courantes déclinées :
- Général : 14 millions de francs
- Armée : 7 million de francs

Total : 21 millions de francs

Bilan industriel et commercial :
Le pays rentre dans le monde industriel avec l'investissement minier et du réseau ferré. L'arrivée de capitaux étranger transforme le pays et permet d'évoluer. La petite taille du pays cache tout de même un grand potentiel industriel et agricole qu'il faudra faire fructifier.

Bilan financier et budgétaire : La dette de guerre sera épongée grâce à l'arrivée des revenus de guerre en provenance de Constantinople. Le pays a été durement touché par la guerre et doit réformer son administration et sa fiscalité désuette qui ne donne pas la pleine mesure de l'état serbe. L'arrivée de capitaux étranger dynamise le réseau bancaire serbe balbutiant, les moyens de production sont pourtant détenus pour l'instant en majorité par des grands propriétaires agricoles et les banques étrangères. La transition au papier monnaie se passe assez bien, déjà introduite largement l'Empire Ottoman depuis les années 1850.

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Lun 4 Oct - 1:31





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Principauté de Serbie


Vostani Serbije

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L'homme de main

La mort du grand Ilija Garašanin a plongé la petite principauté serbe dans l'incertitude quand à la direction à suivre. Celui que l'on surnommait le "Cavour serbe" ou encore le "Schmerling serbe" en honneur aux grands unificateurs de l'Italie et de l'Allemagne, incarnait le peuple serbe et son grand idéal. Sa succession s'est faite en chaise musicale, la barre du navire passant entre les mains des Čumić, des Stefanović, des Mihailović, puis des Kaljević avant de revenir entre les mains de Stevča Mihailović. Bref, une instabilité politique représentative de l'incertitude, que dis-je, du malaise serbe dans sa projection de l'avenir.

Alors que la guerre russo-turque fait rage et que la Serbie, assiégée, se retranche dans Belgrade contre les terribles bachibouzouks du sultan, un homme se démarque dans l'élite intellectuelle du pays. Né le 16 octobre 1840 à Crna Bara à Mačva d'un père curé, Miloš Milojević, de son nom en cyrillique Милош Милојевић, obtient son diplôme en droit à la Velika škola (Grande école en français) de Belgrade en 1862. Partis ensuite étudier la philosophie occidentale, la philologie des peuples slaves, la littérature et l'histoire européenne et politique à l'université de Moscou de 1862 à 1865 sous les enseignements du panslaviste Osip Bodyansky, il abandonne son cursus en 1866 pour revenir en Serbie et y travailler en tant que juriste au service du gouvernement. A ce poste, encouragé par les connaissances acquises, il fait une première déclaration publique en 1866 avec l'article « Propagande en Turquie » qui attire la presse serbe et le regard du prince Michel III. En 1870, il devient professeur au lycée de Belgrade, et de 1873 à 1876, il est directeur et professeur du deuxième département du Séminaire théologique de Belgrade. C'est depuis son bureau d'enseignant que Miloš commence à imaginer un avenir pour la nation et son peuple.

Lorsqu'il fonde le deuxième département de théologie en 1873, Milojević sélectionne pour lui des étudiants de toutes les régions serbes sous domination turque et les instruit d'urgence en prévision des régions non libérées qu'il faudra administrer. Dans cet établissement, on enseigne au lycée des matières pédagogiques et théologiques, ainsi que des exercices militaires. Environ trois cents élèves passent par l'école, et bientôt, à la demande de Milojevic, des détachements de volontaires et d'insurgés sont formés sous sa supervision, dont la contribution militaire est incommensurable lorsque la crise d'orient éclate et que la guerre russo-turque de 1875 s'amorce. Lui-même se distingue comme commandant volontaire déterminé et ingénieux, ce qui ne manque pas de taper dans l'œil du prince Alexandre. Ce-dernier, en quête d'un serviteur passionné par le même idéal qu'il chérit, commence à discuter avec Milojevic, et très vite, il tombe sous le charme de ce "Cicéron serbe" qui prédit un grand avenir pour la Serbie, allant au-delà des régions que l'on considère les plus historiquement serbes. Pour résumé ce que le prince entend de la bouche du rhéteur, Milojevic ne voit pas un peuple serbe, mais des peuples serbes, qui ensemble forment la nation des slaves méridionaux, ou Jugoslavija, et comme les Italiens ou les Allemands, ce grand peuple attend avec impatience son unificateur. C'est décidé alors, le prince Alexandre n'hésite pas davantage et devant la consternation de la petite noblesse serbe, décide de nommer Miloš Milojević président du Conseil des ministres le 10 janvier 1877. Celui que l'on surnomme "Macvanin" en référence à sa terre natale s'apprête à transformer la Serbie pour l'amener sur le chemin de la grandeur.

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Mer 6 Oct - 23:59





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Principauté de Serbie


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La seconde guerre d'unification serbe et la naissance du royaume


12 août 1877, la principauté de Serbie annonce sa mobilisation générale alors que le royaume de Hongrie-Lodomérie s'effondre sous les coups du nouvel empire italien. Le prince Alexandre, d'abord réticent d'entrer en guerre par crainte d'être contenu par les Grandes Puissances, notamment l'Italie qui semble afficher un vif désir sur les Balkans occidentaux, est poussé à l'action par son ministre des conseils récemment appointé, Miloš Milojević. Ce-dernier argumente, à raison, que la Serbie n'aura pas deux occasions comme celle-ci de rassembler sous sa couronne les Serbes de Voïvodine. Il faut agir au plus vite. L'armée serbe, qui repose essentiellement sur des miliciens, s'amoncelle sur les rives du Danube, et le 26 du mois, franchit le fleuve.

La conquête des territoires revendiqués se fait sans résistance, l'armée hongroise est occupée à combattre les Roumains en Transylvanie et les Slovaques au nord. C'est alors que des échanges se tiennent avec le domnitor de Roumanie. Des négociations visant à susciter une collaboration entre les armées serbes et roumaines contre leur ennemi commun se conduisent en secret, mais elles échouent lorsqu'est découvert le plan de traîtrise des Roumains. Celui-ci, transmis discrètement par les autorités françaises, elles-mêmes l'ayant reçu de leurs officiers détachés en Transylvanie, projette de laisser les Serbes affronter seuls les Hongrois alors que l'armée roumaine doit patienter derrière les Carpates. Une fois l'armée serbe abandonnée et vaincue, l'armée roumaine prévoit de venir rafler la mise en écrasant les unités déjà usées des Hongrois puis en imposant sa paix à ces-derniers et aux Serbes. Un ignoble complot visant à à ruiner les Slaves et à établir l'hégémonie roumaine sur les Balkans.

Sans surprise alors, Miloš Milojević s'entretient aussitôt avec le gouvernement hongrois de Debrecen pour négocier une paix séparée avant que la Honvèd ne s'aperçoive du retrait roumain derrières les montagnes. Il est conclu que la Hongrie cède les 5 comitats de la Bačka, de la Syrmie et du Banat de Temeschwar, formant l'ancienne Province de Voïvodine de Serbie et du Banat de Temeschwar, à la principauté de Serbie. Mais Miloš Milojević, étudiant en histoire politique et diplomatique européenne, sait que cet accord nécessite la reconnaissance des Grandes Puissances si la Serbie veut s'éviter une agression de la Roumanie et pourquoi pas de l'Italie, qui avait récemment organisé un sommet sur le statut de la Slavonie en agitant le drapeau d'un prétendu expansionnisme serbe. Milojevic s'active alors à contacter les chancelleries française, allemande et britannique pour leur révéler la paix et demander leur reconnaissance et leur garantie sur celle-ci. Si Paris se montre la plus optimiste, elle préfère attendre l'avis de son homologue anglais avant de se positionner, de même que Vienne. Le Royaume-Uni, d'abord réticent, est enjoint par le gouvernement hongrois d'accepter les exigences serbes pour relâcher au plus vite une pression insoutenable sur la Honvèd. Londres accepte alors de reconnaitre et garantir le traité de Temišvar, et dans la foulée, Paris et Vienne apposent également leur signature. Milojević demande alors au prince Alexandre de signer également pour rendre public le traité dès le lendemain, c'est chose faite dans la nuit.

Le 26 septembre 1877, la paix de Temišvar est actée et provoque l'ire du gouvernement roumain. Mais Milojević ne s'arrête pas là, et jouissant du soutien formel de Paris, Vienne et Londres, il demande à Rome et Saint-Pétersbourg de suivre le mouvement, étant toutes deux des Grandes Puissances. Si l'empire russe accepte sans réfléchir de soutenir son frère slave, Rome est furieuse de voir les frontières du traité superposer les siennes consenties à la paix de Vienne. Néanmoins, quelque peu contrainte par l'action des autres Puissances, elle accepte de reconnaître le traité et les nouvelles frontières de la Serbie, à condition que celle-ci reconnaisse en retour la nouvelle principauté indépendante de Slavonie. Alexandre refuse, mais Milojević supplie le prince d'agréer, ce sacrifice est essentiel selon lui pour garantir la sécurité et la survie immédiate de la principauté dans ses nouvelles frontières. Alexandre cède après de longues diatribes avec son ministre, et l'arrangement serbo-italien est signé le 30 septembre.

Voilà le premier coup d'éclat du jeune ministre. Milojević, doté d'une détermination et d'une audace déconcertantes, est parvenu à saisir la situation pour doubler les frontières serbes sans tirer un coup de feu, avec l'approbation générale des puissances. Voilà qui refroidit les ardeurs des Roumains et leur vicissitude. Il en faudra bien plus pour abattre le peuple serbe engagé dans sa mission nationale. Le ministre accapare dès lors un prestige immense en Serbie. L'opposition, cette noblesse, cette presse, tous ceux qui avaient critiqué le jugement du prince Alexandre dans la nomination de Milojević ne peuvent que se prosterner devant ce coup de maître, que dis-je, cet exploit du Macvanin. Le ministre des conseils invite le prince Alexandre à tirer profit du prestige national gagné dans la "guerre" pour élever la Serbie à l'égal des autres puissances. Il conseil au prince de proclamer le royaume de Serbie maintenant que la majorité du peuple serbe des deux rives vit sous le même toit. Alexandre, pris d'orgueil ou se projetant déjà dans le futur, se laisse persuader.

Alors, afin de solidifier l'accroissement de la Serbie, mais aussi pour montrer à toute l'Europe la nouvelle dynamique qui s'est emparée de Belgrade, le royaume de Serbie est proclamé le 14 février 1878, le jour du soixante-quatorzième anniversaire du déclenchement de la première guerre d'indépendance serbe. Alexandre Karageorgévitch est sacré roi Alexandre Ier de Serbie bien plus tard, le 15 juin, pour commémorer la mythique bataille de Kosovo. La cérémonie s'organise en grandes pompes. La cour, la noblesse, le clergé, la haute bourgeoisie et les dignitaires étrangers assistent au sacre dans la cathédrale Saint-Michel de Belgrade, sous le regard ardent du ministre des conseils, Miloš Milojević.

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Jeu 21 Oct - 18:54
Mer 6 Oct - 23:56‌





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Royaume de Serbie


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La constitution du royaume de Serbie


Alors que les discussions se font et se défont à l'Assemblée nationale et au Conseil d'Etat pour adopter le nouveau statut royal de la Serbie, Miloš Milojević s'attarde des journées entières à la rédaction d'une nouvelle constitution pour supplanter celle de 1868, jugée par la quasi totalité des parlementaires comme trop absolutiste. Si le Macvanin veut lancer la Serbie dans son grand bond en avant, il aura besoin du soutien populaire, or le peuple (mais plutôt la bourgeoisie) exige des réformes depuis fort longtemps. Mais désireux de se garder une autonomie et une mainmise totale sur les affaires d'Etat, il prévoit une constitution que certains qualifieraient de semi-autoritaire, semi-libérale. Celle-ci affirme que le Royaume de Serbie est un État unitaire. Son régime politique est officieusement décrit comme une « monarchie limitée ». D'un côté le monarque garde une place importante, les principes monarchiques sont conservés, d'un autre le peuple peut prendre part au processus législatif au travers d'élections tenues par un suffrage universel masculin limité à 25 ans.

La constitution garantie les droits fondamentaux du citoyen, à savoir :

- La constitution prescrit l'égalité devant la loi, la liberté individuelle, l'inviolabilité de l'appartement, l'inviolabilité de la propriété, etc.

- La protection de la liberté contre l'arbitraire du pouvoir d'État est proclamée ; la persécution des citoyens serbes est interdite ; la peine de mort est interdite sauf en cas de crime contre la nation.

- La liberté de la presse, le droit de recours et le droit de réunion sont garantis. La censure des journaux est envisagée dans seulement trois cas : insulte au roi, insulte à un souverain étranger, appel séditieux.

Le roi de Serbie

Le roi représente le royaume de Serbie sur la scène internationale, il peut signer des traités avec les autres puissances en son nom. Il envoie et reçoit également les diplomates. Il peut déclarer la guerre. Toutefois, lorsque les domaines concernés par les contrats sont dans le giron du royaume, les ratifications à la fois de l'Odbor et du Skupština sont nécessaires. Le premier doit notamment donner son accord pour déclarer la guerre à un autre pays. Cependant en cas de guerre défensive sur le sol cette autorisation n'est pas requise. Le roi a également le pouvoir de convoquer à la fois l'Odbor et le Skupština, ainsi que dissoudre ce dernier avec l'accord du premier. Le roi doit également rédiger et promulguer les lois.

Le rôle du roi va plus loin encore. Il nomme et peut faire démissionner ainsi directement les hauts fonctionnaires et le kancelar (chancelier), en revanche la destitution de ce-dernier nécessite la validation de la Cour Suprême. Le pouvoir exécutif n'a donc besoin que de la confiance du roi. Les circulaires et les décisions du roi ont besoin par ailleurs de la signature du kancelar qui en prend alors la responsabilité.

La constitution donne au roi le commandement de l'armée de terre en temps de guerre et de paix.

Les prérogatives du roi limitent fortement l'influence du Skupština. Le roi est en pratique le véritable souverain du royaume, la constitution est très éloignée de l'objectif des libéraux de voir la souveraineté du peuple s'imposer, même au travers de sa représentation.

Le pouvoir législatif

Le pouvoir législatif du royaume est exercé par le Državni Odbor et le Skupština. L'accord des deux majorités des deux assemblées est nécessaire et suffisant pour édicter une loi. Elles ont toutes les deux l'initiative des lois mais ne gouvernent pas.

La chambre haute

Selon la Constitution, l'organe suprême du royaume est le Državni Odbor (Conseil d'Etat). Ses membres, au nombre de 68, siègent à vie. 17 sont directement nommés par le roi qui peut les démettre, 6 sont issus du clergé, 6 autres des universités, 29 sont attribués héréditairement à la noblesse, les 10 sièges restant sont confiés au vote de 500 grands électeurs désignés par les préfectures et les communes. Sa présidence est assurée par le Kancelar.

L'Odbor prend ses décisions à la majorité simple en temps normal. En cas d'égalité le roi de Serbie tranche. En cas de vote pour amender la constitution, une minorité de blocage de 14 voix suffit à empêcher la modification. En tant que représentant des Princes et des préfectures, l'Odbor est supposé être le véritable organe souverain du royaume. Le fait que le Kancelar dirige cet organe souligne encore sa fonction de plus haute instance constitutionnelle.

L'Odbor peut imposer un véto aux décisions prises par le Skupština. Il dispose aussi de la priorité au niveau de l'initiative des lois. Il publie également les décrets et organise les fonctionnaires nécessaires à l'application des lois dans les préfectures.

Comme déjà mentionné, en l'absence d'un véritable conseil constitutionnel, l'Odbor tranche tout litige de nature constitutionnelle.

Afin de pouvoir remplir au mieux ses missions, l'Odbor constitue des commissions assistées de fonctionnaires.

La chambre basse

Le Skupština (Assemblée) est le second élément symbolisant le pouvoir central avec le roi. Au niveau de ses compétences, le Skupština est soumis au Odbor. Il est élu au suffrage universel direct et secret par les hommes de 25 ans et plus, pour une durée de 3 ans. Il peut être dissous par l'Odbor avec l'accord du roi.

Les députés ne sont pas soumis aux consignes, ils sont parfaitement libres en tant que représentants du peuple. Leur mandat est un poste honorifique, ils ne sont donc ni rémunérés ni dédommagés. Les fonctionnaires élus au Skupština ne doivent cependant pas quitter leur poste. Ils disposent de l'immunité parlementaire. Les séances du parlement sont publiques.

Le Skupština légifère conjointement avec l'Odbor. Il a le droit de présenter des projets de loi. Un point important est qu'il doit valider la loi des finances du royaume. Il n'a cependant pas de pouvoir sur le budget militaire. Toutes les recettes étatiques doivent également être présentées au parlement.

Il ne peut par contre ni élire le kancelar, ni lui refuser sa confiance ; il en va de même avec les secrétaires d'Etat. Cependant, aucun kancelar ne peut gouverner sans le soutien du parlement : ils en ont besoin afin de faire voter lois et budgets.

La direction du royaume

La constitution ne prévoit pas la création d'un gouvernement. Milojević, le principal auteur de celle-ci, craint qu'un gouvernement ne devienne rapidement subordonné au Skupština. En lieu et place, seul le Kancelar (chancelier) porte la responsabilité de ministre. Il est le chef du gouvernement, nommé par le roi et responsable uniquement devant lui. Pour se faire soutenir dans ses nombreuses tâches, il dispose de l'administration de la chancellerie, dirigée par le Secrétaire de la chancellerie.

La chancellerie est organisée en départements constitués de hauts fonctionnaires dirigés par des secrétaires d'États à la tête de différents domaines. Cela doit permettre de limiter le pouvoir du Secrétaire de la chancellerie. Ces secrétaires d'État ne sont pas des ministres : ils ne sont pas responsables de leur domaine de compétence, ce sont seulement des subordonnés du kancelar. La loi rend la délégation de pouvoir par ce dernier possible. Toutefois, il se réserve le droit de reprendre la main à tout moment.

Dès l'été 1878, le ministère des affaires étrangères serbes est créé, suivi par l'administration royale des voies ferrée, par la poste royale, l'administration judiciaire royale et la Cour Suprême, le trésor public royal et l'administration chargée des affaires intérieures. À côté de ces secrétaires d'État d'autres postes de fonctionnaires sont créés : la cour des comptes, l'administration chargée des statistiques, le service de la dette, l'administration de la santé, le bureau des brevets et enfin le tribunal royal.

L'instance juridique

La Cour Suprême est la plus haute instance juridique du royaume composée de 12 membres, 5 sont choisis par le Skupština, 5 autres sont désignés par l'Odbor, puis 2 membres sont nommés par le roi. Elle agit en tribunal de dernière instance pour les affaires de l'ordre judiciaire et administratif. Elle joue également un rôle de validation dans la procédure de destitution du kancelar.

Le droit de vote

Le suffrage pour l'élection des députés de la chambre basse est universel direct et secret. Milojević pense que ce suffrage affaiblira les libéraux. Il n'est cependant que masculin. Les personnes incriminées de charges lourdes telle que la trahison, donc disposant d'un "casier judiciaire", sont également exclues.

Le vote se fait à la majorité. Si lors du premier tour aucun candidat ne rassemble une majorité des voix, un second tour entre les deux candidats en tête est organisé. Les circonscriptions établies en 1868 restent inchangées. Donc, les districts ruraux, à tendance conservatrice, sont de facto surreprésentés.


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Jeu 21 Oct - 18:55
Mer 6 Oct - 23:57‌





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Royaume de Serbie


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L'intégration des nouveaux territoires et la serbisation des populations


Le nouveau royaume de Serbie a doublé sa superficie par l'annexion des territoires outre-Danube au traité de Temišvar. S'il s'en retrouve grandement renforcé sur papier, dans les faits, il lui faut intégrer ces régions pour pleinement jouir de leurs potentiels. Intégrer signifie la tenue d'un recensement, d'une opération de cadastrage, la mise en place d'une administration, un découpage des préfectures, l'installation de tribunaux locaux, l'extension du service des postes, des communications, l'ouverture d'écoles, de dépôts militaires, de postes de gendarmerie, bref beaucoup de travail donc. Le plus important dans l'immédiat est le recensement des nouveaux habitants, le cadastrage des terres et la création d'un service administratif et judiciaire. Pour se faire, le 28 novembre 1877, Milojevic a fait voter au Skupština des crédits pour déployer les fonds nécessaires à cette grande entreprise, 15 millions de dinars annuels sont ainsi empruntés pendant une période 4 ans pour pérenniser l'intégration des nouvelles frontières, soit un total de 60 millions au 31 décembre 1881.

Mais l'intégration ne se limite pas qu'aux nouvelles régions si l'on élargit son sens. L'intégration explique une cohésion à l'échelle nationale, une cohésion nécessaire pour le maintien de la stabilité et de la prospérité de l'Etat, de la population, de la nation. Or, cette cohésion ne peut se matérialiser sans homogénéité, et l'homogénéité ne peut s'obtenir sans l'exercice d'une politique de serbisation de la société et des minorités. Il faut une Serbie pour un peuple serbe. Milojevic est formel dans cette affirmation, il veut faire de la serbisation du royaume son principal combat à l'interne. Alors tous, tous les outils de la société sont utilisés pour amener à une cohérence nationale servant l'intérêt d'un seul peuple. Puisque selon sa théorie, héritière du texte du Nacertanije d'Ilija Garasanin et du concept du linguiste Karadžić, il existe une nation serbe multiconfessionnelle liée par la même langue mère, les différences religieuses n’altérant pas l’unité d’un peuple (tant que le critère d’appartenance nationale repose sur un même langage), elle englobe ainsi tous les locuteurs du parler chtokavien, usité en Serbie, au Monténégro, en Herzégovine, en Voïvodine, en Bosnie, en Croatie, en Esclavonie et dans certaines parties de la Dalmatie. Mais le Chtokavien lui-même souffre de disparités régionales, de locutions locales qui gangrènent la compréhension générale. Il faut alors harmoniser le parler, effacer ces dialectes locaux au profit d'un seul, celui  de Belgrade, le chtokavien oriental du Šumadija de prononciation ékavienne. Comment procéder ? C'est ce sur quoi travail le nouveau secrétariat de l'harmonisation nationale de Đuro Daničić et de son associé Milan Milićević, sous la supervision évidente de Milojevic. Ce-dernier déclare au sujet des langues régionales devant les députés du Skupština : « Il n'y a pas de place pour les langues et cultures régionales dans une Serbie qui doit marquer l'Europe de son sceau. » Plusieurs méthodes de serbisation sont alors appliquées :

Le plan Danicic prévoit de n'enseigner que le chtokavien susmentionné, que l'on simplifiera par le "serbe", afin de chasser cette « foule de dialectes corrompus, derniers vestiges de la domination ottomano-autrichienne». Le serbe est ainsi considéré comme le ciment de l'unité nationale. Le 17 avril 1878, en vue d'accélérer la serbisation dans les campagnes, le Skupština adopte le décret de Danicic et, le lendemain, toujours sur proposition de Danicic, est décidée la création de 4 000 écoles primaires (une école par 1 000 habitants) pour un budget de 4 millions de dinars. Le gouvernement veut que le serbe s'impose là ou il y a des écoles, le décret du 27 septembre 1878 ordonne aux instituteurs de n'enseigner qu'en serbe dans les campagnes de plusieurs districts dont les habitants parlent divers idiomes. Milojevic donne cette directive : « Multiplions les écoles, créons pour l'amélioration morale de la race slave quelques-unes de ces primes que nous réservons aux chevaux ; faisons que le clergé nous seconde en n'accordant la première communion qu'aux seuls enfants qui parleront le serbe. » Les dialectes cèdent donc progressivement la place à un enseignement du serbe, Danicic affirme : « l'instruction primaire comprend nécessairement les éléments de la langue serbe. » Dans toutes les écoles, l’enseignement doit être fait en serbe, il l'est indiqué dans les règlements locaux. La notion de rédaction, de composition et de dissertation est introduite, ainsi que l'étude de la littérature afin d'évoquer la dimension culturelle de la langue serbe, l'on s'inspire ainsi directement du modèle français et du cartésianisme. Le secrétariat décide aussi de nommer dans telle région des professeurs venant d'une autre région pour améliorer l'apprentissage du serbe et réduire l'influence des dialectes. D'autres mesures visant à privilégier le serbe sont, comme cités dans le plan : « Chaque classe commence et se termine par une prière en serbe, qui est arrêtée par le comité local sur proposition du curé ». Pour les minorités, notamment albanaise, allemande, hongroise et roumaine : « Il est défendu aux élèves de parler « étranger », même pendant la récréation et de proférer aucune parole grossière. Aucun livre « étranger » ne devra être admis ni toléré. S'exprimer en « étranger » et parler « grossièrement » font l'objet de la même prohibition.

Dans les territoires ainsi annexés, le serbe remplace les dialectes et les langues magyar, albanaise, allemande et roumaine à l'école, mais pas seulement, les services publics sont aussi visés sous l'impulsion de Milićević. La langue officielle de l'administration et de la justice est le serbe, bien que l'on tolère temporairement l'adoption de mesures de transition avec pour caractéristique la traduction dans les langues locales pour ne pas brutaliser les autochtones et aussi véhiculer un vocabulaire de base auprès de ces-derniers. Le nom des localités administrative et géographique est en revanche serbisé sans ménagement, nous ne parlerons plus de Temeschwar ou de Timisoara par exemple, mais de Temišvar. L'accès à l'administration n'est pour autant pas sujet à discrimination raciale, il doit demeurer ouvert aux nouveaux habitants qui ne sont pas nativement serbes. On essaye donc de maintenir en place les fonctionnaires locaux s'ils adoptent la langue serbe et l'utilisent dans l'emploie de leur fonction.

Les partis nationalistes hongrois et roumains sont prohibés. La même sanction s'applique pour la presse en ce qui concernerait des éditions doctrinairement séditieuses et terroristes. Autrement, la presse autochtone est autorisée de continuer à publier dans la langue locale mais a pour obligation de doubler ses articles d'une traduction en serbe. Parallèlement, la presse serbe jouira elle de subventions pour étendre ses tirages dans les nouveaux territoires, l'Etat lui indique dans des communiqués secrets cependant que le versement de ces subventions doivent surtout servir à appliquer la même politique de traduction, cela nécessitant plus de papier et d'encre, pour que les autochtones se détachent de leurs journaux traditionnels (notez donc que l'Etat subventionne uniquement la presse serbe pour les traductions, ceci vise à subtilement étouffer économiquement la presse autochtone pour qu'elle libère ses parts de marché à des journaux loyaux envers le régime et la nation serbe).

Enfin le dernier point concerne la politique migratoire. Le secrétariat décide d'inciter à la mobilité intérieure mais aussi extérieure depuis la Bosnie, la Slavonie et les régions encore sous domination ottomanes, mais aussi la Russie et les pays slaves occidentaux. Les propriétés expropriées à l'aristocratie germano-hongroise sont revendues à moindre prix à ces migrants slavophones (mais surtout serbophones) afin d'accroître la représentation serbe dans les nouveaux territoires et faciliter leur intégration. L'Etat promet également des allégements fiscaux pour mieux attirer les immigrants dans les régions outre-Danube. La presse, la publicité et les collectivités territoriales doivent servir cette politique à l'intérieur et à l'étranger.


Les réformes fiscales et financières


Le sous-développement de la Serbie est un secret de polichinelle. Le pays, pourtant peuplé par 4 millions d'habitants, soit 1million de moins que la Belgique, ne dégage à peine 10 p. 100 des recettes de cette-dernière, avec une valorisation des capitaux nationaux encore plus humiliante. L'explication est des plus simples : la Serbie n'a pas sauté dans le train de l'industrialisation et sa société est encore féodalisée, en effet sa bourgeoisie vit de l'artisanat alors que la richesse est concentrée dans la noblesse foncière et rentière qui s'appuie sur des métayers presque esclavagisés. Bref, la Serbie n'est pas à la page de la modernité, bien que les réformes entreprises sous le gouvernement Garasanin ont permis l'éclosion d'embryons industrieux, mais pas assez pour propulser le royaume. Le sous sol dispose pourtant de nombreuses ressources minérales et ferreuses, notamment le cuivre et le fer qui abondent dans l'est. Plusieurs gisements de houille y ont également été identifiés, précisément sur le site de Senjski Rudnik en 1853, et plus récemment à Aleksinački Rudnik, dans un bassin qui semble s'étendre de Bor à Nis. La Serbie n'a donc pas été maudite, son sol regorge de ressources, et davantage encore semblent sommeiller. Ensuite, le Danube, plus grand fleuve d'Europe si on l'exclue la Russie, ouvre le marché serbe par des voix de communications fluviales qui traversent tout le pays et le connectent à l'Europe centrale et à la mer noire. De plus, l'annexion du Banat fait don d'un large pan de la plaine pannonienne, extrêmement fertile et jouissant d'un climat approprié à la production d'une diversité d'aliments. Ainsi la géologie particulière des Balkans au confluent des Alpes, des Carpates, de la Méditerranée et du Danube, en fait une terre à grand potentiel, mais il lui manque les capitaux pour extraire cette richesse. Comment sauter dans le wagon de la modernité ? Comment faire de la Serbie la perle des Balkans, le poumon économique d'une région qui dépend actuellement de l'Europe de l'Ouest pour tout ? Le plan existe, il est possible, mais il demandera du temps, de la patience, et beaucoup d'efforts.

Avant d'effectuer quelconques investissements, il faut réformer l'appareil étatique, moderniser la fiscalité et le crédit.

Modernisation de la fiscalité

Avant d'aborder le crédit et la banque centrale, Milojevic et son cabinet se concertent pour améliorer la fiscalité du royaume qui ne donne pas la pleine mesure de la richesse nationale imposable. Il faut abroger les vieilles taxes féodales et introduire de nouvelles recettes.

L'on démarre alors par l'abrogation de taxes telle que la gabelle, plus adaptée aux conditions de ce siècle.

L'idée principale est ensuite de créer une contribution foncière et mobilière.
La contribution foncière est créée par une loi du 23 novembre 1878. Il s'agit d'un impôt de répartition (il est fixé commune par commune), pesant sur les revenus des propriétés foncières. La mise en place progressive d'un cadastre à jour et moderne, déjà commencé dans les nouveaux territoires, est étendu sur le reste du territoire serbe. Il doit permettre de mieux déterminer la valeur des propriétés, qui seront regroupées en plusieurs classes, notamment suivant le type de culture. Une distinction est faite entre les propriétés non bâties et les propriétés bâties..
Ensuite, la contribution mobilière est créée par la loi du 13 janvier 1879. Elle est divisée en deux taxes : une contribution personnelle, chaque habitant devant payer l'équivalent du revenu de trois journées de travail ; une contribution mobilière, due par chaque redevable de la contribution personnelle pour l'occupation d'un logement meublé, et assise sur la valeur locative.

L'idée seconde est une imposition sur les successions. L'impôt est assis sur le montant reçu par chaque héritier. Une déclaration fiscale doit être faite dans les six mois du décès ou un an en cas de décès en dehors de la Serbie. Tout d'abord, il est convenu que, ne sont pas soumis à l'impôt de succession: 1° Toute succession qui n'atteint pas 60 Dinars ; 2° Toute succession qui est dévolue : a) A des ascendants / b) A des époux. Les parents éloignés paient des droits de 1 et 5 p. 100. Les autres sont soumis à un taux progressif allant de 2 et 5 p. 100 à 12 p. 100 pour les patrimoines les plus élevés.

Ces mesures devraient constituer une source de revenus très fructueuse pour le Trésor, en augmentant nettement les recettes engendrées, tout en contentant un peuple qui demande depuis longtemps une politique fiscale plus juste

Réforme du credit

Pour accompagner le développement industriel de la Serbie, il faut moderniser la finance de cette-dernière en commençant par la création d'une banque centrale. Si une banque nationale de Serbie a été fondée au début de la décennie, ses prérogatives sont demeurées confuses, son capital peu nourris, ses actions timides. Le gouvernement Milojevic décide alors de réviser la gestion du crédit serbe en fusionnant cette proto-banque avec la nouvelle Banque royale de Serbie. Créée le 18 janvier 1878 sous décret du roi Alexandre sur le modèle de la banque de France, dans le but d'une part, d'être un organisme régulateur sur le marché de l'escompte et du loyer de l'argent, et, d'autre part, de soutenir le Dinar. La Banque royale est chargée d'émettre la monnaie et les billets payables à vue et au porteur jusqu'à l'expiration de ce privilège le 31 décembre 1893 (renouvelable pour une autre période de 15 ans ensuite). La Banque royale se présente juridiquement sous la forme d'une société anonyme au capital de 20 millions de dinars divisé en 20 000 actions nominatives de 1 000 dinars. Les actionnaires sont représentés par 15 régents et 3 censeurs. La réunion des régents forme le conseil général qui est placé sous la directive d'un gouverneur et deux sous-gouverneurs nommés par l'État. Ces-derniers sont chargés de la direction de l'ensemble des opérations de la Banque. Parmi les quinze premiers régents, certains ne sont pas banquiers mais négociants ou disposant d'une fortune suffisante. Le premier gouverneur de la Banque royale est Aleksa Spasic.

La création de la Banque royale de Serbie résout deux problèmes : celui de l’État jugé incapable d’assurer la stabilité monétaire et celui des banquiers qui refusent de se lancer isolément dans les risques de l’émission, les billets étant remboursables instantanément, sans préavis, à toute demande. Les plus grands banquiers préfèrent la sécurité d’une société collective appuyée par le gouvernement. L’institution permet de dépasser les limites de chaque partie, avec avantage et soutien réciproque. Dans ces conditions, la Banque royale de Serbie est autonome : ni dépendante ni indépendante des pouvoirs publics, elle ne fonctionne ni comme une pure banque privée ni comme l’annexe du Trésor public. Si la banque est soumise aux pressions gouvernementales en diverses occasions, elle s’appuie toujours sur l’impératif de stabilité monétaire pour résister. Le gouverneur n’est pas un commissaire gouvernemental, mais un notable de tout premier ordre, intégré à l’établissement. C'est aussi un diplomate, intermédiaire entre les régents privés et la Chancellerie, dont l’avis n’est pas forcément prépondérant.

La Banque royale de Serbie loge au 38 de la rue Knez Mihailova à Belgrade en attendant la construction d'un nouveau complexe à l'angle de la rue Dubrovačka. Elle dispose d'un stock d'or de 7 tonnes au 1er janvier 1878. Ce stock sera conservé dans une immense cave dans le sous-sol du futur hôtel de la Banque.

Le développement d'un réseau

Il est décidé l'établissement de succursales appelées « comptoirs d'escompte » dans certaines villes de province où le développement du commerce en fait sentir la nécessité. Dès 1878 des comptoirs d'escompte sont ainsi créés à Sabac et Smederevo. Mais Milojevic ne trouve pas cela suffisant. Toutefois, le secrétaire du Trésor s'emploie à modérer le kancellar et insiste sur le fait que la confiance accordée par le public est le plus souvent locale. Ce conseil est suivi et, par la suite, un seul comptoir est créé, celui de Novi Sad en 1880. A la place, l’on décide d’incorporer toutes les banques régionales qui avaient pris l’habitude d’émettre elle-même la monnaie. Le 27 juillet 1878, toutes les banques locales d'émission existantes sont incorporées à la Banque royale mais continuent à fonctionner comme comptoirs, la Banque s'assurant ainsi définitivement le privilège d'émission sur l'ensemble du territoire et s'appropriant ainsi la totalité de l'or détenu par celles-ci. Pour permettre la fusion, le capital est porté à 40 millions de francs via les bénéfices engendrés par la revente des domaines Habsbourg et des magnats hongrois, l'Etat devient ainsi le premier actionnaire de la Banque. Enfin, en juin 1880, une loi fait obligation à la Banque royale d'établir une succursale avant le 1er janvier 1885 dans tout district où il n'en existerait pas encore.

Le développement du billet de banque serbe

En ce qui concerne les billets de la Banque, ils seront reçus comme monnaie légale par les caisses publiques et les particuliers, le billet de banque devient ainsi une véritable monnaie, la Banque royale doit assumer son rôle de distributrice directe du crédit au commerce et à l'industrie. Les émissions de la Banque sont plafonnées et la Banque est autorisée à émettre des coupures de 100 dinars, 200 et 500 dinars (échangeable contre un équivalent en or ou argent). Par cette disposition le billet de banque doit commencer à pénétrer dans la vie courante et le mouvement de substitution du billet aux pièces se produire. Plus tard, pour répondre aux demandes de petites coupures du fait de la thésaurisation, l'émission de billets de 25 et 50 dinars est autorisée le 31 mars 1881. Enfin, une loi prévue pour 29 décembre 1883 (prochain tour) donnera à la Banque l'autorisation d'émettre des billets de 5 dinars. Le plafond de l’émission sera relevé en conséquence.
La Banque est tenue d'assurer, au porteur et à vue, la convertibilité de ses billets en espèces d'or ou d'argent. L'émission étant placée sous le régime du plafond (puisque l’on désire un contrôle quantitatif du cours légal), celui-ci est fixé à 40 millions de Dinars en 1878.

Une fonction importante : les concours à l'État

La direction générale du Trésor et la Banque doivent maintenir une stricte distinction entre leurs fonctions respectives. Contrairement à certains instituts d'émission étrangers, la Banque royale de Serbie, sur le modèle de la Banque de France, n'assume pas la gestion directe de la Dette Publique : elle n'est ni le comptable, ni le caissier de l'État. Le Trésor possède ses propres services financiers et centralise lui-même les disponibilités de ses « correspondants », notamment celles de la Caisse des dépôts et consignations nouvellement crée, et du service de la Poste royale (avoirs des centres de chèques postaux).
En contrepartie de son privilège d'émission, la Banque s'engage à consentir au Trésor des avances, au taux fixé pour l'escompte commercial, remboursables à l'expiration du privilège, fixée en 1893, pour un montant pouvant aller jusqu'à 20 millions de Dinars. Le rythme des recettes publiques ne correspondant pas à celui des dépenses de l'État, ce dernier ne manque pas de faire appel à la Banque, dès sa création, en vue de faciliter l'exécution du Budget très sollicité pour les nombreuses réformes et créations.


Les traités commerciaux et la politique économique de l'Etat


La Serbie ne s'est pas seulement trouvée des ennemis lors la seconde guerre d'unification, la France s'est montrée un soutien essentiel dans l'acquisition et la garantie des nouveaux territoires. Il est normal alors que c'est vers elle, le 18 février 1878, que Milojevic se tourne pour négocier le premier traité commercial de son mandat. Il est ainsi convenu à Paris l'accord suivant :

- La France fixe ses douanes à 6 % sur le cuivre Serbe
- Envoi d'instructeurs militaires et d'officiers français en Serbie pour la formation de leur armée
- Liberté aux sociétés serbes de se coter à la bourse de Paris
- Liberté aux étudiants serbes de pouvoir venir étudier dans les universités françaises, la France s'engage également à envoyer des savants, professeurs etc pour former les serbes en échange
- Construction d'une ligne de chemin de fer Belgrade – Thessalonique appartenant à une société anonyme franco-serbo-turque (40 % / 30 % / 30 %) avec une garantie apposé par l'Etat français à hauteur de 5%

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La Compagnie de la Morava œuvre sur le tracé bleu.

La partie serbe du financement de la société ferroviaire que l'on baptise la Compagnie de la Morava, en hommage au fleuve éponyme que longera le chemin de fer, se règle de la façon suivante : l'Etat assume le placement des capitaux sous concours de la Banque royale de Serbie pour avancer les fonds. Cette dernière sera de facto actionnaire de la Compagnie et touchera les bénéfices « au nom de l'Etat », jusqu'à ce que celui-ci lui rembourse l'intégralité des avances, une méthode orthodoxe d'enrichir le capital de la Banque.
Les droits de douanes sur le cuivre serbe doivent permettre le développement des sociétés minières serbes par un expansion de la demande extérieure, politique pleinement assumée par l'Etat dans l'attente qu'il dégage des recettes capables de subsidier ces sociétés.

Parallèlement, deux autres accords sont signés avec l'empire italien et le Royaume-Uni, avec la participation de l'empire ottoman pour le premier décrit ci-dessous :

-Mise en œuvre d'une liaison ferroviaire entre Sarajevo et Belgrade garantie auprès des privés Britanniques et Italiens par une émission d'obligation à 4% leurs investissements à hauteur de 80  millions de francs sur les 110 Millions engagés (70 millions pour les Britanniques, 10 millions pour les Italiens) pour la mise en service de cette ligne. Le reste à la charge des privés ottomans et serbes. Début des travaux 1882.

Le second accord, signé exclusivement avec Londres, sera signé à l'orée 1882. Les clauses seront précisées à cette occasion (prochain tour).

Le secteur privé serbe bénéficiera d'un soutien de l'Etat lorsque ces projets débuteront en 1882. Les modalités de cette intervention publique seront également précisées le moment venu.

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La réforme militaire


Le nouveau royaume de Serbie peut paraître grand et fort, mais il est menacé sur toutes ses frontières. Au sud, l'empire ottoman continue d'oppresser les frères serbes du Kosovo. Au nord, la république hongroise pourrait planifier sa revanche sur le peuple serbe. A l'ouest, l'empire italien ne voit pas d'un bon œil le développement d'une nation serbe. A l'est, le royaume de Roumanie chuchote dans l'oreille du prince de Bulgarie pour diviser les deux peuples cousins et isoler la Serbie. Tant de menaces, même avec l'appui du grand empereur Napoléon IV et du puissant tsar Alexandre II, la Serbie est vouée à mourir si elle ne se dote pas d'une armée en mesure de la défendre. Heureusement, les nouvelles ressources acquises par les annexions et le soutien financier de la France permettent à Milojevic d'entrevoir une grande réforme militaire. Celle-ci doit faire aligner 150 000 hommes prêts à mourir pour la patrie. Aidée par l'envoi d'instructeurs militaires et d'officiers français, l'armée serbe s'engage alors dans une grande refonte de son académie, de ses formations, de sa structure et de sa tactique, le tout inspiré par le modèle français.

Ainsi, un Grand Etat-Major est créé, il sera dirigé par un chef d'Etat-Major dont le premier nommé à ce poste est le général František Zach, officier d'origine tchèque connu pour être un défenseur de la liberté et un panslaviste, combattant à la fois lors du soulèvement de novembre 1830 en Pologne, ainsi qu'en Serbie lors de guerre russo-turque de 1875. Il a joué un rôle essentiel dans la formation du mouvement Načertanije en 1844, qui a ensuite servi de ligne directrice pour le projet d'unification des serbo-slaves divisés par la domination ottomane et austro-hongroise. Il a également été le premier doyen du conseil académique de l'Académie militaire de Serbie et son chef à trois reprises en 1850-1859, 1860-1865 et 1868-1874.

Ensuite, un Secrétariat d'Etat de la guerre est fondé. Se refusant d'attribuer un poste de ministre de la guerre trop puissant afin d'éviter la naissance d'un potentiel rival, Milojevic décide de ne confier que l'administration de l'armée de terre. Le commandement suprême de cette dernière est assurée par l'état-major serbe susmentionné qui est directement subordonné au roi. Le secrétaire n'a ainsi pas le droit de s'adresser directement au roi sans passer par le kancelar. Le premier à occuper cette position est le général Jovan Mišković.

Suivant donc ce grand renouveau structurel de l'armée, les officiers de celle-ci suivent désormais des cours par des officiers français. Plus tard, cette nouvelle génération d'officiers prendra le relais des détachés français pour enseigner l'art militaire aux nouveaux arrivants. De plus, fait notable, l'instruction par des officiers français oblige les Serbes à apprendre le français en amont ou sur le tas via des cours de français administrés par l'académie de guerre.

Les officiers ne sont pas les seuls concernés par des exigences d'instruction, tous les soldats de l'armée serbe doivent dorénavant savoir lire et écrire. Bien que le soldat serbe était déjà le mieux instruit de la péninsule balkanique, environ 50% de lettrés, l'on décide de pousser cette compétence jugée cruciale encore plus loin. L'armée se fixe un total de 95% de lettrés d'ici 1890. L'objectif est de mener des hommes capables de comprendre des ordres écrits en serbo-croate chtokavien. C'est pourquoi l'armée s'engage à ouvrir des centres d'instruction pour apprendre à lire et à écrire à tous ses soldats dans la langue serbe chtokavienne. Cela va sans dire que cet objectif doit aussi servir à uniformiser le peuple serbe et à répandre le dialecte chtokavien dans toute la nation, il faut subtilement effacer les langues régionales et imposer le parler de Belgrade pour renforcer la cohésion du peuple serbe.

Enfin, et surement point le plus important de la réforme, l'armée subie une réévaluation de ses effectifs. Il est décidé d'instaurer le service militaire universel pour tous les hommes de plus de 21 ans sur un socle de 20 000 hommes par an, à partir de quoi sont créés une armée de réserve de 1er ban sujette à 3 ans de service (2 ans pour les armes autres que l’infanterie), suivie d'une armée de milice de 2e ban soumise à 6 ans. Il est prévu à l'avenir de créer une armée régulière professionnelle lorsque les moyens le permettront. La France s'engage aussi à collaborer avec les sociétés d'armement serbes pour créer des lignes d'équipement modernes d'ici 1882. Financièrement, l'extension des effectifs de l'armée est étendue sur 4 ans pour limiter le fardeau budgétaire. En prenant compte des 5 divisions de milice préexistantes, Milojevic et Mišković calculent ainsi une enveloppe annuelle de 10 millions de dinars de 1878 à 1880 inclus pour la formation de trois divisions de réserve, soit un total de 30 millions de dinars, puis un autre chèque de 10 millions de dinars en 1881 pour financer la formation d'une division de milice supplémentaire, portant la réforme militaire à un montant final de 40 millions de dinars. Pour financer cette réforme, le gouvernement emprunte à 60% sur les marchés financiers français (en accord avec Paris), les 40% restant, la couronne serbe les finance par le biais d'obligations d'État et de bons du Trésor tirés sur les garanties des domaines de l'État, mais aussi par le crédit auprès des banques du pays et le concours de la Banque royale de Serbie.

Pour résumer :

3 ans de réserve du 1er ban, 6 ans de réserve du 2e ban – 20 000 hommes / an
Armée totale : 60 000 hommes du 1er ban, 120 000 hommes du 2e ban (Milice)
Armée de campagne : 45 000 réservistes, 90 000 miliciens

Le commandement de l'armée serbe est administrée par un Grand État-Major général. Le commandant en chef est le roi, qui assume ce rôle de manière nominale. Il s'appuie sur un corps de techniciens hautement qualifiés formés à l'Académie de guerre de Belgrade, et placé sous la direction du chef d'État-Major général. Les commandements d'unités sont directement placés sous l'autorité de l'État-Major général.
L’armée serbe est divisée en 3 corps d’armées sujets à la mobilisation du 1er ban et du 2e ban qui constitue l’essentiel de l’armée de campagne.
Tous les corps provinciaux sont composés de 1 division de réserve et 2 divisions de milice. L’armée serbe compte sur le pied de guerre 9 divisions mixtes soit 135 000 hommes.
Ses Korpus sont numérotés de I. à III.
Le ler Korpus est stationné à Belgrade, le IIe Korpus à Nis, le IIIe Korpus à Temišvar.

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1882 - 1886

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La diplomatie du rail

Le décollement industriel de la Serbie a débuté. Les nombreux accords étrangers et internes portent leurs fruits, les investissements de l'Etat jouent une part cruciale dans le processus de modernisation. Milojević est conscient que la Serbie a besoin de l'étranger, à savoir les Grandes puissances, pour opérer son industrialisation. Alors que le contrat français sur la compagnie ferroviaire de la Morava se montre très concluant, 57% du rail ayant déjà été posé dont la partie serbe totalement complétée, le chancelier du royaume ratifie l'accord signé plus tôt avec l'empire italien, le Royaume-Uni et l'empire ottoman sur la conception d'une ligne entre Sarajevo et Belgrade. Revoici le contenu :

- Mise en œuvre d'une liaison ferroviaire entre Sarajevo et Belgrade garantie auprès des privés Britanniques et Italiens par une émission d'obligation à 4% leurs investissements à hauteur de 80  millions de francs sur les 110 Millions engagés (70 millions pour les Britanniques, 10 millions pour les Italiens) pour la mise en service de cette ligne. Le reste à la charge des privés ottomans et serbes. Début des travaux en 1882.

Il s'agit pour le ministre serbe de relier la Serbie à l'empire italien, moteur de l'Europe du Sud et acteur balkanique important. Mais le Macvanin souhaite également ouvrir la Bosnie au marché serbe, connecter les peuples slaves entre eux, et promouvoir un idéal balkanique tourné vers le progrès. C'est pourquoi il faut davantage montrer l'exemple par la concrétisation d'accords supplémentaires. Belgrade contacte ainsi une seconde fois Londres, toujours intéressée aux affaires des jeunes nations balkaniques, pour lui proposer une autre ligne, cette fois-ci dans le nord outre-Danube, afin de relier la Grande Voïvodine nouvellement annexée au reste du pays. Cette région riche, dotée d'une bourgeoisie serbo-allemande depuis le XVIIIe siècle, a déjà développé son propre réseau ferroviaire local sous le régime des Habsbourg et des Hongrois, une toile dense qui recouvre le cœur ouest et centre de la région et qui s'attache à Temišvar, les sites industriels de Rešica, Bocša et Oravica, les mines de charbon de Secu et Anina, et à la mine de fer de Gvozdeni kamen (Ocna de Fier). Il est ainsi négocier la construction d'une ligne entre Novi Sad, Temišvar et Belgrade, dans l'objectif de connecter le nord développé et le sud en voie de développement, de briser la barrière du Danube, et de dynamiser les flux de capitaux dans tout le pays. L'accord stipule donc :

- Mise en œuvre d'une liaison ferroviaire entre Novi Sad, Temišvar et Belgrade longue de 226 km, garantie auprès des privés Britanniques par la couronne britannique d'une émission d'obligation à 4% de leurs investissements à hauteur de 44 296 000 Francs sur les 90.4 millions engagés pour la mise en service de cette ligne. Le reste, 46 104 000, est à la charge des privés serbes et de l'Etat qui assume 30 millions par crédit auprès des banques britanniques. La couronne serbe s'engage à acheter le matériel et les ressources en Angleterre avec ce crédit. Début des travaux en 1882.

Enfin, puisqu'il faut connecter tout le pays, l'Etat ne peut négliger l'est qui regorge les principales ressources houillères et métallurgiques du sud. Milojević se tourne naturellement vers la France, modèle et ange-gardien de la Serbie, pour négocier cette extension vers l'orient serbe. Il est décidé avec le gouvernement de Paris la construction d'une ligne franco-serbe entre Belgrade, Negotin et Nis en passant par la région houillère de Pomoravlje et la région métallurgique de Bor, jusqu'au bord du Danube. La clause précise :

- Mise en œuvre d'une liaison ferroviaire entre Belgrade, Negotin et Nis longue de 400 km, garantie auprès des privés français par l'Etat français d'une émission d'obligation à 4% de leurs investissements à hauteur de 78 400 000 Francs sur les 160 millions engagés pour la mise en service de cette ligne. Le reste, 81 600 000, est à la charge des privés serbes et de l'Etat qui assume 65 millions par crédit auprès de la Banque de France avec un taux d'intérêt à 2%. Début des travaux en 1882.

Il n'échappera à personne que l'Etat serbe s'engage dans de nombreux et importants investissements qui vont sans nul doute grossir la dette, mais tant que le gouvernement garantie des taux d'intérêt faibles, pas de quoi s'alarmer. Mais l'on pourrait alors s'inquiéter de la part écrasante que prend l'Etat dans l'industrialisation nationale qui ne laisse peu de marge à ses privés, mais cela est indispensable affirme le secrétaire du trésor Čedomilj Mijatović, car la bourgeoisie serbe est encore relativement faiblarde et ne peut assurer seule le décollage du royaume, l'Etat doit motoriser un développement qui favorise l'enrichissement et l'élargissement de sa classe moyenne pour que cette-dernière puisse à terme prendre la relève. Il faut alors ouvrir des parts réalistes mais néanmoins ambitieuses pour les capitaux privés, et assumer le financement de ce qui ne peut être avancé rapidement. Mais puisqu'il faut élever cette bourgeoisie, l'Etat s'entend avec la Banque royale de Serbie pour proposer des crédits de 3 à 5% aux capitalistes serbes qui souhaitent investir dans les chemins de fer nationaux. De plus, Milojević obtient de sa majorité parlementaire une loi préconisant un allègement fiscal des fournisseurs de l'industrie ferroviaire, base des chaînes de valeur, et notamment de matières premières, afin d'accroître leur productivité et ainsi réduire les coûts d'approvisionnement des compagnies ferroviaires, dont leur organisation sera revue dans un chapitre ultérieur couvrant également la politique industrielle globale du gouvernement et les pôles de compétitivités locaux désignés. Ce qu'il faut retenir en préambule, c'est que l'Etat prend position de diriger le réseau ferré serbe, soit par la construction de lignes publiques, soit par l'établissement de commission d’étroite surveillance dans les compagnies afin de superviser avec leurs dirigeants l'administration du réseau national. L'objectif est avant tout militaire, l'Etat-Major serbe juge en effet nécessaire le contrôle des chemins de fer du royaume pour faciliter et accélérer la logistique, les exercices et les déploiements.

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Complètement de la réforme militaire


La réforme de l'armée serbe se poursuit ! Toujours sous les conseils des officiers français, le chef d'Etat-Major František Zach et le secrétaire d'Etat à la guerre Jovan Mišković conviennent d'élargir les effectifs de l'armée pour atteindre la limite budgétaire consentie par le chancelier Milojević, à savoir un équivalent de 35% des recettes nationales. Mais ce n'est pas tout, lors d'un exercice avec la garde royale, le prince hériter en personne, Pierre Alexandre Karageorgévitch, s'est plain du manque de précision du fusil serbe Milovanović après avoir testé quelques jours plus tôt le tout nouveau fusil français, le Tramond, le premier fusil au monde équipé d'un chargeur tubulaire permettant d'emmagasiner 10 cartouches, ce qui accroit significativement la rapidité de tir et donc la puissance de feu, rendant dès lors obsolète tous les fusils à un coup. Soucieux d'être à la pointe technologique pour compenser les effectifs forcément limités par la petite population serbe, Zach s'entretient avec le chancelier Milojević et son secrétaire de la guerre Mišković en compagnie du prince hériter et de son père le roi, pour tenter de convaincre Sa Majesté et son ministre de contacter les Français pour obtenir ces fameux fusils Tramond, mais aussi de nouvelles pièces d'artillerie de campagne comme les canons de Bange 90 mm, qui ont fait leur preuve lors des campagnes coloniales de la France. Cependant, Milojević est conscient du coût énorme qu'une telle modernisation de l'équipement demanderait, « La Serbie n'en a pas les moyens » assure-t-il, mais le prince héritier, grand francophile ayant combattu en tant que volontaire dans l'armée française en 1868, pense que la couronne serbe pourrait négocier un financement avantageux avec la France afin de payer les commandes d'armement.

C'est alors que le chancelier et le prince s'embarquent dans un long voyage à Paris le 22 novembre 1882 pour négocier en personne avec le président du conseil Napoléon-Jérôme et Sa Majesté impériale Napoléon IV. La suite est royalement accueillis à Paris, des appartements dans le palais impérial des Tuileries lui sont prêtés, une visite officielle est organisée dans la capitale pour rencontrer le peuple parisien, puis quelques jours plus tard, une autre visite est effectuée au célèbre camp militaire de Châlons, où Milojević et Pierre Alexandre assistent en grande pompe à des exercices de la garde impériale. Une fois de retour à Paris viennent enfin les négociations. Milojević essaye de subtilement expliquer la proposition serbe pour éviter d'apparaître comme un mendiant, car en effet il n'est pas simple de demander ouvertement des crédits avantageux pour faciliter les maigres finances de sa nation. Cependant, l'empereur Napoléon se montre très direct lorsqu'il découvre le voile des demandes serbes et enjoint son ministre à les accepter au nom de la grande amitié franco-serbe. Napoléon-Jérôme accepte de proposer au parlement des prêts allant à 2% d'intérêt, mais l'empereur lui aurait rétorqué « Autant demander nul, c'est mieux ! », ce qui n'a pas pu empêcher de faire perdre ses manières au prince, qui se serait levé pour remercier chaleureusement l'empereur. Peu importe les faits qui se seraient conduis dans les salons des Tuileries, il en est que l'Assemblée nationale consent à prêter à la Serbie autant de fonds que nécessaires pour équiper l'intégralité de ses régiments de fusils Tramond et de canons de campagne de Bange 90 mm, mais aussi pour la création de trois nouvelles divisions d'infanterie, tout à un taux d'intérêt nul, soit pour dire simple, gratuitement. Il s'agit d'un immense cadeau offert par la France à son allié le plus francophile au monde, la Serbie.

Lorsque la nouvelle est transmise par télégramme au roi et au chef d'Etat-Major, les deux se hâtent de préparer un grand accueil au chancelier et au prince pour les féliciter de leur réussite diplomatique. Ainsi, le 7 décembre 1882 est signé l'Accord des Tuileries qui garantit à la Serbie un crédit de 110 millions de francs à taux 0 pour l'élargissement de ses effectifs et la commande de fusils Tramond et de canons de campagne de Bange 90 mm pour l'équipement de son armée. Il est également convenu l'envoie de détachés militaires français pour aider l'entraînement des soldats serbes à l'utilisation de ces armes révolutionnaires et pour les observer en action afin de contribuer à la recherche militaire française. Aussitôt, Milojević fait voter au parlement la loi sur la Complétion de la réforme de l'armée serbe de 1882 qui concrétise la création d'une division de réserve et deux divisions de milices, et prévoit l'équipement de l'intégralité des 12 divisions de l'armée serbe, à savoir 4 de réserve et 8 de milices, en fusils à répétition Tramond et canons de Bange 90mm. Ainsi, l'ordre de bataille de l'Armée serbe à l'orée 1884 se dessine ainsi :

3 ans de réserve du 1er ban, 6 ans de réserve du 2e ban – 27 000 hommes / an
Armée totale : 80 000 hommes du 1er ban, 160 000 hommes du 2e ban (Milice)
Armée de campagne : 60 000 réservistes, 120 000 miliciens

L’armée serbe est divisée en 4 corps d’armées sujets à la mobilisation du 1er ban et du 2e ban qui constitue l’essentiel de l’armée de campagne.
Tous les corps provinciaux sont composés de 1 division de réserve et 2 divisions de milice. L’armée serbe compte sur le pied de guerre 12 divisions mixtes soit 180 000 hommes.
Ses Korpus sont numérotés de I. à IV.
Le ler Korpus est stationné à Belgrade, le IIe Korpus à Nis, le IIIe Korpus à Temišvar, le IVe Korpus à Čačak.


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Le traité de Belgrade de 1884 et l'Union douanière balkanique

Dans la continuation de sa politique extérieure, le chancelier Miloš Milojević décide de créer un office royal pour les affaires étrangères afin de l'aider dans cette tâche clé de l'Etat. En effet, la Serbie, petite nation émergeante des Balkans, doit mettre en marche une diplomatie active afin de tirer son épingle du jeu européen et se réserver une place respectée dans celui-ci, qui convient à ses intérêts. Ce lourd fardeau ne peut être porté par les seules épaules du chancelier Milojević, et ce-dernier aspire à de grands dessins avec les nations voisines des Balkans. C'est pour cela qu'il décide de nommer Milutin Garašanin, fils du fameux Ilija Garašanin, au nouveau poste de secrétaire aux affaires étrangères pour l'épauler dans la réalisation de son grand projet qu'il dévoile à la Skupština le 23 septembre 1883. Celui-ci révèle son désir de fonder une union douanière et commerciale entre États balkaniques, dont les buts sont la création d'un marché intérieur unique et l'harmonisation des règles fiscales et économiques pour faciliter les échanges et le développement dans cette région en marge de l'Europe. Milojević entend tirer vers le haut les nations chrétiennes balkaniques (re)naissantes avec la participation de l'empire italien, avec qui il avoue entretenir depuis deux mois d'intenses négociations. Le projet ne fait pas l'unanimité dans l'Assemblée, en effet les conservateurs protectionnistes et indépendantistes s'opposent à toute commission supranationale qui réduirait l'indépendance commerciale de la Serbie, la soumettrait à des décisions qui dépasseraient son parlement, et ouvrirait son marché à des puissances rivales. Milojević comprend alors qu'un coup de tonnerre est nécessaire à l'Assemblée pour faire passer son grand projet.

Alors que le chancelier, le secrétaire Garašanin, le président du conseil italien Minghetti et son ministre des affaires étrangères Antonio di Rudini édictent les articles de l'union douanière lors de réunions entre ambassadeurs et de discussions télégraphiques, Milojević discute en secret avec les chefs de l'opposition libérale, Jovan Ristić et Jovan Avakumović, pour tenter de les séduire par des promesses de réformes contre l'adhésion de leur parti à l'Union douanière. Les Libéraux ne s'opposent pas à la nature de ce projet qu'ils ne peuvent qu'approuver dans sa pensée ultra-libérale, mais ils refusent de donner leur consentement au « tyran » qui règne sans partage au ministère depuis maintenant 7 ans. Le Macvanin doit se montrer sous un autre jour pour persuader ses opposants d'hier à devenir ses alliés de demain. Il promet tout d'abord d'allonger la durée de mandat des députés de 3 à 4 ans, d'allouer un salaire à ces-derniers et de retirer la mention de « fonctionnaire » à leur fonction, de plus il émet l'éventualité d'abolir le vote de validation de la Cour Suprême pour la destitution du chancelier. Mais ce que veulent vraiment Jovan Ristić et Jovan Avakumović, c'est le droit de regard et, pour aller plus loin, de vote de l'Assemblée sur le budget militaire, qui actuellement est à la responsabilité du seul chancelier, or ces-derniers dénoncent la surmilitarisation de la Serbie engagée par Milojević. Celui-ci hésite, mais il propose aux chefs libéraux de soumettre le budget militaire serbe à un vote pour une valabilité de sept ans. Ristić accepte le compromis du chancelier et convainc Avakumović de l'aider à rallier les députés libéraux au gouvernement.

Pendant ce temps, Garašanin achève l'écriture des articles de l'Union avec Rudini. Le secrétaire et le ministre reçoivent l'approbation de leur chef de gouvernement, et s'empressent alors de contacter les chancelleries bulgares, grecques, slavonnes et monténégrines. Si les trois dernières se montrent enclines, la Bulgarie doute, elle craint froisser la Roumanie avec qui elle s'est rapprochée. A Belgrade, on est conscient du rapprochement roumano-bulgare dirigé contre la Serbie, et c'est à cause de cela que Milojević veut absolument contraindre les membres signataires de l'Union de consentir à un pacte de non-agression entre eux, sous couvert de faire germer la prospérité économique des Balkans, mais en vérité pour briser l'alliance roumano-bulgare, apprise grâce à l'ambassade russe. De façon surprenante, l'Italie soutient fermement l'exigence serbe et fait pression sur la Bulgarie pour qu'elle se soumette au pacte, cette-dernière avance alors des arguments protectionnistes mais ils ne tiennent pas debout. Finalement, sous promesse d'une garantie italienne sur la souveraineté territoriale de la Bulgarie et d'accords financiers et militaires, le premier ministre bulgare accepte de rejoindre l'Union douanière balkanique.

Lors de la séance parlementaire du 1er mars 1884, Milojević présente son projet de loi du Septennat pour le budget militaire. Les conservateurs s'y opposent, mais le parti progressiste et le parti libéral s'allient et font passer la loi. Le premier budget parlementaire sera ainsi voté au 1er janvier 1885. En contre-parti de cette concession, les libéraux se rallient aux progressistes lors du vote pour l'adhésion à l'union douanière. Milojević obtient la majorité parlementaire et peut dès lors inviter les chancelleries alliées de venir à Belgrade le 10 mars pour signer l'acte de naissance de l'Union douanière balkanique. Pendant cinq jours, les diplomates, les secrétaires, les ministres, les chefs de gouvernement et les souverains eux-mêmes complètent les derniers points, puis le 15 mars 1884, signent l'Acte de création de l'Union douanière balkanique, qui présentent alors les articles suivants :

Traité de Belgrade ou Traité d'Union douanière et commerciale des Balkans (15 mars 1884) :

Article 1 - La conférence siège une fois par an dans la ville de l'état en charge de la présidence tournante annuelle entre l'Italie, la Serbie, la Grèce, la Bulgarie, la Slavonie et le Monténégro (Spalato pour l'Italie, Belgrade pour la Serbie, Athènes pour la Grèce, Sofia pour la Bulgarie, Zagreb pour la Slavonie, Cetinje pour le Monténégro).

Article 2 - La présidence se charge d'exécuter la répartition des douanes annuelles perçues aux frontières de l'Union équitablement entre les membres de l'Union en fonction de leur participation aux échanges et de la négociation des accords avec des états en dehors de l'union, suite à la décision des membres. Cette dernière clause ne s'applique pas à l'Italie conséquemment à son statut spécial (voir plus bas) mais détermine donc ce qu'elle reverse à l'Union en fonction de son quote-part

Article 3 - Les décisions doivent être prises à l'unanimité des membres.

Article 4 - Les Etats membres harmoniseront leur système de mesure en adoptant le système métrique et décimal et devront respecter un maximum d'une heure de décalage horaire entre les Etats membres pour faciliter les échanges.

Article 5 - Les Etats membres devront garantir un système de change fixe calqué sur le franc avec une tolérance de +/- 5% et sous le régime du bimétallisme pour faciliter les échanges. De ce fait les Etats membres doivent avoir adhérer au système monétaire de l'Union latine. Une conférence monétaire est également mise en oeuvre pour régler dans les prochaines années l'établissement d'une monnaie commune standardisée dédiée aux échanges internes entre les pays membres de l'Union.

Article 6 - Les Etats membres sont autorisés à conserver des monopoles nationaux bien précis (loterie, tabac, etc) sous couvert de réciprocité et en cas de vote unanime.

Article 7 - Compte tenu de l'importance économique de l'Empire Italien, et pour éviter l'établissement de frontières douanières au sein de ce dernier, un système de régulation est mis en place : au delà d'un quote-part équivalent au montant monétaire des échanges commerciaux intérieurs à l'Union de l'autre État échangeant le plus grand nombre de marchandises au sein de l'Union lors de l'année précédente, les marchandise italiennes seront soumises à un tarif intermédiaire entre celui pratiqué entre les membres de l'Union et les puissances étrangères à celle-ci. Concernant les recettes douanières des importations Italiennes extérieures à l'Union, un régime similaire sera appliqué : elles seront donc reversées à l'Union douanière jusqu'à un quote-part équivalent au montant des douanes prélevées à l'extérieur de l'Union par l'autre État échangeant le plus grand nombre de marchandises en dehors de l'Union lors de l'année précédente. A noter que les matières premières d'origine extracommunautaire ne faisant que transiter par l'Italie sans être transformées seront considérés comme des produits étrangers, pour protéger l'économie des autres Etats membres.

Article 8 - Les Etats adhérents à l'Union signent un Pacte de non-agression (incluant également pour l'Italie et la Serbie une garantie de non intervention en Bosnie-Herzégovine).

La création de l'Union douanière balkanique est un véritable coup de maître de Milojević, le chancelier serbe s'auréole une nouvelle fois de gloire auprès des chancelleries européennes, qui aperçoivent la Serbie de plus en plus comme la tête de colonne des nations émergeantes de cette région marginalisée du Vieux Continent, au grand damne de la Roumanie, complètement ignorée lors des négociations, et qui semble ne plus pouvoir compter sur son partenaire bulgare ni sur son allié italien pour anéantir la Grande Serbie. Le prestige de Milojević ne fait que s'accroître à mesure qu'il consolide la position de la Serbie sur l'échiquier européen et isole le rival roumain qui ne cesse de provoquer Belgrade. Dans les salons, on pressent une guerre arriver...

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La guerre serbo-roumaine : un coup de tonnerre dans un ciel serein


Les tensions entre la Serbie et la Roumanie s’aggravent en ce début de décennie. Le chancelier Milojević est conscient du stratagème roumain pour encercler le peuple serbe et œuvre jouer et nuit pour contrecarrer les manigances de Bucarest. Avec ce charisme qui le caractérise, le maître de la Serbie appose une fois encore sa signature dans le concert diplomatique européen en parvenant à nouer l’Union douanière balkanique sans la Roumanie. Celle-ci est isolée dans les Balkans, son traité d’alliance secrète avec la Bulgarie est contourné par le pacte de non-agression qui lie les membres de l’Union. Voilà une première étape d’accomplie, mais Milojević doit maintenant s’assurer du soutien européen pour isoler son adversaire et le prémunir de toute aide étrangère. Il l’obtient par un premier traité avec la France, contenant crédits militaires et garantie secrète. Puis c’est la Grande-Bretagne qui délivre sa carte blanche au Macvanin. L’Empire ottoman et l’empire de Russie l’imitent, et enfin l’empire italien opère un revirement surprenant en soutenant la position serbe dans l’Union balkanique. Le chancelier de Serbie a réussi un coup de d’éclat diplomatique, la Serbie est soit l’amie de tout le monde, soit le partenaire privilégié. En fin de compte, la Roumanie est isolée, le manège de son ministre-logothèque est en panne, et c’est à cause de cette situation désespérée que celui-ci décide d’adopter une posture agressive pour pousser la Serbie dans ses retranchements. Mais c’est un échec, l’arrestation injustifiée d’un navire marchand serbe sur l’île danubienne d’Ada Kaleh consterne l’ensemble des chancelleries européennes, toutes les capitales apportent leur soutien à Belgrade qui peut dès lors prendre à contrepied Bucarest en intimant des réparations. Mais les Roumains refusent et pire, ils confirment leur volonté d’arrêter tous les navires marchands serbes à l‘avenir pour « suspicion de contrebande ». Les provocations roumaines trouvent leur écho par le rappel de l’ambassadeur serbe à Bucarest, la fermeture des ports à la marine marchande roumaine et par l’ouverture d’une séance exceptionnelle de l’Union douanière pour sanctionner les actions malveillantes de la Roumanie. S’en suit une escalade qui amène finalement Bucarest à décréter la mobilisation générale, décision lourde de conséquence que la Serbie copie aussitôt. Après un ultimatum refusé, la Roumanie déclare la guerre à la Serbie contre l’avis général des Puissances. Le piège de Milojević se referme sur Petre Carp, il a réussi son coup de poker, maintenant tout réside entre les mains du chef d’Etat-Major František Zach.

La réponse de Zach ne se fait pas attendre, l’armée serbe opère une mobilisation rapide qui lui offre l’initiative à la frontière de la Valachie. Le maréchal serbo-tchèque manœuvre un mouvement éclair sur le Danube qui piège un corps d’armée roumain isolé près de Turnu-Severin, le 5 juillet 1884. La première bataille de la guerre est une victoire éclatante, le corps est étranglé dans une nasse de 130 000 fantassins serbes, le coup de grâce est infligé sur le flanc gauche par le prince-héritier en personne, Pierre Alexandre ! Tous sont morts, blessés ou capturés chez les 45 000 soldats roumains, les pertes serbes ne s’élèvent pas plus haut qu’à 3350 morts ou indisposés. Ce résultat éclair à la frontière étonne toute l’Europe, où les salons misaient sans retenu sur « une promenade militaire roumaine ». La campagne se poursuit en Olténie, le chef d’Etat-Major Zach trompe l’ennemi dans ses ambitions et parvient à traverser l’Olt au nez à et la barbe des Roumains. Ces derniers tentent néanmoins d’opposer une contre-attaque, mais elle est héroïquement repoussée par les efforts combinés du général Mišković et... du prince Pierre Alexandre, alors même qu’il faisait traverser en même temps le fleuve à ses hommes ! Ce premier succès de ce qui devient la bataille de Slatina ouvre la porte au plan tactique de Zach. Renonçant à un assaut général, le maréchal décide d’encercler l’armée roumaine dans la ville. Son plan se concrétise dans la nuit du 20 au 21 juillet, le corps de Lešjanin capture le centre-ville pendant la nuit tandis que l’aile gauche fond sur le sud pour couper la route vers Bucarest d’une part, et repousser une contre-offensive sur la ville d’autre part. La journée du 21 juillet conclue la bataille, l’offensive roumaine au sud est écrasée par un mouvement en tenaille tandis que Zach ferme la boucle sur l’armée démunie. Le lendemain, les général Groza dépose ses armes au roi Alexandre Ier, il est suivi par le reste des officiers roumains. La bataille de Slatina s’achève et témoigne d’une seconde victoire spectaculaire pour l’armée serbe qui annihile de fait la force combattante de son opposant. La campagne se termine par la prise de Bucarest le 30 juillet, après la signature d’un armistice entre le roi Alexandre Ier et le domnitor Georges IV Stirbey II.  

Si la guerre par les armes est une réussite serbe, il demeure encore à remporter la guerre par la plume pour confirmer la victoire. La diplomatie roumaine s’active pour obtenir l’arbitrage des Puissances, mais les crises de celles-ci en Asie et les manœuvres de Milojević bloquent ses tentatives. Après plusieurs jours de négociations, le ministre-logothèque et son domnitor consentent, le 12 août 1884, à signer le traité de paix écris par le chancelier et garantis par l’empereur des Français Napoléon IV. En voici le contenu :

- Le Royaume de Roumanie endosse la pleine responsabilité de la guerre et reconnaît son issue sanctionnée par la victoire totale de l'armée serbe.  

- Le Royaume de Roumanie renonce à toute revendication, souveraine comme suzeraine et de toute autre nature, sur la région historique du Banat, englobant la Voïvodine historique, dernièrement rassemblée dans les comitats hongrois de Krassó-Szörény, de Temesn, de Torontá, de Bács-Bodrog et de Syrmie.  

- Le Royaume de Roumanie s'acquitte d'une indemnité de guerre s'élevant à 500 millions dinar-or, soit l'équivalent en franc, à payer sous 7 ans. L'armée serbe occupera toute la Valachie jusqu'à Bucarest et sa périphérie en gage de garantie des paiements, aux frais des autorités locales. L'armée serbe se retira derrière l'Olt une fois le règlement de 350 millions complété.  

- Le Royaume de Roumanie signe un pacte de non-agression de trois ans avec le royaume de Serbie le 12 août 1884, renouvelé en 1887 puis en 1890.  

- Le Royaume de Roumanie cède l'île d'Ada Kaleh, les bouches du Danube, la Bessarabie et une partie des comitats de Beszterce-Naszód, de Szolnok-Doboka et de Szilágy, comprenant donc la ville de Cluj, au royaume de Serbie, et renonce à toute forme de souveraineté et de suzeraineté sur ces régions, laissant la liberté au royaume de Serbie de leur attribuer le régime qu'elle juge le meilleur, cela n'excluant pas une cession de ces terres à un autre Etat souverain.  

- Au terme du règlement du 4/5e des indemnités, le royaume de Roumanie s'engage à signer un traité de libre-échange unilatéral avec l'Union douanière balkanique, abaissant de fait tous ses tarifs douaniers à l'importation à 0% avec les pays membres de l'Union.  

Aussitôt la ratification du traité de Bucarest acquise, le gouvernement serbe s’empresse de confirmer les traités négociés en secret avec les voisins de la Roumanie qui visent à un partage des annexions réalisées par la Serbie. Ainsi, le 20 août à Temišvar, la Serbie signe avec la république hongroise le transfert des régions transylvaines contre la pointe sud du comitat de Baranya, au nord de la ville slavonne d’Osijek. Deux jours plus tard à Odessa, la Bessarabie est rétrocédée à l’Empire de Russie moyennant une somme de 80 millions de Francs pour l’échange. Enfin, le 24 août, le traité de Pirot offre les bouches du Danube et le Boudjak du sud à la principauté de Bulgarie, pour renforcer l'entente slave et briser l’entrave sur l'Union douanière qu’exerçait la Roumanie par le contrôle du commerce sortant danubien. Le partage de la Roumanie scandalise l’empire italien et la république allemande qui dénoncent le manque d’honneur des plénipotentiaires, en effet deux d’entre eux avaient signé un pacte de non-agression avec Bucarest, mais juridiquement, ils ont annexé des territoires alors sous administration serbe et non plus roumaine, ce qui contourne de fait les traités qui les liaient à la Roumanie. C'est une diplomatie encore couronnée de succès pour le chancelier serbe qui s’assure ainsi l’endiguement de la Roumanie, humiliée, qui cherchera surement à obtenir vengeance.  

La victoire et le traité de paix qui en découle sont vivement célébrés en Serbie. Les artisans de la gloire, le roi Alexandre Ier, le chancelier Milos Milojević et le chef d’Etat-Major František Zach sont acclamés par la foule en liesse lors de la parade à Belgrade, mais ils sont éclipsés par l’irruption du cortège du prince-héritier, Pierre Alexandre, dépeint en héros national pour ses faits d’armes à Severin et Slatina. Le roi Alexandre crée pour l’occasion la Médaille de la Bravoure, dite « Médaille Obilich » en honneur de Miloš Obilić, le héros national serbe mort à la bataille de Kosovo Polje, le 28 juin 1389, en tuant le sultan ottoman Mourad Ier. Elle est attribuée pour les actes de courage au combat. La Croix commémorative de 1884 est également créée pour récompenser les civils et les combattants, tous grades confondus, ayant activement participé à la guerre. La décoration de la reine Persida est assignée à toutes les femmes qui ont soigné les malades et les blessés pendant le conflit. Enfin, le chancelier, le chef d’Etat-Major et le prince héritier sont faits Grand officier de l’Ordre royal de Saint-Sava par Alexandre Ier. Ce dernier décrète une semaine de festivités dans tout le royaume pour célébrer la victoire et ainsi marquer la conscience nationale, toujours dans cet esprit de renforcer la cohésion du peuple serbe.


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Les fruits de la victoire et le premier budget septennal


La victoire contre la Roumanie n’est pas seulement célébrée dans les rues, elle est aussi vivement applaudie au parlement. Les deux chambres félicitent le succès retentissant du roi Alexandre et de son chancelier Milojević, plus puissant que jamais. En effet le ministre suprême profite de ses victoires militaires et diplomatiques pour consolider son assise dans la Skupština. Dans un discours nationaliste, il affirme que la victoire n’a été possible que par l’action commune de tous les parlementaires, de la flatterie à n’en pas douter mais elle attire quelques députés moins radicaux de l’opposition à rejoindre la majorité, qui, rappelons le, s’est recomposée à la suite du vote pour l’adhésion à l’Union douanière balkanique. Aujourd’hui, le chancelier Milojević se repose sur une coalition de libéraux et de conservateurs progressistes rassemblée par Jovan Ristić, Jovan Avakumović, Milan Piroćanac et Milutin Garašanin. La rupture avec l’aile réactionnaire est accusée de trahison par certains de ses membres, ce qui menace d’ombrager les relations entre Milojević et Nikola Hristić. Le Macvanin doit désormais composer avec seulement 109 sièges, soit une courte majorité de 53%, jusqu’aux prochaines législatives prévues pour 1886. Avec si peu de marge, même avec les ralliements post-guerre, le chancelier ne veut prendre aucun risque qui pourrait fragiliser sa position aujourd’hui dominante. C’est pourquoi il décide de reporter sa réforme de l’éducation après les élections générales et de se concentrer sur le vote du premier budget septennal de l’armée.

La géopolitique récente a ouvert les yeux aux derniers opposants de la militarisation du royaume. L’agression roumaine a confirmé ce que le chancelier affirmait depuis plusieurs années déjà : la Serbie ne sera jamais sauve, les menaces planent à ses frontières et tout pourrait se perdre du jour au lendemain si le pays s'abandonne dans l’apathie. Avec la victoire, le peuple réalise qu’il peut compter sur l’armée pour le défendre, les députés comprennent que le rempart de la nation se tient dans les rangs de baïonnettes, par conséquent tous les sacrifices seront acceptés pour élever l’armée au-dessus des forces voisines, l’armée serbe sera la plus puissante machine militaire des Balkans, ou le pays sombrera. Milojević et Mišković obtiennent ainsi la quasi-unanimité pour leur projet de loi de finances des sept années à venir. Par la Loi pour le budget septennal de l’armée du 8 février 1885, le parlement s'entend pour consacrer 35% du budget général à l’entretien des forces terrestres. Ce budget ne peut en aucun cas adjoindre les dépenses extraordinaires qu'exigeraient la formation d’unités et l’achat d’équipement, ces dépenses supplémentaires demeurent à la discrétion du chancelier et de l’Etat-Major. En cas d’excédent résultant de dépenses inférieures au tantième agréé, ladite somme sera reversée dans le remboursement de la dette publique, à moins qu’une loi ne le contredise pour en faire usage.

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L’impôt de l’égalité et le premier plan industriel


Le cabinet du chancelier poursuit la modernisation fiscale de la Serbie. Après la suppression de la gabelle et l’adoption des contributions foncières et mobilières, la majorité vote la loi des 2 et 17 mars 1885, dite « Loi Mijatović », qui supprime les privilèges hérités des régimes Habsbourg et ottomans, notamment les droits de maîtrise et de jurande perçus sur les communautés d’arts et métiers à l’occasion de ventes de maîtrises ou de création d’offices. Il garantit la liberté pour chacun, serbe ou étranger, de faire du négoce ou d’exercer une profession, un art ou un métier, à condition d’acquitter auparavant la contribution de la patente, dont la base d’imposition diffère suivant les types de profession, les lieux du patentable, les cas particuliers (par exemple, une personne qui exerce plusieurs professions). Elle est divisée en deux parties pour respecter une égalité proportionnelle devant l’impôt :
- le droit fixe, applicable à chaque profession et déterminé par le tarif général selon la nature et les conditions d’exercice de la profession ;
- le droit proportionnel, qui varie d’après la valeur locative des locaux servant à l’exercice des professions imposables.

Les agents des contributions directes sont autorisés à délivrer des patentes par anticipation sous certaines conditions. La loi prévoit aussi les diverses réclamations qui peuvent être présentées contre l’impôt des patentes et engage les autorités à les écouter.

Les principales caractéristiques de la patente sont les suivantes : la personnalité (elle ne peut servir qu’à la personne à qui elle a été délivrée), la quotité (la cotisation assignée à chaque contribuable est indépendante de celles des autres patentables de la même commune ou de la préfecture) et l’annualité (elle est due pour l’année entière par toute personne exerçant une profession imposable).

La patente est perçue en vertu de rôles nominatifs de cotisation et supporte des paras additionnels généraux, imposés aux contribuables en sus du principal de chacune des contributions directes et votés par les lois annuelles de finances. A ces paras additionnels généraux, qui ont pour but d’augmenter le produit du principal des contributions ou former un fonds de non-valeurs (sur lequel sont imputés les décharges, réductions, remises, modérations et recours accordés aux contribuables nécessiteux ou mal imposés), s’ajoutent des paras spéciaux pour les dépenses de l’instruction primaire, Milojević prépare ainsi le terrain à la réforme de l’éducation en lui anticipant les fonds d’entretien.


Si cette réforme va amener sans douter des ressources fiscales plus conséquentes encore, l’Etat ne mise pas sur ce résultat pour financer les grands travaux envisagés par l’exécutif. Il utilise plutôt la somme échangée avec la Bessarabie par l’Empire de Russie, 80 millions de Francs-or.  

En premier lieu, Milojević écarte immédiatement 30 millions pour accroître le capital de Banque royale de Serbie, afin que la banque centrale puisse refinancer avec plus de moyens les banques privées, prêter aux grandes entreprises engagées dans l’industrialisation, et investir également dans les projets désignés par l’Etat. Cette première action devrait se répercuter dans le secteur privé très incité à s’inspirer des modèles de développement occidentaux.

En second lieu, le chancelier serbe consacre les 50 millions restant à ce qu’il baptise le « premier plan industriel », sous-entendant que d’autres suivront. Ce plan de nature étatiste vise à soutenir activement la croissance et la modernisation des structures. Il porte ses efforts sur la construction et l'entretien des routes carrossables ainsi que, sous l'impulsion du roi lui-même, sur le développement des voies navigables avec la construction de nouveaux canaux destinés aux échanges et à l’irrigation. Le plan prévoit aussi le drainage des terres, l’assainissement des marais et le défrichage de forêts pour étendre les surfaces cultivables, notamment celles dédiées à la betterave sucrière et à la pomme de terre. Il s’agit donc d’un plan d’infrastructure essentiellement, qui se réalisera par secteur sur plusieurs années. Le premier secteur a en bénéficié est donc la Serbie centrale, soit les frontières d’avant 1877, jugée en retard sur la Serbie du Nord ou la « Voïvodine ». Les 50 millions seront investis dans toute la région pour répondre aux objectifs énumérés.  


Enfin, l'Etat s'engage dans une politique rigoureuse de remboursement de la dette. Avec le versement chaque année de 71.2 millions de Francs par la Roumanie en respect des indemnités de guerre, la Couronne s'autorise une réduction drastique de ses créances, aujourd'hui opulentes à cause de la guerre. Ainsi, le trésor s'engage à rembourser en premier lieu l'intégralité des créances de guerre auprès des banques françaises, puis, avec ce qu'il reste, les prêts franco-britanniques pour le chemin de fer, avec une préférence pour les crédits britanniques au taux d'intérêt plus élevé.
NB : les indemnités de 1886 remboursent la pacification de la Bosnie.

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Le roi est mort, longue vie au roi !


3 mai 1885 à 17h, le tocsin sonne dans tous les clochers de Serbie. Le peuple s’arrête de marcher dans la rue et regarde ces grands œufs de cuivre tituber. Les yeux pleurent, tout le monde le sait, la nouvelle a été apprise dans la matinée par la presse, le roi Alexandre Ier est mort dans son lit à l’âge de 78 ans, après 17 ans de règne ininterrompu, 33 si l’on compte son premier passage de 1842 à 1858. Le pays entier est en deuil, la Serbie a perdu l'un des plus grands souverains de son histoire, le roi guerrier qui a su réunir les Serbes de Temišvar à Nis en écrasant tour à tour les Turcs, les Hongrois et les Roumains, le roi bâtisseur qui a lancé la Serbie sur les rails de l’industrialisation, le roi justicier qui a modernisé les institutions et établit un rapport d’égalité entre tous les Serbes de toute confession.

Âgé de 40 ans, le prince héritier Pierre Alexandre succède à son père sur le trône, il est couronné le 9 mai à Belgrade sous le nom d’Alexandre II de Serbie. Déterminé à poursuivre l’œuvre de son prédécesseur, il n’en demeure pas moins un libéral convaincu, francophile revendiqué et admirateur de la Révolution, qui rêve d’une Serbie petite fille des Lumières. Il a fait ses armes sur les champs de bataille de Valachie, enchaînant manœuvre brillante et charge héroïque, il est adulé par tout le peuple serbe qui le voit comme un héros. Lors de son discours d’investiture, le roi jure de faire de la Serbie « le phare qui guidera le peuple slave des Balkans vers la liberté et l’émancipation », une promesse teintée de nationalisme qui ne tarde pas à dépasser les frontières.

Si pour le peuple serbe, l’accession d’Alexandre II peut faire espérer une extension des droits et une démocratisation avancée du pays, pour le chancelier Milojević, elle annonce la fin de la dictature personnelle et le début de conflits qui pourraient mettre en péril sa position. Pour le moment, l’exécutif, qui s’est allié aux Libéraux, ne semble pas être dans le viseur du roi, néanmoins le Macvanin devra se montrer prudent à l’avenir, quitte à consentir des réformes démocratiques, s’il souhaite conserver le poste et continuer son grand projet.

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La crise bosniaque : le triomphe de Milojević


Un mois après la Conférence de Londres, l'empire italien retire ses forces de Bosnie Herzégovine en dans le cadre de son bras de fer avec l’empire britannique. Très vite, les nationalistes slaves ressortent de leurs taudis pour empêcher le rattachement formel de la Bosnie à la Porte. En effet, l'accord du condominium signé en 1877 stipulait qu'au départ des troupes italiennes, la Bosnie Herzégovine reviendrait dans le giron de l'empire ottoman. Refusant que la Bosnie-Herzégovine soit de nouveau gouvernée sous une main de fer par les fonctionnaires ottomans, les chrétiens, catholiques comme orthodoxes, se rassemblent, les souvenirs des taxes écrasantes et des différences de traitement entre musulmans et chrétiens sont ravivés. En février et mars 1885, les anciens meneurs de 1875 s'attachent les chrétiens qui se soulèvent une nouvelle fois. Les rebelles sont secondés par des volontaires issus des royaumes de Serbie et de Monténégro, mais aussi des nouvelles principautés de Slavonie et de Bulgarie. L’empire ottoman répond en détachant ses terribles Bachibouzouks, mais la répression sanglante émeut l’Europe alors qu’elle échoue à vaincre la rébellion. La France, l’Allemagne, la Russie, l’Italie et par conséquent l’Union douanière balkanique se concerte pour imposer à l’unisson un embargo sur les produits ottomans, en gage de protestation contre la barbarie.

A la fin de l'année 1885, le sultan est contraint de rappeler les Bachibouzouks. Craignant une répétition du scénario de 1875, le sultan et sa cour prennent les devants et contactent le chancelier Milojević pour lui faire savoir leur volonté de résoudre la crise avec Belgrade. Constantinople propose un partage de la province entre les populations chrétiennes et musulmanes, mais Milojević, conscient qu’une annexion des terres bosniennes remettrait en cause son engagement de non-intervention avec l’Italie, refuse de brouiller ses relations avec Rome pour des gains si médiocres. Milojević demande l'annexion complète des Vilayets, seul moyen, argumente-t-il, de mettre un terme au cycle de violence dans la région, d'autant que le partage proposé par les Turcs serait tout simplement impossible à gouverner. La Porte plie rapidement, désireuse de lever le plus vite possible les restrictions économiques, et accepte de céder l'intégralité de la province à la Serbie contre la fin de l'embargo des pays de l'Union balkanique. Belgrade accepte et les deux pays s’engagent alors à obtenir le soutien des Puissances pour les protéger de toute opposition voisine à ce projet, notamment de l’empire italien. L'empire français, le Royaume Uni et l'empire de Russie sont consultés et, en échange de concessions économiques aux Français et de consulats aux Russes, ils acceptent d’apposer leurs sceaux sur le traité et de lever l’embargo en ce qui concerne Paris et Saint-Pétersbourg.

Le 10 janvier 1886, le traité de Sarajevo est rendu public. En Serbie, on témoigne une explosion de joie, le peuple acclame son roi, le récent Alexandre II, mais aussi le chancelier Milos Milojević, obtient ici un énième succès éclatant. L’acquisition gratuite et sans guerre de la Bosnie-Herzégovine est certainement, à n’en pas douter, le plus grand succès de son mandat. Le Macvanin met la main sur ce qui est considéré depuis des siècles comme la Serbie occidentale, ouvrant par ricoché une frontière avec le vieil ami monténégrin. Cette victoire, seulement deux ans après Slatina, dissipe toute opposition contre le chancelier. Ce dernier est éminemment célébré et récompensé par le roi, très certainement séduit, qui affirme devant la cour : « J’ai eu la chance d’avoir un père perspicace, qui savait reconnaître la valeur des hommes. Aujourd’hui, le peuple serbe peut se vanter d’être gouverné par l’homme d’Etat le plus habile et le plus compétent de son histoire. » Quoi de plus pour cimenter l’assisse de Milojević à l’Assemblée ?

En Bosnie-Herzégovine, les journaux rapportent des liesses pour fêter l’émancipation du joug ottoman et le rattachement à la Serbie, en particulier chez les populations chrétiennes qui rêvent de cet idéal que la grande nation serbe. En revanche, chez la minorité bosniaque musulmane, le rattachement à la Serbie, chrétienne orthodoxe fait craindre de subir les représailles de trois siècles d’oppression. Les bandes armées bosniaques refusent pour beaucoup de reconnaître le traité de Sarajevo et organisent des gouvernements locaux, l’Etat-Major est appelé à mener une campagne militaire en Herzégovine durant le premier trimestre de l'année 1886, 40 000 hommes sont mobilisés pour désarmer les bandes bosniaques et établir l'autorité serbe sur la région. L'armée royale peut compter sur le soutien des milices bosniennes chrétiennes pour traquer et déloger les guérillas bosniaques, « vaincues » courant avril, mais qui continuent de troubler la région à travers divers attentats, contraignant une présence militaire considérable pour éviter tout débordement. Les pertes serbes de la campagne s'élèvent à 5 000 hommes le 1er mai : 946 morts, 272 disparus et 3 980 blessés. Quant aux pertes subies par les insurgés musulmans, il n'existe aucun décompte précis.

Alors que les vagues de l’unification contagient les régions voisines de Slavonie, de Macédoine et de Dalmatie, à Belgrade, on décide de réorganiser le territoire sous le modèle des préfectures françaises. 40 préfets, choisis pour leurs compétences et leur expérience, sont désignés pour administrer au nom de l’Etat et du roi les 40 préfectures. On installe au plus vite tout le cercle administratif nécessaire pour polir la glace de la Serbie afin qu’elle reflète au détail près l’organisation territoriale de la France. Cette révision permettra d’ici 1887 d’appliquer « un plan de cohésion national » plus concret, plus efficace, que certains qualifieraient de plus dur...

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Les 40 préfectures du royaume après la réforme administrative.

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1887 - 1891



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La crise transylvaine : Milojević retire la perruque d’arbitre pour enfiler le képi de gendarme


Le 25 février 1887, une décision du premier ministre de Roumanie, Ion Brătianu, remet le feu aux poudres dans les Balkans. Alors que la Hongrie sombre dans la banqueroute et fait face à des troubles internes, le vil Brătianu dissout l’assemblée pour organiser de nouvelles élections législatives dans lesquelles il invite la minorité roumanophone de Hongrie orientale à venir voter dans les consulats roumains. Conscient qu’une telle manœuvre excitera le nationalisme de cette diaspora, qui vivait encore sous administration roumaine pour une partie il n’y a guère longtemps, le premier ministre roumain offre une aide humanitaire aux familles victimes de la disette et détache des agents pour agiter les foules devant les bureaux de poste. Les forces de l’ordre hongroises sont débordées, sans surprise un accident survient causant la mort d’un jeune nationaliste roumanophone à Nagybanya. Très vite, la colère monte et la situation dégénère, la minorité roumaine se révolte et chasse les autorités hongroises de la ville. Cet acte de sédition inspire les communautés d’autres bourgs à se soulever, alors villes après villes, les manifestations éclatent en rébellions ouvertes. Les Roumains de Hongrie orientale s’unissent contre la république hongroise et proclament la pseudo « République de Transylvanie », actant un mouvement séparatiste.  

Surpris par cet événement qui menace l'ordre et la stabilité danubienne, mais aussi et surtout, menace de rompre l'équilibre imposé en 1884 qui a privé la Roumanie de cette Transylvanie aujourd'hui rebelle, Milos Milojević ouvre une cellule de crise à Belgrade. Le chancelier convoque ses secrétaires, l'État-Major et souhaite la participation du roi Alexandre II, celui-ci accepte. Lors d'une réunion tenue le 15 mars 1887, le cabinet rassemblé discute sur la posture à adopter. Le souverain des Serbes exprime très directement son point de vue, ces affaires ne concernent pas la Serbie affirme-t-il, Belgrade devrait rester neutre au pire, au mieux elle devrait soutenir la proposition roumaine d'une conférence européenne sur le sort de la Transylvanie. Il en est hors de question pour Milojević, soutenir un congrès reviendrait à reconnaître la sécession et à ouvrir le débat sur une possible autonomie des rebelles, ou pire, sur une indépendance qui finirait à n'en pas douter par un rattachement de la Transylvanie à la Roumanie, ce qui remettrait en cause le traité de Bucarest et déferait tous les sacrifices consentis par les soldats serbes morts sur la plaine valaque en 1884. Pour le Macvanin, il n'y a qu'une seule solution qui s'offre à la Serbie : il faut intervenir pour aider le gouvernement hongrois à réprimer cette révolte afin d'empêcher les problématiques susmentionnées, mais aussi pour prévenir une contagion dans le voisinage, une évolution redoutable qui déstabiliserait toute l'Europe centrale et balkanique. Le roi désapprouve cette diplomatie « impérialiste », les militaires, eux, rejoignent l'avis du Macvanin mais poussent plus loin encore, ils conseillent une intervention en Roumanie pour mettre au pas le gouvernement Brătianu. Cette perspective effraie à la fois le roi et le secrétaire aux affaires étrangères, Milutin Garašanin, qui craignent une indignation européenne qui obligerait la Serbie à reculer, subissant l'opprobre de l'humiliation diplomatique. Milojević écarte pour le moment cette idée, mais ne la renie pas, il impose néanmoins son règlement de la crise au roi Alexandre II qui n’ose défier son très populaire chancelier...

S'en suit alors des échanges avec Budapest pour proposer une alliance défensive dans l'objectif premier de dissuader la Roumanie d'ingérer, puis dans un second temps de légitimer une intervention armée serbe en Transylvanie aux côtés de l'armée hongroise. Le gouvernement magyar n'en demandait pas moins, en difficulté financière et sous la menace d'une révolte généralisée des minorités, il accepte la main tendue de Belgrade. Le 28 mars 1887 à Soubotitsa en Voïvodine, près de la frontière, les deux partis signent une alliance défensive impliquant un engagement de la Serbie à soutenir la Hongrie si celle-ci en émet l'appel. Bien évidemment, le jour même, Budapest appelle son allié à venir lui prêter main forte dans la sécession qui frappe la Hongrie orientale, et bien évidemment, la Serbie répond avec loyauté par le déploiement d'une division d'infanterie en direction d'Arad. L'Europe est prise de court, Brătianu bégaye, son plan est court-circuité par le chancelier Milojević. L'opération militaire est une promenade, après des victoires à Szilágybagos, Arad et Élesd entre avril et mai, Kolozsvár tombe le 2 juin. La suite de l'opération consiste à supprimer les noyaux de résistance dans l'arrière-pays, mission qui est complétée le 2 juillet avec la reddition des derniers séparatistes à Borsa.

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L'opération de pacification de la Roumanie : Milojević et Alexandre III mettent au pas la monarchie roumaine


Tandis que les forces hongroises font abattre la répression sur les chefs séparatistes capturés, le chancelier serbe évalue les répercussions de l’opération pour la Serbie. La sécession a permis de révéler la précarité de l'ordre qu’il avait imposé à la paix de 1884. La fragilité du régime hongrois et le revanchisme roumain ne peuvent plus être ignorés, le système diplomatique de Milos Milojević n'est pas garanti et le chancelier serbe doit maintenir son pays à l'affut pour répondre à toutes les menaces potentielles envers son équilibre danubien. L'intervention de l'armée serbe en Transylvanie, telle une force de police qui veille à la stabilité régionale, semble transposer celle-ci dans un rôle de « Gendarme des Balkans », une position qui renforce à n’en pas douter l'autorité et l'influence de la Serbie sur ses voisins, mais qui pourrait rapidement se montrer onéreuse si elle doit s'activer trop souvent, d'autant que l'interventionnisme serbe pourrait avoir l'effet inverse sur la politique de Milojević et aliéner certains pays voisins contre Belgrade. A l'interne en tout cas, l'intervention est vivement fustigée par les Radicaux de Nikola Pasic, ils s'opposent à la politique « impérialiste » du chancelier et dénoncent les dépenses qu'elle suscite alors que la Serbie doit s'industrialiser et se moderniser en même temps. La presse centriste et conservatrice, elle, assomme d'éloges le Macvanin comme à son habitude, l'opinion est ainsi globalement engagée avec la diplomatie extérieure de Milojević qui ne souffre pas de baisse de popularité. Par conséquent, celui-ci voit le règlement de la crise comme une victoire politique qu’il veut exploiter. Pour se faire, il rencontre en secret le personnel de l’État-Major en début d’automne. Le chancelier leur exprime son intérêt pour une opération en Roumanie visant à renverser le gouvernement Brătianu. En effet, Milos craint une récidive de la crise transylvaine au Boudjak, en Galicie, ou pire, en Voïvodine, le gouvernement libéral de Bucarest n’est pas fiable, ses dessins nationalistes l’inquiètent. De plus, les rapports statistiques indiquent un redressement étonnamment rapide de la Roumanie, celle-ci parvient à conserver une balance budgétaire équilibrée en maintenant un effectif militaire identique à 1884 tout en payant les indemnités exigées. Le chancelier serbe est contrarié, l’ombre du revanchisme roumain plane sur lui, il veut s’en débarrasser avant qu’il ne soit trop tard.

Il n'est un secret pour personne que la sécession des Roumanophones a été favorisée par les élections législatives roumaines. Si cette opération très controversée, puisqu'on peut lui reprocher de violer la souveraineté de la Hongrie et surtout la clause de l'article 5 du traité de paix de 1884, peut être dédouanée par le simple fait qu'elle ait été orchestrée dans les consulats roumains, soit des lieux dépendant de la loi valaque et immunisés diplomatiquement, l'implication suspectée du régime roumain dans le financement et l'armement des cellules séparatistes est, elle, plus difficile à infirmer tout comme à confirmer. En effet, très tôt, les autorités hongroises ont remarqué que les séparatistes disposaient d’un armement relativement moderne, d’habitude standardisé pour les régiments d’infanterie professionnels. Dès les premières accusations exprimées par le gouvernement de Daniel Iranyi au mois de mai 1887, le cabinet du premier ministre Ion Brătianu a réfuté tout lien avec les mouvements insurrectionnels, arguant que de nombreuses armes avaient circulé dans les Balkans depuis la guerre serbo-roumaine, des armes récupérées par des réseaux de contrebande qui auraient profité de l'insurrection pour les vendre aux séparatistes. Bien sûr, Budapest a maintenu ses accusations, et elle n’était pas seule. Milojević a vu dans cette affaire un potentiel casus belli, si bien exploitée. Capitalisant sur ce point sombre de la crise, il a vivement soutenu les accusations de son allié magyar et s’est permis une série d'interrogations et d'interpellations avec l'ambassadeur roumain à Belgrade pour tenter de le piéger. La Roumanie a néanmoins continué de nier toute implication avec les rebelles. Les Grandes Puissance, incertaines sur la vérité, ont demandé à la Roumanie de se désolidariser du mouvement sécessionniste pour prouver son innocence et éteindre tous les soupçons qui couraient sur son ingérence. N'ayant d'autre choix, Ion Brătianu s'est exécuté. Pourtant, Milos Milojević n'a pas souhaité en demeurer là, il a immédiatement contacté les Puissances en secret pour demander la préparation d'une enquête internationale sur les origines de la sécession et les racines du trafic d'armes qui a permis aux insurgés de mener une guérilla sanglante, sous prétexte de « mettre un terme au banditisme et à la prolifération des armes dans les Balkans ».

Alors que l’enquête se préparait, le chancelier serbe a contacté l’empereur Alexandre III de Russie pour lui révéler la tenue de cette opération et lui proposer un pacte. En effet, le Macvanin était au courant des intérêts du tsar dans les Balkans, il savait que la Russie souhaitait retrouver une influence dans la région, statut qui lui avait été spolié par l’empire italien. Belgrade lui a alors transmis son désir de neutraliser la Roumanie pour les craintes déjà formulées, mais aussi pour chasser l’influence prépondérante de l’Italie dans le pays depuis l’élection du roi Victor-Emmanuel de Savoie, neveu de l’empereur Amédée. Le tsar de toutes les Russies s’est vite montré intéressé, il voyait là une opportunité pour réintroduire l'aigle moscovite dans les Balkans et chasser le rival italien de la périphérie de son empire. Milojević a crevé l’abcès sans plus attendre, courant juin, il a révélé au tsar son plan d’intervenir en Roumanie sous prétexte de l’ingérence roumaine en Hongrie, qui serait dévoilée par l’enquête en cours et constituerait une violation de l’article 5 du traité de Bucarest. Alexandre III a fait part de son soutien au chancelier, promettant de se ranger avec la Serbie.

Nous voici alors le 25 septembre 1887, le tsar Alexandre III accepte formellement de suivre le roi Alexandre II et signe avec Milojević une alliance militaire publique, qui s'ajoute d'une clause secrète engageant la Russie à soutenir son allié si celui-ci décidait d'intervenir en Roumanie. Dans les mois qui suivent, les deux alliés échangent avec toutes les chancelleries européennes pour noyer le poisson de certaines et obtenir le soutien des autres. Milojević obtient l’appui de Paris et de Londres en leur révélant la face émergée de l’iceberg, une opération militaire qui viserait à forcer le gouvernement roumain de payer des réparations pour l'insurrection, dont l’enquête actuelle tend à prouver la culpabilité. Il ne leur parle cependant pas de l’implication russe ni du projet de renverser le gouvernement Brătianu. Avec Berlin, le chancelier négocie un pacte de non-agression secret en échange de la voix serbe pour l’adoption d’un traité commercial en cours d’écriture avec l’Union douanière balkanique.  

Pendant ces tractations diplomatique, l’enquête s’opère en terre hongroise, serbe et roumaine, à l'insu ou avec la coopération des gouvernements, pour démêler le vrai du faux dans la relation du gouvernement roumain avec la république autoproclamée de Transylvanie. Espions, ambassadeurs, diplomates, personnalités politiques et économiques, tout personne suspectée d'avoir des contacts ou des connaissances sur l'affaire est interpellée par la brigade. Après plusieurs mois d'investigation, le 11 janvier 1888, l'enquête révèle finalement ce que Budapest et Belgrade affirment depuis toujours : le gouvernement roumain de Ion Brătianu a bel et bien favorisé la circulation d'armes à feu à travers la frontière carpatique pour équiper les rebelles et soutenir l'insurrection. Fusils rayés français de 1852, carabines Winchester, poudre noire et balles Minié, du vieil armement mais toujours très meurtrier que Bucarest a fait passer sous couvert d'organisation de contrebande pour masquer son implication. Toutes les révélations sont relayées auprès des ambassades européennes, les presses serbe et hongroise publient également les résultats de l'enquête, l'information parvient même dans les journaux roumains. C'est un véritable scandale d'Etat qui secoue les pays, une bombe a été déflagré dans les Balkans et la Serbie est prête à exécuter son plan murement réfléchi.

Le 18 janvier 1888 à 10h, Milojević s’adresse devant la Skoupchtina, il tient un discours plein de fermeté et de réprimande envers le vaincu occupé qu'il accuse d'avoir violé l'article 5 du traité de Bucarest, et demande en conséquence le soutien des députés pour voter des crédits à des fins militaires visant à châtier le gouvernement félon de Ion Brătianu, briseur de traité et danger pour l’ordre et la paix dans les Balkans. Le même jour, à 14h, alors que la décision n’est toujours pas approuvée, il s’esquive pour rencontrer l’ambassadeur roumain. Il lui remet alors un ultimatum sur motif de violation des accords de paix, qui exige des réparations immédiates à hauteur de 45 millions de Franc-or, soit l'équivalent du coût de l'intervention militaire serbe, des excuses formelles du gouvernement roumain envers les gouvernements hongrois et serbes, et surtout la démission du « criminel » Premier ministre Ion C. Brătianu, accusé d'être le responsable du « bain de sang et de la déstabilisation concomitante en Hongrie ». Cet acte coup de poing doit pousser la Roumanie dos au mur, que le chancelier sait indisposée à céder, il doit aussi placer la Skoupchtina devant le fait accomplis, qui, avec la pression nationaliste populaire, n’aura d’autre choix que d’approuver les crédits pour l’opération.  

La déclaration serbe choque le voisinage, de Berlin à Rome, en passant par Budapest et Sofia. Sans réelle surprise, le premier ministre roumain refuse de se soumettre et a même l’audace de nier encore et toujours les faits avérés de son ingérence. Aussitôt, le 20 janvier 1888, le chancelier serbe met ses menaces à exécution et annonce que l'armée serbe en occupation en Valachie va effectuer « une opération visant à déposer le gouvernement criminel et belliqueux de Ion Brătianu », mais le Macvanin ne s'arrête pas là, et comme convenu, il appelle le tsar Alexandre III à venir soutenir militairement la Serbie en Roumanie, appel lequel Saint-Pétersbourg honore en annonçant la mobilisation de deux corps d'armée pour aller occuper la Moldavie et capturer Bucarest avec l'armée serbe. Tandis que l'armée russe se mobilise et l'armée serbe se concentre, Rome et Berlin condamnent l'intervention, à l'opposé, Paris et Londres soutiennent publiquement la manœuvre, comme prévu, mais émettent cependant des réserves concernant l'intervention russe qui ne leur avait pas été révélée, Londres est notamment inquiète sur la préservation des frontières, mais Milojević la rassure, jurant qu’aucun changement de territoire n’est prévu.

Le 28 janvier, les forces russes sont entrées en Moldavie et progressent vers Bucarest. Pendant ce temps, les trois divisions serbes stationnées en Valachie depuis 1884 reçoivent le renfort de trois nouvelles divisions. Alors que d’imposantes forces armées franchissent la frontière de part et d'autre, les ambassadeurs hongrois contactent Milos et Alexandre III pour tenter de leur extorquer la restitution de toute la Transylvanie, proposant même d’envoyer des troupes pour soutenir l’intervention, mais ces derniers refusent par crainte d'indigner toute l'Europe. Les négociations se poursuivent quelques temps pour obtenir une autonomie du Pays Sicule, mais finalement, Russie et Serbie préfèrent ne pas déstabiliser le pays. L'invasion de la Roumanie mobilise quelques 180 000 soldats, les colonnes russes se dirigent vers les principales villes moldaves et vers Bucarest sans rencontrer de réelle opposition, l'armée roumaine offre peu de résistance, elle est dispersée, impréparée, en sous-effectif et même pas mobilisée, la plupart de ses dépôts sont déjà occupés par les Serbes depuis trois ans. Le 9 février à 5 h, les divisions russo-serbes entrent dans Bucarest en longeant l'Argeș par le nord et la Colentina par le sud. Ainsi, avant même qu'un seul coup de feu ne soit tiré, les Serbes et les Russes ont coupé la ville en deux, contrôlent tous les ponts et sont couverts à l'arrière par les deux affluents. Des unités russes traversent la Colentina, elles entrent dans Bucarest à 7 h 25 et ouvrent le feu sur les casernes de la rue Dorobanti. Peu après, les tirs de l'artillerie sont entendus dans toute la ville. La garnison roumaine ne relève pas le défi et déserte massivement. Lucide, le Gouvernement roumain demande à l'armée et au peuple de ne pas résister par les armes mais de refuser toute collaboration avec l'ennemi. Les hommes de la 1ère division serbe de la garde commencent alors à faire mouvement vers le centre de Bucarest, investissant en chemin le palais royal et la chambre des députés et mettant virtuellement le Premier ministre Ion Brătianu en état d’arrestation. Une dizaine d’heures suffisent pour que la ville tombe aux mains des forces russo-serbes.

Suivant l’évolution des combats, l'empereur Amédée enjoint son neveu le roi Victor-Emmanuel de Savoie à fuir le pays, souhait qui est officiellement formulé par les autorités italiennes au tsar qui demandent le sauf-conduit du roi en Italie. Sur le front, les responsables alliés ne traînent pas et présentent dans les semaines qui suivent leurs conditions à Galatz. Puisque le Premier ministre Brătianu refuse de signer « la mort » de son pays, les Russes font appel au boyard et député Gheorghe Roznovanu, ancien militaire dans l'armée russe et ancien partisan d'une Moldavie indépendante et russophile, pour apposer le sceau royal en compagnie du jeune roi Victor-Emmanuel de Savoie sur l'acte des Capitulations, le 25 mars 1888. Le traité est extrêmement sévère et stipule les conditions suivantes :

Spoiler:

Immédiatement après signature, Ion Brătianu et son cabinet sont destitués et condamnés à la prison, les membres du PNL sont arrêtés les uns après les autres mais une partie parvient à se réfugier en Italie, notamment le député Dimitrie Sturdza et le fils du premier ministre, Vintilă Brătianu. Par crainte de voir sa vie menacée sous le nouveau régime, le roi Victor-Emannuel de Savoie proclame son abdication le 3 avril et prend le chemin de l'Italie avec la complaisance des Russes. Les occupants organisent au mois de juin un gouvernement de transition présidé par Gheorghe Roznovanu qui prend le titre de « Protecteur de la nation », il se fait très vite critiquer de collaborateur, l'Adevărul le surnomme « le valet du tsar », le Voinţa naţională le baptise « le chien de Milojević ». L'empire italien et la république allemande condamnent une seconde fois, Rome rappelle son ambassadeur en Russie et menace d'annuler tous les accords de l'Union balkanique signés avec Paris et Londres, accusées de complicité, mais se dédit sous la pression de ses partenaires. La presse européenne, divisée, qui prenait en majorité la défense des Serbes au début de l'opération, changent de camp pour une partie allemande et britannique, s’indignant du putsch, la presse italienne est, elle, hostile de bout en bout. Roznovanu doit s'atteler à l'écriture d'une nouvelle constitution sous la supervision de Milojević et Alexandre III, il doit également trouver un nouveau monarque... avec la supervision de ces mêmes. En bref, la Roumanie qui émerge du Coup d'Etat d'hiver est une Roumanie téléguidée par Saint-Pétersbourg qui se mêle dans la politique interne, dicte les affaires étrangères et tire les ficelles d'un gouvernement quasi fantoche. Le peuple roumain est traumatisé, une minorité s’organise en cellules de résistance. En Serbie, c’est la stupeur, puis l’éclat. Le chancelier présente un discours devant la place centrale de Belgrade, face à une foule en délire, dans lequel il défend l’opération et révèle les noirs dessins de l’ancien cabinet roumain, qu’il ne se prive pas d’extrapoler pour attiser la peur des Serbes et exacerber leur patriotisme. La Skoupchtina est une nouvelle fois contemplatrice de son chancelier, du moins chez les soutiens de celui-ci. Les Radicaux s’insurgent et dénoncent un acte indigne, belliqueux et piétinant tous les principes. Milos avance que soutenir l’ennemi roumain pourrait s’apparenter à de la trahison, ce qui consterne l’opposition qui se dresse d’un seul homme pour invectiver le Macvanin, avant de se retirer en protestation de la chambre. Milojević s’empresse de glisser un télégramme à la presse partisane pour qu’elle accuse l’opposition radicale de flirter avec les ennemis du peuple serbe, les élections législatives étant prévues pour dans deux ans. Mais ce n’est pas la seule exploitation de la crise faite par le chancelier, celui-ci prévoit de surfer sur la vague pour légitimer un nouveau programme militaire, sécuritaire, assimilationniste et social.

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La réforme de l'armée serbe de 1887


La guerre de 1884 a été pleine d’enseignements. La victoire des forces armées serbes été rendue possible grâce à deux facteurs principaux : le matériel et la préparation. Le général František Zach, promu « Voïvode » (maréchal) le lendemain du conflit, est sur la fin de sa vie, mais il s’embarque néanmoins dans un dernier grand travail militaire. Après avoir écrit un récit de la guerre intitulé « La Campagne de 1884 en Valachie », publié en 1886, il s’attèle à l’analyse des rapports de forces, des raisons de la victoire et des points forts de l’armée roumaine pour tirer les leçons qui serviront à améliorer la machine de guerre serbe. Si le voïvode est certain que la supériorité technique a permis à l’armée serbe de surclasser son adversaire, il demeure lucide et dénote au chancelier Milojević ce qu’il appelle la « supériorité humaine » des Roumains, c’est à dire le professionnalisme qui faisait de ces hommes des soldats parfaitement entraînés et plus compétents que les conscrits serbes. Pour le maréchal, la Serbie doit se doter d’un corps professionnel capable de se déployer en quelques jours à la frontière, afin d’aligner des soldats rompus à l’exercice militaire, mais aussi parés à défendre la nation n’importe où, n’importe quand. Ces mêmes soldats, entraînés tous les jours pendant leur service dans l’active, constamment sur le pied de guerre et accoutumés aux conditions de la caserne et du camp, sauront mettre à profit leur riche expérience une fois reversés dans la réserve. De fait, la constitution d’une classe régulière profiterait à toute l’armée, renforcée, et accoutrerait la Serbie d’une force de frappe réactive, automatique, en mesure de s’opposer aux menaces italiennes et turques, qui comptent des soldats professionnels dans leurs rangs.

Le rapport du Voïvode est percutant, il convainc le chancelier Milojević du besoin de former une classe d’active dans l’armée serbe, d’autant que celui-ci a des projets très ambitieux qui pourraient jouir d’un tel atout. Zach explique que la réforme consisterait à établir un service de deux ans dans l’active, ce qui, en maintenant un contingent annuel de 20’000 hommes, fournirait un effectif papier de 40’000 soldats réguliers. Milos donne carte blanche au maréchal, mais lui impose une condition, que l’armée de réserve et territoriale soient agrandis également, il faut que l'armée serbe soit la plus puissante des Balkans. Zach se concentre sur l’écriture détaillée du projet de réforme pendant plusieurs semaines. Le 15 avril 1887, alors que l’armée serbe est partie combattre les séparatistes de Transylvanie avec les forces hongroises, il présente le projet finis à Milojević. Celui-ci est frappé par le coût, la réforme prévoit en effet une nouvelle modernisation de l’armement avec l’acquisition des tous récents fusils français Lebel, qui utilisent de la nitrocellulose, communément appelée « poudre blanche », pour remplacer l’archaïque poudre noire, crasseuse, déstabilisatrice notamment pour la précision et restreinte pour la cadence de tir, mais aussi avec l’obtention d’une nouvelle artillerie de campagne, ce que le chancelier critique comme étant un « caprice de militaire ». Ce nouvel équipement flambant neuf, idéal pour servir les dessins du Macvanin, serait utilisé par une armée de 270 000 hommes sur le champ de bataille, accueillant 2 divisions d’infanterie régulière engagées un dans un service de deux ans, 6 divisions d’infanterie de réserve engagées dans un service de six ans, et 10 divisions d’infanterie territoriale engagées dans un service de dix ans. Restait dorénavant à persuader l’Assemblée.

En pleine crise transylvaine, Milos Milojević veut capitaliser sur le revanchisme roumain pour justifier son plan militaire. Il veut aussi s’appuyer sur la nouvelle loi du septennat, qui l’autorise à maintenir un budget de la défense fixé à 35% des recettes nationales. Lorsqu’il fait part du projet devant les députés de la Skoupchtina le 24 avril 1887, l’opposition conteste comme à son habitude, accusant le chancelier de vouloir endoctriner la population dans un service long et stricte qui aurait pour risque de trop militariser la société, mais les partis de la majorité soutiennent le projet, motivés par la résurgence roumaine. Le vote des conservateurs est plus dur à gagner cependant. Bien qu’ils approuvent l’extension de l’armée, ils rechignent à donner un blanc-seing au chancelier qui les a trahis trois ans plus tôt. Le Macvanin doit essayer de les acheter par la promesse d’un plan industriel étatique et d’un renforcement de la politique d’assimilation et de serbisation. Les discussions perdurent quatre jours, puis finalement, Nikola Hristić accepte de soutenir le chancelier. Mais pourquoi diable chercher le soutien de la frange réactionnaire quand la majorité suffit à faire approuver la loi ? C’est parce que Milojević veut s’assurer d’isoler les Radicaux et veut asseoir une légitimité incontestable pour sa réforme. Aussi, il espère cacher encore le vice de la loi du septennat, qui rend le pouvoir budgétaire au parlement en façade, mais qui en vérité confère une mainmise totale au chancelier du royaume tant que celui-ci dispose de la majorité parlementaire, et cela pendant sept longues années.

Aussitôt approuvée, la loi est mise en service le 1er mai 1887, jour lequel Milojević confie au secrétaire des affaires étrangères, Milutin Garašanin, de contacter l’ambassade de France pour négocier un nouvel emprunt destiné au financement de la réforme. Celui-ci reçoit un retour positif et s’embarque pour Paris afin de négocier en tête à tête avec le président du conseil, Napoléon-Jérôme. Ce dernier se montre favorable pour créditer l’intégralité de la somme exigée, cependant il déçoit le secrétaire lorsqu’il lui apprend que les arsenaux français ne pourront fournir tout l’équipement désiré, étant déjà très sollicités par la grandissime armée française, en pleine rénovation également. La France s’engage alors à vendre le matériel nécessaire pour l’armement de quatorze divisions en fusils Lebel, et trois divisions en canons de campagne Deville, qui utilisent eux aussi la toute nouvelle poudre B ainsi que des doubles fusées révolutionnaires, pour un montant de 50 millions de franc-or, crédité par la France sous 2%. Un second emprunt est émis auprès de l’État français, à hauteur cette fois-ci de 60 millions de francs, pour financer l’extension des effectifs. Enfin, un dernier emprunt est contracté pour permettre à la monarchie serbe d’acheter la licence des fusils Lebel et de construire une petite ligne de production à domicile, et enfin de pouvoir produire ses propres fusils, il s’élève à 34 millions de franc-or et se soumet à un taux d’intérêt de 2%.

Lorsque le contrat est dévoilé à Milojević, celui-ci ne peut s’empêcher de dénigrer Garašanin, à qui il reproche de ne pas avoir forcé son talent. Le plus dépité de cette affaire est cependant, bien évidemment, le voïvode Zach, qui finit sa journée avec une liqueur d’eau de vie pour noyer son chagrin de ne pas avoir su compléter la modernisation de l’armée serbe. Déterminé à obtenir sa machine de guerre, le chancelier serbe se décide à contacter lui-même l’ambassade de France pendant qu’il envoie Garašanin négocier avec les Britanniques et les Allemands pour obtenir les armes manquantes. Alors que ce dernier arrache difficilement un contrat avec l’Allemagne qui lui promet des batteries de campagnes Krupp pour équiper huit divisions, avant de signer, avec plus d’aisance, un accord avec la Grande-Bretagne pour l’achat de canons Armstrong destinées à sept divisions, le chancelier serbe réussit à élargir l’emprunt français pour financer les commandes passées auprès des deux puissances. Clou du théâtre, Garašanin, pour essayer de se racheter, exauce le rêve du maréchal Zach en ajoutant au carnet de commande britannique un paquet de douze sections de mitrailleuses Maxim, un bijou de technologie dernier cri qui viendra garnir l’équipement de l’armée régulière et terrifier les voisins de la Serbie. Ce surplus fait monter le coût total de la réforme militaire à 220 millions de franc-or, un record absolu dans l’histoire militaire du pays, voire des Balkans.

L’enveloppe présentée à la Skoupchtina est donc votée par près des trois tiers de l’assemblée, une fois encore, les Radicaux quittent la chambre pour exprimer leur opposition à cette « entreprise démesurée ». Néanmoins, le projet est approuvé, les fonds sont réceptionnés, la conscription est lancée. Le 7 avril 1888, Zach expose un bilan de la nouvelle armée qui résume en quelques lignes les grandes mesures de la réforme :

  • 1887 :    
                     - création de 2 divisions régulières
                     - achat d’une licence de fusils à poudre B, développement d’une petite ligne
                     - commande de fusils Lebel pour 3 divisions aux privés français
  • 1888 :    
                     - création de 2 divisions de réserves
                     - commande de fusils Lebel pour 3 divisions aux privés français
                     - production de fusils Lebel licenciés pour 1 division
  • 1889 :    
                     - création de 2 divisions de milice
                     - commande de fusils Lebel pour 3 divisions aux privés français
                     - production de fusils Lebel licenciés pour 1 division
                     - commande de sections mitrailleuses pour 2 divisions aux arsenaux britanniques
  • 1890 :    
                     - commande de fusils Lebel pour 3 divisions aux privés français
                     - production de fusils Lebel licenciés pour 1 division
                     - commande de canons de campagne Deville pour 1 division aux privés français
                     - commande de canons de campagne Krupp pour 6 divisions aux privés allemands, pour 2 divisions aux arsenaux allemands
                     - commande de canons de campagne Armstrong pour 4 divisions aux privés britanniques, pour 2 divisions aux arsenaux britanniques
  • 1891 :    
                     - commande de fusils Lebel pour 2 divisions aux privés français
                     - production de fusils Lebel licenciés pour 1 division
                     -  commande de canons de campagne Deville pour 2 divisions aux privés français
                     -  commande de canons de campagne Armstrong pour 1 division aux arsenaux britanniques

Dans le rapport du recrutement de l’armée de 1891, le voïvode Zach écrit la chose suivante :

  • Recrutement : Conscription universelle pour 2 ans dans l’active, 6 ans dans la réserve, 10 ans dans la territoriale – 20 000 hommes / an
  • Effectifs : 40 000 réguliers, 120 000 réservistes et 200 000 territoriaux
  • Pied de paix : 30 000 réguliers
  • Troupes de campagne : 2 divisions régulières en sous-régime
  • Pied de guerre : 30 000 réguliers, 90 000 réservistes, 150 000 territoriaux
  • Troupes de campagne : 2 divisions régulières en sous-régime, 6 divisions de réserve, 10 divisions de milice
  • Équipement : Fusils à poudre B (1887) [2 DI-, 6 DR, 10 DM], canons de campagne à poudre B (1888) [2 DI-, 6 DR, 10 DM], mitrailleuses Maxim (1887) [2 DI-]

Dans le rapport de l’ordre de bataille pour 1891, le voïvode Zach écrit la chose suivante :

  • L’armée serbe est divisée en 6 corps d’armées sujets à la mobilisation du ban de réserve et du ban de la territoriale qui constitue l’essentiel de l’armée de campagne.
  • Tous les corps provinciaux sont composés de 1 division de réserve et 2 divisions de milice, sauf le Ier corps qui compte 2 divisions de réserve et 2 divisions de milice. Le corps de la garde aligne 2 divisions régulière en sous-régime. L’armée serbe compte sur le pied de guerre 18 divisions mixtes soit 270 000 hommes.
  • Les Korpus sont numérotés de I. à V. en plus du Gardijskog Korpusa.
  • Le Gardijskog Korpusa est stationné à Belgrade, ler Korpus à Niš, le IIe Korpus à Temišvar, le IIIe Korpus à Čačak, le IVe Korpus à Sarajevo, le Ve Korpus à Banja Luka.


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Un royaume, un peuple, une foi : le modèle assimilationniste serbe


Victorieux sur la scène internationale, Milos Milojević veut encore exploiter son coup d'éclat en Roumanie pour élaborer son programme. La peur du Roumain suscitée par la guerre de 1884 puis la crise transylvaine de 1887 est agitée, exagérée, amplifiée par le gouvernement pour justifier une série de mesures autoritaires, militaristes et nationalistes. Après le premier succès de la réforme militaire, le chancelier de fer, comme il se fait maintenant appeler par l'opposition et la presse étrangère, s'attaque à l'autre point vital de son programme : l'homogénéisation de la société serbe. Au courant du durcissement assimilationniste de l'empire italien sur les Slaves de Dalmatie, de Carniole et d'Istrie, le Macvanin veut contrer cette oppression et s'assurer du maintien et de la prospérité de la culture slave dans ces régions frontalière en homogénéisant la culture, la langue et la pensée yougoslave en Serbie, afin d'unifier la population qui ne fera qu'une avec une seule langue et une seule culture, renforçant le poids de celles-ci de façon à les faire rayonner pour influencer les intellectuels à l'étranger qui eux-mêmes tâcheront de les propager chez eux pour les faire adopter par les locaux. Milojević opte ainsi pour une réciproque audacieuse, qui s'inspire des modèles assimilationnistes français et britannique, mais aussi castillan du temps de la Reconquista, le chancelier de Serbie développe ainsi son propre système, un syncrétisme des méthodes qui ont prouvé leur succès, c'est la naissance du modèle de l'assimilation serbe.

Cette grande mission revient aux secrétariats de l'intérieur et de l'instruction publique. Le préambule du projet de société rappelle que l'assimilation culturelle est la pratique qui consiste à exiger d’une personne étrangère qu'elle adopte les mêmes comportements, les mêmes us et coutumes et traditions que la population majoritaire. Du point de vue de la personne assimilée, l'assimilation peut être décrite comme une forme d'acculturation. Elle correspond à une situation au cours de laquelle un individu ou un groupe abandonne totalement sa culture d'origine, volontairement ou de manière contrainte, pour adopter les valeurs, la langue et les pratiques culturelles d'un nouveau groupe en s'y conformant de manière plus ou moins profonde et complète. Celle-ci n'est qu'une des phases possibles de l'acculturation, et si elle se réalise, elle n'en sera que la phase terminale.

Réunis au sein de la Commission de la renaissance culturelle yougoslave, également dite illyrienne, les secrétariats de l'intérieur et de l'instruction publique dessinent un programme en six volets, mais dont le dernier et le plus important nécessite son propre bureau d'étude avec son propre rapport et son propre budget, il s'agit de la réforme de l'instruction publique, une lourde tâche qui sera présentée ultérieurement à la Skoupchtina.

La théorie du ruissellement culturel

Un constat s'impose lorsque que l'on regarde l'histoire de la France et de son peuple :

« Je suis slave, et rien de ce qui est slave ne m'est étranger »

Saint louis : ramène des sarrasins convertis en France où on les installe avec les Français dont ils assimilent la culture etc
frottement des différentes populations = acculturation et homogénéisation
capitale : les populations alentour viennent s'y brasser et créent une culture dominante qui est ensuite renvoyée dans les provinces par le passage des populations en particulier des élites
paris : effet assimilateur, endroit où se brasse tous les types de français venus de tous les types de province ==> effet pyramidale = les élites locales viennent à paris (accentué par l'effet cour notamment Versailles) puis reviennent dans leurs provinces, où les bourgeois des villes imitent les élites de retour de Paris ==> effet de capillarité, la culture parisienne devient la culture de référence dans l'ensemble de la France = effort embryonnaire comparé à la 3e république
==> phénomène centipède qui prépare le terrain

esprit classique français = universalisme : tout rationnaliser, tout universaliser, toujours être porté à l'abstrait au détriment de la capacité à voir le détail, à voir le concret , à voir la matérialité des choses et la diversité des phénomènes et des individus. Au XVIIe, volonté de tout harmoniser, tout hégémoniser, jardin à la française d'un point de vu social et politique
vers de la fontaine : tout doit devenir français = devise informelle implicite de Louis XIV
Exemple du Roussillon annexé à la France : Louis XIV envoie un courrier aux habitants de Perpignan leur demandant de se vêtir à la française. Il s'appuie sur les élites bourgeoises citadines de la nouvelle province, via Perpignan, pour donner l'exemple. Le but est qu'en s'habillant à la française, on donne un modèle aux nouveaux habitants du royaume qui devront ensuite abandonner les coutumes espagnoles et rejoindre la façon de vivre qui prévale en France

culture francilienne, de la capitale = culture de référence : les provinces doivent abandonner progressivement leurs traditions locales et ressembler de plus en plus à la population parisienne, que ce soit pour la langue, le parlé, ou pour les vêtements, pour la manière de vivre, pour l'état d'esprit ==> abandon de toutes particularités dans les provinces

colonisation amérique du nord = convertir d'abord au XVIe siècle / échec de la francisation des indiens d'amérique, ce sont les colons français qui se sont acculturés à l'envers aux indiens = principale raison : trop peu de français sur place pour assimiler les indiens (malgré le fond de financement des dotes des jeunes filles amérindiennes pour qu'elle puisse épouser des français), pas de modèle, les indiens vivent toujours entre eux
==> effet général dans tout l'empire colonial français, jamais eu assez de colons français pour imprégner les populations locales, jamais eu de volonté de faire des colonies démographiques à la façon britannique (les anglais ne se sont pas gêner pour exterminer de manière plus ou moins directe les indigènes)
==> les anglais sont plus pragmatiques, pas anti assimilation, s'ils voient qu'il est plus simple dans un pays d'exterminer discrètement la population locale et de faire venir des anglais, ils le font, s'ils pensent qu'il est plus simple de laisser régner la culture locale comme en Inde, ils le font

contradiction assimilation : colon jouit de privilèges sur les indigènes, il est donc hostile à ce que les indigènes soient assimilés et deviennent autant français que lui car ils obtiendraient les mêmes droits, donc plus de légitimité pour la société actuelle de perdurer (ex : les planteurs dans les antilles avec l'esclavage)

début 3e république : premières lois sur la nationalité
entre deux guerre : cortex de lois sur l'assimilation après 1927 qui conduisent à donner à l'administration un cadre très précis avec énormément de questions très pointilleuses pour les naturalisations. L'assimilation de la 3e république passe par deux outils principaux, le premier = l'école (les cultures locales types bretons comme les cultures étrangères type italiens ont désappris leur langue et culture à l'école de la république, succès notoire) ; le second = la naturalisation (opération très précise avec une cinquantaine de questions et des enquêtes dont des interrogations aux maires des communes, pour savoir si les migrants avaient des fréquentations françaises, des loisirs français, s'ils éduquaient leurs enfants de façon française, s'ils parlaient français entre eux, s'ils avaient rompu les liens avec leurs pays d'origine, s'ils avaient l'intention de revenir chez eux ou pas = série de questions intrusives méthodiquement examinées et très exactes ==> machine administrative qui faisait un tri entre ceux qui pouvaient devenir et rester français et ceux qui ne l'étaient pas et retentaient plus tard ou rentraient chez eux)

3e république en algérie : dévoilement des algériennes au nom de l'émancipation = cérémonies de dévoilement à l'hôtel de ville, la femme retirait son voile et le jetait à la foule en prononçant un petit discours  

À cette époque le français n'était qu'une langue parmi d'autres, appelée le « françoys », « franceis », ou « françois ». Mais elle a pour atout de se trouver dans une région en explosion démographique, Paris et sa région267. Le françois s'enrichit donc très vite grâce à l'apport des autres parlers d’oïl alentour, et plus Paris prenait de l'importance, plus des gens de tout le pays y affluaient, apportant avec eux leur variante linguistique.

La serbisation des provinces


L'assimilation des étrangers

Au cours de son histoire, la France a opté pour un mode d’intégration assimilationniste. « Nation centralisée qui se considère comme la patrie de l'universel et des droits de l’homme depuis la révolution française, la France aspire à la convergence des modes de vie des étrangers qui viennent s’installer en France et de leurs descendants vers les modes de vie français »4. Le concept est promu, au XIXe siècle, par la gauche républicaine et fait largement consensus jusqu’aux années 1960. À partir de cette période, le thème de l’assimilation disparaît progressivement du débat public et des pratiques administratives5.

Il arrive que l'assimilation se heurte à des obstacles tel que l'entre-soi, la résistance des communautés immigrées à se plier à un modèle culturel qui leur est étranger. À l’issue de la Première Guerre mondiale, l’arrivée massive de Polonais soulève un problème nouveau. S’agissant d'une population slave, les Polonais présentent des caractéristiques très éloignées de celles des Français.[réf. nécessaire] Très vite une vie collective (écoles, associations, églises) s’organise entre immigrés. Cet entre-soi s’opère au détriment de l’assimilation souhaitée par l’État français et c’est seulement génération après génération[réf. nécessaire] que ce changement de mœurs va s’opérer. Voilà pourquoi il convient de qualifier cette acculturation de processus, c'est au cours du temps qu'elle fait effet[réf. nécessaire].

À partir des années 1970 prévaut le constat que l'assimilation dans les colonies n'avait pas été couronnée de succès. Le terme est désormais associé à des pratiques coloniales dont les hommes politiques voulaient se distancier. De plus, les philosophes les plus influents de ces années-là – Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Michel Foucault – « valorisent la différence, la diversité, la minorité », au rebours « de l’uniformité, de l’obéissance ou de l’homogénéité »5. Ce courant de pensée, largement répandu s'inscrit contre la logique de l’assimilation qui « implique un désir de ressemblance, de se fondre dans la culture majoritaire du pays »5.

Auparavant utilisé officiellement dans le cadre des politiques migratoires, le terme d’« assimilation » a aujourd'hui disparu du vocabulaire de ce champ. « Le modèle français d’assimilation, qui gouverne l’intégration des descendants d’immigrés européens, est en crise »6.

La politique de décolonisation islamique et de restauration chrétienne


Les générations volées

Enfin, la dernière politique d'assimilation culturelle s'inspire d'une mesure prise dans les colonies britanniques d'Australasie. Là-bas, dans ces contrées exotiques au bord du monde, le gouvernement australien entreprend depuis 1869 l'enlèvement forcé d'enfants d'Aborigènes à leurs parents pour les assimiler, dès l'enfance, à la culture britannique et à la race blanche. Ces enfants sont le plus souvent des métis de mère aborigène et de père blanc. Ils sont placés dans des orphelinats, des internats, ou bien confiés à des missions chrétiennes ou à des familles d'accueil blanches. C'est ce qu'on a baptisé les « Générations volées ».

Le chancelier Milojević délègue à son sous-secrétaire de l'instruction publique, Milan Milićević, la tâche d'adapter à la Serbie cette politique qu'il a déniché. Milićević rappelle que les théories eugénistes et le darwinisme social affirment que le contact entre dominants d'une « race supérieure » (la race blanche en Australie) et peuple subjugué d'une « race inférieure » (les Aborigènes en Australie) amène inévitablement, par un processus de sélection naturelle, à la disparition de ces derniers. Or, si aucune race de couleur ne peuple le territoire de la Serbie, dans la nouvelle région de Bosnie et d'Herzégovine, mais aussi au sud-est de la Serbie centrale, il existe une race « mahométane » dont le nombre croissant menace la « pureté » de la « race slave ». Milićević fait la différence entre les Bosniaques, des Slaves de confession musulmane, et les Albanais, des « Turcs » purement islamiques. Ce sont ces derniers qui sont jugés impropres à l'assimilation douce et qu'il faut disperser, bâillonner et mélanger pour les fondre dans la masse. Si les mesures citées précédemment vont sans nul doute servir à les serbiser, Milićević affirme qu'il est nécessaire de couper le mal à la racine en slavisant et en christianisant les Albanais dès l'enfance, un processus rendu difficile pour l'école si ces enfants grandissent au sein de leur foyer de culture turque et de religion musulmane.

En conséquence, le 7 juin 1887, la loi autorise le gouvernement à saisir les enfants « turcs » (albanais), officiellement pour s'assurer de leur bien-être en les intégrant à la société serbe. Les enfants turcs placés dans des institutions ou familles d'adoption se verront interdits de pratiquer leur langue, l'idée étant de les couper définitivement de leurs racines culturelles mahométanes. Les enfants devront recevoir un minimum d'éducation suffisant pour faire d'eux des travailleurs manuels ou (dans le cas des filles) des domestiques. Lorsque les politiques de saisie des enfants seront harmonisées au niveau national en fin d'année, leur but explicitement annoncé est d'accélérer la disparition des Albanais. Milan Milićević déclare ainsi que l'assimilation biologique des Albanais dans la société serbe résoudrait le « problème turc » : « Toutes les caractéristiques indigènes d'une race inférieure sont généralement éradiquées à la cinquième génération, et le sont invariablement à la sixième. Le problème de nos turcs sera rapidement éliminé par la disparition complète de la race turque, et par la submersion rapide de sa progéniture au sein de la slave. » De même, Stevan Kaćanski, poète romantique proche de la sphère milosienne, écrit dans un article pour son magazine le Grande Serbie : « Éliminons les Turcs pur-sang et permettons la mixture des métis parmi les Serbes, et peu à peu la race deviendra slave ».

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Royaume de Serbie


Bože pravde - Vostani Serbije


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Sur ce tableau de XXX, nous pouvons constater le syncrétisme culturel serbe manifesté entre d'une part par l'élite et le peuple, vêtis et coiffés à l'occidental, et de l'autre le tsar et les autorités religieuses qui s'imprègnent de l'héritage byzantin orthodoxe.

Le Preporod ou la renaissance illyrienne : entre occidentalisation, panslavisme et romanité


L'ascension de la Serbie et la résurgence du mouvement illyrien


Dans les Balkans, l'histoire protochroniste postule que les Illyriens, les Thraces et les Daces sont les plus anciennes civilisations au monde, les premières à avoir inventé l'écriture, et que les ancêtres des Grecs et des Latins étaient en fait des tribus issues de ces peuples, ayant migré en Grèce ou en Italie : cette pseudohistoire a été développée sous les régimes communistes albanais, bulgare et roumain pour « enseigner » aux habitants, dès l'école primaire, que depuis toujours ces pays pouvaient se suffire à eux-mêmes sur tous les plans et n'avaient rien à attendre du monde extérieur, qu'ils ont, au contraire, « ensemencé ». Pour étayer ces thèses, des artefacts apocryphes anciens (comme le Codex Rohonczi) ou plus récents (comme les tablettes de Tărtăria supposées dater de 7 300 ans avant le présent), ont été utilisés et ont fait l'objet d'études et de publications d'aspect scientifique, mais dont les sources sont soigneusement triées et les assertions invérifiables par d'autres chercheurs15. Toujours dans le but d'accroître leur crédibilité, les protochronistes, une fois le communisme abandonné dans leurs pays, ont donné à leurs hypothèses un aspect mystique en avançant que les religions des Illyriens, Thraces et Daces seraient parmi les plus élaborées ayant existé à l'époque dans le monde, et s'inscriraient dans la « civilisation de l'ancienne Europe » supposée par l'archéologue Marija Gimbutas (1921-1994)16. Ces postulats sont contestés par le milieu universitaire dont les représentants expriment à ce sujet un profond scepticisme17. Dans ces pays, le protochronisme s'est ainsi manifesté :

dans les pays issus de la fragmentation de l’ex-Yougoslavie, les auteurs d’histoire-fiction sont aussi très prolifiques sur internet, et promeuvent la théorie dite « iranienne » : en Croatie, le nom « Horouathos » figurant dans deux textes de la « pierre de Tanaïs », inscription grecque de l’an -520 retrouvée dans le port de Tanaïs sur la mer d'Azov, en Crimée21 est interprété comme signifiant « Croate », de même que celui de la ville de Cracovie ou des montagnes Carpates, et bien d’autres noms, qui seraient issus de Horvat dans cette théorie ; il circule également dans ces pays l'idée que les Serbes modernes seraient issus, au choix, d'une tribu iranienne antique du Nord-Caucase (les Serboi), ou bien de la « tribu perdue d’Israël » (la même origine est parfois attribuée aussi aux Amérindiens), les thèses de la continuité sumériano-hongroise et étrusco-hongroise combinées avec l’idée de l’invention de l’écriture par les anciens Hongrois, et d’autres

La langue illyrienne

La renaissance culturelle roumaine concerna aussi la standardisation et l'écriture de la langue, le passage de l'alphabet cyrillique serbe à l'alphabet latin (croate, effectif dès 1889) et la réhabilitation des noms autochtones des lieux, qui n'étaient pas officiels, seules les formes allemandes ou hongroises étant officielles en Autriche-Hongrie, seules les formes russes étant officielles en Bessarabie, et seules les formes turques étant officielles dans le Boudjak et la DobroudjaN 2.

L'occidentalisme


Le Soko ou la gymnastique nationaliste


La renaissance littéraire

Les déplacements étant plus faciles, rapides et moins chers, la langue cessa d'être perçue comme le seul facteur unificateur entre les Allemands. Les frères Grimm, qui avaient rédigé un impressionnant Dictionnaire allemand, rassemblèrent les fables et les histoires populaires qui dévoilaient les parallèles entre les différentes histoires régionales32. Karl Baedeker écrivit des livres de voyages sur différentes villes d'Europe centrale, indiquant les lieux d'hébergements, les sites à visiter et une brève histoire des châteaux, des personnalités et des champs de bataille rencontrés. Ses guides incluaient également les distances, les routes à éviter et les itinéraires de randonnée à suivre33.

Le renouveau artistique

Par ailleurs, les chants de August Heinrich Hoffmann von Fallersleben expriment non seulement l'unité linguistique du peuple allemand mais également son unité géographique. Dans Deutschland, Deutschland über Alles, officiellement appelé Das Lied der Deutschen (Le Chant des Allemands), Fallersleben appelle les souverains de tous les États allemands à reconnaître les caractéristiques unificatrices du peuple allemand34. D'autres musiques patriotiques comme Die Wacht am Rhein (La Garde au Rhin) de Max Schneckenburger commencèrent à mettre l'accent sur l'espace géographique qu'est l'Allemagne. La « germanité » n'était plus limitée à une langue commune. Schneckenburger écrivit La Garde au Rhin comme une réponse aux arguments français qui prétendaient que la rive orientale du Rhin était la frontière orientale naturelle de la France. Le refrain, Chère patrie, sois calme : Ferme et loyale est la garde, la garde au Rhin !, et d'autres chants patriotiques comme Das Rheinlied (Le Chant du Rhin) de Nicholaus Becker appelaient les Allemands à défendre leur territoire national. En 1807, Alexander von Humboldt avança que le caractère national était influencé par la géographie, que les paysages étaient liés aux peuples. Simultanément, l'idée de préserver les anciennes forteresses et les sites historiques émergea particulièrement en Rhénanie où beaucoup de batailles contre les Français et les Espagnols avaient été menées35.

La révolution de l'architecture


Les faisceaux de l'illyrisme



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