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Contexte en 1852


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Nom du pays : Royaume de Prusse

Nombre d'habitants : 17 millions d’habitants.

Religion officielle : Église évangélique de l'Union prussienne

Langue officielle : Allemand

Capitale : Berlin

Monnaie : Thaler


Rapport politique


Königreich Preußen - Royaume de Prusse  Friedrich-Wilhelm


Chef d’état : Frédéric-Guillaume IV

Gouvernement : Otto Theodor von Manteuffel (Ministre-président/Wochbenblattpartei) (Conservateurs) - 70% dont Junkers (Alliance conservatrice) - 10%
Libéraux - 30%

Stabilité nationale : Inébranlable

Factions radicales : Révolutionnaires allemands (1), nationalistes polonais (2)


Rapport économique


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Données générales :

Population : 17 millions d’habitants.
Recettes : 97 millions de thalers.
Dépenses : 99 millions de thalers.
Déficit : 2.4 millions de thalers.
Poids de la dette dans le budget : 9.6 millions de thalers.
Dette totale : 151 millions de thalers.
Poids de l'armée dans le budget : 27 millions de thalers.
Valeur de la monnaie : Thaler (3,75 francs) / Cours monétaire stable.

Bilan financier et budgétaire :

La Prusse est à l’aise, sa dette très modique et son déficit jugulé témoigne d’une politique interventionniste : En 1851 le troisième budget est dédié aux seuls travaux publics, le rail mais aussi ponts et routes sont rénovés ou étendus massivement, la densification des transports est à l’origine chose étatique en Prusse et même les mines de Prusse sont propriétés publiques. En parallèle des mines publiques rigoureusement administrées se développent des mines privées elles aussi florissantes et reliées rapidement, très rapidement, à un réseau ferroviaire dense, presque 7000km sont déployés en Allemagne dont une majorité en Prusse. Rails qui absorbent 25% de l’investissement privé à cette date et par an, véritable ruée qui semble ne pas connaître de fin que le chemin de fer !

Bilan industriel et commercial :

L’explosion de la demande de chemins de fer touche de plein fouet l’Allemagne, sa production métallurgique et mécanique était très faible en 1830, à peine neuf entreprises dédiées et 210 machines à vapeur étaient présentes en Prusse. En 1850 la production houillère explose en lien avec les commandes titanesque de rails, de locomotives et donc de machines à vapeur dont la voracité en charbon draine la Silésie et plus largement toute la confédération. Il en va de même de la fonte de l’acier qui augmentent au même rythme de presque 25% en trois ans jusqu’à 220 000 tonnes chacun par an. Le coke triomphe avec 63% de production au coke face à un déclin extrême du charbon du bois et de son usage dans métallurgie.

Le charbon allemand vient graduellement à concurrencer celui de la Grande Bretagne, le mettant mal à l’aise dans le marché de la confédération face aux producteurs de la Ruhr. La Prusse est à l’aube d’une explosion encore plus folle de son économie et semble avoir déjà dépassé les affres des crises politiques et du choc de 1848. Il est remarquable que 135 usines de machines-outils se trouvent en Saxe, 60 à Dresde et 38 à Berlin, soit la presque totalité de la production mécanique d’Allemagne !


Königlich Preußische Armee


Königreich Preußen - Royaume de Prusse  640px-Parade_1894


Service : 3 ans de service, 2 ans dans la réserve – 40000 hommes / an
Armée totale : 120 000 actifs, 80 000 réservistes
Armée de campagne : 80 000 actifs, 52 000 réservistes

L’armée prussienne est cantonnée sur tout le territoire, elle comprend : 5 divisions mixtes et une brigade mixte de la garde royale.

Réserve d'équipements : 3
Réserve d'hommes : 3
Équipement : Fusil à percussion et canons lisses


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Mar 8 Sep - 22:15


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Incipit – Le Royaume de Fer


La Prusse de 1852 n'est plus ce qu'elle était pendant la Restauration. La révolution prussienne – et plus globalement allemande – de 1848 et 1849 a profondément changé le royaume. Si autrefois la tendance conservatrice réactionnaire prônait l'immobilisme institutionnel, la Nouvelle Prusse née des flammes de la gronde à Berlin, en Silésie et en Rhénanie s'engage aujourd'hui vers une voie encore inconnue jusqu'à alors : le constitutionnalisme.

Mais comment en est-on arrivé là ? Nombreux sont ceux qui voyaient en Prusse un trône de marbre, immuable aux troubles qui ébranlaient l'Europe post-napoléonienne. Le Royaume du Grand Frédéric était celui de l'ordre, de la tradition, et de la guerre, les Lumières conjuguées à la rigueur des Hohenzollern. Celui de son neveu, Frédéric-Guillaume III, était un phénix ressuscité des cendres d'Iena-Auerstedt, fort, brillant, innovant, jusqu'à sombrer sous le joug réactionnaire après le Congrès de Vienne et demeurer figer dans le temps. Quand Frédéric-Guillaume IV succéda à son père en 1840, il était face à un peuple qui attendait inlassablement l'aboutissement des réformes promises par leur ancien souverain depuis 1807.

Sous les cabinets réformateurs de Hardenberg et Stein, ceux qu'on appelait les « bureaucrates », la propriété avait été réformée, affaiblissant le patriarcat nobiliaire. L'armée avait été rénovée sous les conseils des théoriciens Scharhornst, Gneisenau et Clausewitz d'après le modèle napoléonien. Les Juifs avaient bénéficié d'une émancipation partielle et les Polonais jouissaient de la reconnaissance de leur nationalité par Berlin, galvanisant ainsi le soutien des minorités pour la monarchie des Hohenzollern. La société corporative avait été assouplie, embrassant quelques idéaux des Lumières. La foi avait été rassemblée dans une seule et même maison sous la bénédiction du représentant de Dieu, le roi. Des diètes régionales avaient été établies, bien que consultatives dans leur rôle. L'éducation avait été revue à la lettre par le baron d'Altenstein sous les enseignements du philosophe Hegel, offrant alors le meilleur système éducatif d'Europe. L'économie avait eu son heure de renouveau également, allégeant tarifs douaniers et régulations mercantiles pour laisser place à la doctrine libérale d'Adam Smith, permettant une effervescence économique jamais observée auparavant.

Mais alors, pourquoi la révolution s'était emparée d'un royaume qui sur le papier semblait être à l'heure de son temps ? La réponse se trouve dans ces derniers mots. A l'heure de son temps la Prusse l'était, mais dans une Europe conservatrice, réactionnaire, depuis les années 1820. L'héritage de la révolution française et des guerres napoléoniennes était indélébile. Le Tyran corse avait perdu la guerre des armes, mais il avait gagné celle des idéologies car jamais plus le monde ne serait être comme avant. Cependant, des hommes tel que Wittgenstein, Voss, Ancillon sous Frédéric-Guillaume III, ou encore Thile et les Gerlach au début du règne de son successeur, œuvraient pour maintenir l'ancien ordre et étouffer les cris sourds d'un peuple réveillé de son long silence.

L'obscurantisme avait été foudroyé par les Lumières au siècle dernier, mais en cette nouvelle ère, ce qui demeurait de l'ancien monde était balayé par les vagues libérales et nationalistes. Il n'était pas surprenant alors d'observer en 1830 une vague révolutionnaire sur le continent. Mais l'échec de celle-ci sema les graines de la suivante, plus grande, plus bouleversante, plus... révolutionnaire. En 1848, personne n'échappa à la tornade en Europe. La Prusse, austère, ne fut guère épargnée. Si la révolution débutée un mois de mars à Berlin s'avouait pacifique et prometteuse, puisque le roi Friedrich Wilhelm IV s'était montré conciliant avec son peuple, embrassant ses idées et adoptant ses demandes, la soudaine arrivée des hussards à cheval sema un vent de panique qui résulta en un bain de sang. La bataille pour Berlin dura quelques jours avant que le calme ne revint sous la pression du monarque qui somma ses militaires de se retirer en Silésie et de le laisser communiquer avec son peuple. Cette mesure rendit le souverain extrêmement populaire en Prusse, et lorsque ce-dernier fit la promesse de répondre à l'appel des Allemands d'unifier la Germanie sous le drapeau tricolore de Francfort, les ovations s'entendirent par-delà les frontières, à travers toute l'Allemagne. Le roi annonça alors la formation d'une assemblée nationale représentant toutes les diètes régionales sur le scrutin censitaire masculin. La voie vers la monarchie constitutionnelle était actée, un ministre-président était nommé et les pouvoirs du Hohenzollern étaient réduis. Mais l'entente entre le souverain et son nouveau cabinet ne fut pas aussi cordiale qu'escomptée.

Très vite, Friedrich Wilhelm IV se montra réticent à abandonner son monopole sur le commandement de l'armée, aussi il refusa de se plier à certaines demandes de l'Assemblée modérée qui se retrouvait alors contrainte d'accepter l'avis du roi et d'abandonner pour ne pas provoquer une seconde révolution plus radicale. Petit à petit, le roi de Prusse prépara sa vengeance, et en novembre, il frappa d'un coup éclair. Alors que les flammes de la révolution s'éteignaient et que la popularité du gouvernement libéral déclinait en faveur des radicaux, l'armée stationnée en Silésie marcha sur Berlin d'un pas élancé, chantant le Preußenlied. L'armée, elle-même composée de quarante-huitards, maintenait une loyauté sans faille envers l'Aigle Noir. La raison résidait dans l'image que véhiculaient les turbulences perpétrées par les Jacobins en Rhénanie, en Silésie, et à moindre volume, dans les terres originelles du royaume. Le chaos provoqué par ces révolutionnaires extraits des classes populaires et ouvrières devait être maîtrisé aux yeux de ces soldats de la campagne qui croyaient réellement en la légitimité constitutionnelle de la nouvelle Assemblée. Alors le feu arriva et Berlin fut nettoyée, suivie des villes rhénanes et silésiennes, la Posnanie ne fut pas non plus épargnée.

Le roi avait trahis son peuple dans l'ombre. Il avait préparé la venue de l'armée pour reprendre le contrôle de sa capitale et de son royaume tout en maintenant ce rôle de roi éclairé devant ses sujets qui y croyaient aveuglément ! La popularité du roi gagnée au début de la révolution se préserva ainsi, mais le royaume lui ne se maintint pas dans sa forme de 48. Les ministres-présidents se succédèrent jusqu'à ce que l'armée ne vint fermer l'Assemblée à Berlin puis à Brandebourg. Une nouvelle constitution fut rédigée, celle-ci déléguait au roi davantage de pouvoirs et prévoyait l'octroi du droit de vote à tous les hommes adultes, la valeur des ballots résidait dans la valeur de propriété du votant. Ainsi, le système corporatif balayé par la révolution refaisait surface, timidement. Le Landtag fut lui réadmis et sa Chambre basse remplie par des libéraux modérés et des conservateurs modernistes qui ensemble formèrent une puissante coalition contre les radicaux d'un côté et les réactionnaires de l'autre. En 1850, la nomination d'Otto Theodor von Manteuffel au poste de ministre-président annonça le début d'un nouvel âge, comme il le déclara si bien. La Prusse était sur la voie de la grandeur, tout ce qu'il lui restait à faire, c'était la saisir en vol...


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L'Ère Réactionnaire — Acte I : 1852-1853

Premier chapitre — La Prusse en Allemagne et en Europe : Mai 1852


La Prusse était la benjamine du cercle très restreint des Grandes Puissances européennes. Elle devait son rang au travaux de ses anciens dirigeants, le Grand Électeur au XVIIe siècle, le Roi Soldat à l'aube du XVIIIe et le Grand à l'époque des Lumières. Longtemps considérée comme l'allégorie de la guerre, la Prusse s'était écroulée en 1806 sous les pas des marches napoléoniennes. Les Guerres de la Libération avaient finalement brisé ses liens avec le Tyran et le royaume s'était réaffirmé sur la scène européenne. Néanmoins, le grand libérateur venu de l'Est avait exprimé son souhait de recevoir un gage de gratitude. Le traité de Kalisz de 1813 stipulait que la Prusse renonçait, au profit de la Russie, aux territoires acquis lors des partages de la Pologne hormis la Pomérélie et la Posnanie. En échange, le tsar autorisait la Prusse à se saisir des territoires qui seraient repris aux Français dans le nord-ouest de l'Allemagne à l'exception du royaume de Hanovre, qui serait restitué au Royaume-Uni.

L'engagement du tsar fut respecté au Congrès de Vienne de 1814 et 1815. Il fut convenu que la Prusse reprenait le contrôle de la Posnanie et de la Pomérélie, et en échange de la perte de Varsovie, elle annexait la Poméranie suédoise, le nord de la Saxe et toute la Rhénanie à l'exception du Palatinat. Bien que la Prusse possédait déjà de petites enclaves en Rhénanie avant les guerres contre la France, il ne lui était jamais venu à l'esprit d'annexer toute la Rhénanie, une région bourgeoise sans grands intérêts aux yeux des contemporains de l'époque. La Prusse eut préféré récupérer l'intégralité de ses conquêtes polonaises plutôt que cette immense enclave. Mais quelle chance ce fut pour elle finalement que d'annexer la Rhénanie ! En effet, bien vite la révolution industrielle se propageant de Grande Bretagne révéla les trésors qui couvaient sous le sol rhénan. Ce n'était pas le blé polonais, mais le charbon... le fer... tant de ressources en abondance qui démontrèrent leur importance dans la suite des décennies.

De plus, l'annexion de la Rhénanie offrait à la Prusse un immense avantage que Frédéric le Grand aurait lui saisis dès la signature de la convention viennoise ! Il suffisait de juxtaposer une carte du royaume de Prusse et de la Confédération germanique pour comprendre. En s'étendant le plus à l'ouest des terres germaniques, la Prusse devenait l'hégémon de l'Allemagne du Nord, et le seul état en mesure de rivaliser avec le vieillissant empire autrichien dans la Confédération. Cette position s'avéra centrale dans la politique extérieure du roi Friedrich Wilhelm IV, lorsque celui-ci tenta d'unir les états allemands derrière lui en 1849 à Erfurt. Qui d'autre que la Prusse pouvait unir les Allemands ? L'Autriche ? L'idée de Grande-Allemagne avait été violemment rejetée par Vienne, et si l'influence des Habsbourg demeurait prépondérante à la cour des petits états germains, leur popularité auprès du peuple allemand s'était faite éclipsée par celle du roi prussien.

Ainsi, il paraissait de plus en plus évident pour de nombreux Allemands, dont le professeur Georg Gottfried Gervinus, que la Prusse devait porter le flambeau de l'unification du Vaterland. Ce-dernier écrivit à Friedrich Engels : « La Prusse doit se positionner à la tête de l'Allemagne ». La décennie précédente avait vu l’émergence d'une idée, celle d'allier le gouvernement prussien avec les libéraux nationalistes allemands. Pour quelles raisons ? Simplement parce que Berlin était persuadé qu'une confédération germanique plus centralisée, dotée d'un corps administratif, juridique et militaire serait plus bénéfique aux Allemands et à la Prusse elle-même que cette myriade de micro-états lâchement liés entre eux par une confédération presque fantôme.

Cette idée fut vivement reprise par le Friedrich Wilhelm en 1848 lorsqu'il affirma vouloir unir les Allemands. Cependant le roi n'était pas homme à se reposer sur la légitimité populaire. Son refus la même année d'accepter la couronne impériale offerte par le parlement de Francfort prouva son ambivalence sur la question allemande. Le roi de Prusse voulait réunir les états allemands en réalité, non unifier le peuple germain. Il lui paraissait nécessaire de recevoir l'aval de tous les gouvernements de la Confédération, y compris de l'Autriche, avant d'unir l'Allemagne sous une confédération plus solide rappelant selon ses termes, l'ancien Saint Empire Romain Germanique. Le roi préférait éviter une confrontation avec l'Autriche qu'il voyait davantage comme un partenaire, et espérait ardemment que les autres princes allemands s'exulteraient de le nommer « Roi des Germains », comme jadis du temps du premier Reich.

Dans la précipitation des révolutions de 1848, une crise survint au nord de l'Allemagne. Elle regardait le statut des duchés de Schleswig, d'Holstein et de Saxe-Lauenburg. Le roi du Danemark, Christian VIII, devant l'absence de descendance de son fils héritier le prince Frédéric, avait issu une lettre ouverte en 1846 où il avait proclamé l'adoption de la loi de succession danoise au duché de Schleswig, et par extension le duché d'Holstein, lié à son voisin du nord par un traité « imbrisable » depuis le XVe siècle. A la mort du souverain en 1848, son fils Frédéric VII hérita des possessions danoises et appliqua aussitôt le recommandation de la lettre ouverte de 1846, annexant en mars le duché de Schleswig. La nouvelle eut l'effet d'un ouragan en Allemagne. La pression nationaliste à Berlin poussait Friedrich Wilhelm IV a soutenir l'insurrection révolutionnaire allemande qui s'était emparée du sud du duché annexée. De plus, le Parlement de Francfort protesta à son tour et vota en réponse l'inclusion du Schleswig dans la confédération. Le gouvernement prussien et les délégués confédérés s'entendirent sur l'envoie d'une force coalisée sous le commandement prussien dans les duchés pour libérer les frères du nord. L'invasion fut un succès et les Danois furent repoussés au nord de la péninsule. Le roi prussien venait d'exposer à toute l'Allemagne la puissance prussienne et sa capacité à défendre les intérêts de son peuple. Il espérait qu'il gagnerait ainsi la faveur des princes allemands et qu'il pourrait enfin réaliser son rêve d'un nouveau Saint Empire. Mais ce que les nationalistes allemands n'avaient pas réalisés, c'était que la question des duchés devint rapidement internationale.  

Très vite le tsar de Russie se rendit furieux d'apprendre que son beau-frère s'était allié aux libéraux nationalistes, et s'opposa par conséquent à l'intervention prussienne et mobilisa ses armées à la frontière de Prusse orientale. La Grande-Bretagne, éprise dans son Grand Jeu avec l'ours, prit peur d'une expédition russe dans les détroits danois, et demanda à son tour au roi à Berlin de se retirer des duchés. La Suède et la France se joignirent quelques semaines plus tard à l'opposition européenne. Face à cette situation, le roi Friedrich Wilhelm fut contraint de céder. Le 26 août, l'armistice de Malmö fut signé. La guerre reprit ensuite entre les duchés, désormais seuls, et les forces danoises. Ces-derniers matèrent la rébellion en quelques semaines. Finalement, en 1850 fut signé le premier protocole de Londres qui officialisait la paix.

Ce protocole fut signé en parallèle d'une seconde humiliation pour la Prusse, la crise d'Hesse-Cassel. Cette crise survint lorsque que l’Électeur de Hesse-Cassel, un réactionnaire assumé, appela la Confédération à venir le soutenir dans ses mesures contre-révolutionnaires rejetées en bloc par l'armée et ses bureaucrates, sympathisants de la révolution. Le ministre-président autrichien, Schwarzenberg, vit là l'occasion parfaite de contraindre la Prusse à reconnaître la Confédération germanique ressuscitée et à abandonner ses projets unionistes à Erfurt. En effet la Prusse était dépendante du Hesse-Cassel pour ses communications militaires entre la Rhénanie-Westphalie et le Brandebourg. De plus, son soutien pour les nationalistes l'obligeait à défendre leur mouvement. L'Autriche fit voter l'envoie d'un corps expéditionnaire au Hesse-Cassel, aussitôt la Prusse répondit par la mobilisation de ses troupes. Les tensions escaladèrent au point que certains pensaient la guerre fratricide inéluctable. Finalement, encore sous la pression étrangère couplée cette fois-ci à un ultimatum de Schwarzenberg, la Prusse concéda à abandonner le Hesse-Cassel et à démobiliser. Lors d'une conférence les 28 et 29 novembre à Olmütz en Bohème, Berlin accepta de laisser passer l'expédition au Hesse-cassel et de démobiliser l'armée prussienne. Les deux hégémons allemands s'entendirent pour cogérer une réforme en profondeur de la Confédération germanique, une promesse qui au fil de l'an 1851 se prouva être mensongère côté autrichien...


Comme si l'humiliation d'Olmütz n'était pas suffisante pour la Prusse, il s'est récemment tenu la seconde convention de Londres, où le Concert des Nations a décrété l'application des lois de successions danoises aux duchés à la mort de Frédéric VII, en contrepartie, son successeur désigné par la convention doit garantir l'autonomie des duchés à son accession au trône. Cette ultime humiliation vient enterrer les rêves prussiens d'unification allemande... du moins pour le moment.


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La diplomatie Manteuffel — Acte I : 1852-1853


C'est dans ce paradigme que le nouveau ministre-président doit assurer la diplomatie prussienne. Désireux de redresser le blason de l'Aigle Noir, von Manteuffel s'est enjoint de consolider les relations de la Prusse avec ses voisins. Comprenant alors l'intérêt de prouver au tsar de Russie que le nouveau gouvernement de Berlin s'était détaché des politiques libérales-nationalistes de ses prédécesseurs, il s'informe de la crise des Lieux Saints qui ébouillante l'Orient. Conscient que le risque qu'un conflit éclate entre les Occidentaux et les Russes grandit jour après jour, Manteuffel saisit la situation pour engager des négociations avec le vieil allié de l'est. Dans l'optique de ressusciter la Sainte Alliance, il invite également l'Autriche à venir soutenir la Russie. Son projet ? Épauler l'ours dans sa lutte en l'aidant à financer un réarmement progressif en vu de la guerre. Après plusieurs heures de négociations le 6 mars 1853, il a été convenu par les partis de l'accord suivant :

- La grande banque berlinoise, Mendelssohn & Co, en coopération avec d'autres banques privées, assurent un prêt de 53 millions de Thalers annuels (200M de Fr) pendant 2 ans à la couronne de Saint-Pétersbourg pour des intérêts s'élevant à 8%. L'état prussien garantit l'obligation à 4% et avance également que le prêt peut être reconductible selon les besoins militaires russes. Aussi, pour éviter de dresser des sourcils dans les cours européennes, le prêt sera officiellement accordé pour le financement d'un projet ferroviaire commun en Pologne à venir.

- L'Autriche assure avec ses privés de prêter la somme équivalente à l'état russe, sous les mêmes intérêts et garanties. Cf les rapport du gouvernements autrichien lorsque ceux-ci seront divulgués.

- Un projet de liaison entre la Ligne orientale et Varsovie est envisagé et doit être soumis à des nouvelles négociations.

- L'empire de Russie baisse ses douanes d'importations de 1/4 (20% --> 15%) sur les machines outils prussiennes et autrichiennes à destinations des cokeries en premier, puis au développement industriel russe en général.

Parallèlement à la signature de ce traité financier, Manteuffel reçoit une proposition de l'ambassade espagnole. Celle-ci souhaite importer davantage de machines-outils prussiennes pour ses usines locales, et avance ainsi la possibilité de baisser les douanes sur ces produits. Manteuffel, guère réticent à accroître la demande des industriels prussiens, demande 15%. Madrid, dans sa générosité, offre de baisser ses tarifs à 10% ! C'est sans surprise que Berlin accepte le marché.

Enfin, Manteuffel s'est investis de la mission d'étendre l'union douanière du Zollverein et de renforcer la défense à la frontière rhénane avec la France, bouleversée pour la énième fois par un changement de régime... mais cette fois-ci, il s'agit du neveu du Tyran, Louis-Napoléon Bonaparte, qui est en passe d'usurper le pouvoir en France comme son oncle jadis. Devant l'inquiétude d'une fièvre napoléonienne à Paris, Manteuffel s'est étroitement entretenu avec les diplomates du roi Maximilien II de Bavière. Les délégués se sont d'abord mis d'accord sur l'expansion du Zollverein au nord, en invitant enfin le royaume du Hanovre, la principauté de Schaumbourg-Lippe et le grand-duché d'Oldenbourg à rejoindre l'Union. Ces états, les derniers d'Allemagne à ne pas avoir rejoins le Zollverein, désiraient depuis plusieurs années déjà s'incruster dans l'harmonisation tarifaire de leurs frères du Vaterland. Lors de négociations secrètes en 1851 et en 1852, la Prusse leur avait promis de proposer leur admission aux autres états membres, en comptant sur la Bavière pour ne pas s'y opposer. Ainsi, devant l'approbation de cette dernière, les délégués prussiens présents lors de la réunion du Zollverein le 9 septembre 1852 à Berlin ont porté le vote sur l'introduction des trois états dans l'union douanière. Et c'est à l’unanimité que les états membres ont approuvé la motion, accomplissant de ce fait l'union des tous les états allemands sous une seule et même barrière douanière.

Enfin, quelques mois plus tard, le 12 février 1853, Manteuffel rencontre à nouveau les délégués bavarois pour discuter de la frontière rhénane. Le Prussien propose l'idée d'harmoniser les exercices militaires à la frontière française et de collaborer dans la planification défensive. Conscient que ses homologues préfèrent demeurer prudents face à la Prusse, le ministre-président a insisté sur le rôle purement militaire du projet. Il a ainsi expliqué qu'il s'agirait d'uniformiser les états majors prussiens et bavarois sur le Rhin uniquement. Munich s'est ainsi montrée plus intéressée, et a accepté que ses troupes garnissant le Palatinat puissent être placées sous un état major commun avec les forces prussiennes de Sarre et de Rhénanie. De plus, il a été envisagé de financer une extension du réseau ferré entre les deux états et la frontière rhénane pour faciliter la mobilisation des forces communes. L'investissement se ferait à hauteur de 50% pour les privés, et 50% répartis de moitié entre les deux états. Les lignes doivent être encore dessinées. Enfin, un projet de fortifications commun entre la Sarre et le Palatinat est également annoncé.

Ainsi, Manteuffel est parvenu à réaliser ce que les anciens ministres prussiens avaient échoué à faire en 1830, 1840-41, 1846 et 1848, à savoir, unifier sous un même commandement la défense du Rhin pour prévenir toute répétition des traumatismes de 1806 et 1807. C'est une grande victoire politique pour le chef de cabinet récemment appointé, qui renforce sa position et celle de sa coalition au Landtag. Le roi Friedrich Wilhelm IV a félicité chaudement son ministre pour ses trois succès diplomatiques, qui permettent d'oublier un peu les humiliations d'Olmütz et Londres.


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Jeu 10 Sep - 23:56


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L'Ère Réactionnaire — Acte I : 1852-1853

Second chapitre — L'Homme du Roi


Les événements de 1848-50 ont révélé, parmi plusieurs problèmes, à quel point l’exécutif prussien était encore désuni. Parce que le monarque — plutôt que le cabinet ou le ministère de l'état— était encore au centre du processus des décisions, le factionnalisme et les rivalités à l'intérieur de l'antichambre du pouvoir demeuraient un sérieux problème. En effet, à certains égards, cette tendance était renforcé par les révolutions, qui avaient jeté le roi dans les bras des cercles conservateurs à la cour. Ceci était une source d'ennuis sans fin pour le diplomate puis ministre des affaires étrangères prussiens, Joseph von Radowitz — destiné à mener le projet d'unification allemande derrière l'aigle noir via des négociations avec les princes allemands à Erfurt — qui était détesté par la Kamarilla de de la cour et vivait dans la peur constante d'être la cible de conspirations. Ceci signifiait aussi que le soutien de Berlin pour les initiatives unionistes paraissait à certains moments peu enthousiaste, puisque de puissants ministres et conseillers proches du roi laissaient transparaître aux compatriotes et aux émissaires étrangers semblables qu'ils ne soutenaient pas la politique de Radowitz. Friedrich Wilhelm IV lui-même, qui aimait regarder les questions sous tous leurs angles, donnait occasionnellement des signes d'hésitations dans son soutien pour son favoris bien-aimé. Cette irrésolution systématique à Berlin renforça à l'inverse la détermination du ministre autrichien Schwarzenberg de fortement presser les Prussiens sur Hesse-Cassel. Le but de son ultimatum n'était pas d'entraîner l'Autriche dans une guerre avec la Prusse, mais de se débarrasser du « gouvernement radical » prussien, et d'atteindre un accord avec les conservateurs, avec qui l'Autriche pouvait sereinement partager le pouvoir en Allemagne. Les Autrichiens pouvaient encore, en d'autres termes, exploiter les divisions dans l'exécutif prussien, comme ils l'avaient fait dans les années 1830 et 1840.

L'antichambre est un problème qui sera uniquement résolu lorsqu'un puissant ministre-président réussira à la réprimer et à imposer son autorité sur le gouvernement. Otto von Manteuffel est-il cet homme ? Nul ne peut encore le dire, mais le ministre-président actuel a déjà ses dessins pour réduire l'influence de la kamarilla. En effet, Manteuffel conscient de la vulnérabilité du jeune gouvernement et de sa propre position face à l'Antichambre, obtient un ordre du cabinet par le roi le 22 janvier 1852 qui établie le ministre-président comme le seul intermédiaire pour les communications officielles entre le ministère et le monarque. Ce document majeur signale une tentative de réaliser enfin l'unité de l'administration que l'ancien ministre principal Hardenberg avait lutté pour accomplir dans les années 1810, mais il s'agit également d'une réponse au défis lancé par la révolution qui avait poussé le roi dans les bras de la kamarilla et par conséquent sapait la cohérence de l'exécutif suprême. Il reste à voir si cette nouvelle règle suffira à réduire le pouvoir de l'Antichambre et à confirmer celui du ministre-président.


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Le dirigisme à la prussienne — Acte I : 1852-1853

L'impulsion dirigiste : l'État reprend les rênes


La révolution a placé l'état prussien sur une nouvelle position fiscale. Parmi d'autres choses, la révolution a permis à l'administration de s'échapper des chaînes de la Loi sur l'endettement de l'Etat de Hardenberg, qui limitait les dépenses publiques dans l'ère de la Restauration. Comme un député du parlement prussien l'a déclaré en mars 1849, l'administration précédente avait « mesquinement refusé » de fournir les fonds nécessaires pour développer le pays lors de l'Union des Diètes en 1847. « Cependant », il ajouta, « nous nous tenons désormais côte à côte avec le gouvernement et nous approuverons toujours les fonds requis pour la promotion de transports améliorés et pour le soutien du commerce, de l'industrie, et de l’agriculture... » Le nouvel impôt sur le revenu introduis en 1851(dont la légitimité est perçue comme découlant du suffrage) n'aurait jamais été possible avant les événements de la révolution de mars.

A flot avec de nouveaux fonds, l'administration prussienne peut s'accorder en cette nouvelle décennie des montées substantielles dans les dépenses publiques sur des projets commerciaux et d'infrastructures, non seulement en termes absolus, mais aussi en relation avec la défense, qui avait traditionnellement absorbé la part du lion des budgets du gouvernement prussien. Le problème de prendre un crédit pour la Ligne de Prusse Orientale, qui avait contraint le gouvernement a appelé les Diètes Unies en 1847, est ainsi réglé par la nouvelle constitution ; 33 millions de thalers ont été approuvés en 1851 pour financer la ligne Frankfort-Königsberg, qui doit permettre de relier à terme la capitale orientale à la capitale politique, Berlin. Un premier emprunt de 16 M a été contracté l'année précédente. Le 18 juin 1852, le parlement vote un crédit supplémentaire de 17 millions de thalers pour compléter la somme estimée de 33 millions. La ligne est ainsi financée à 100% par l'état qui prend en charge le réseau ferré oriental du royaume.

En effet, cette libéralité inhabituelle est garantie par le nouvel accent mis sur le droit et l'obligation de l'état de déployer des fonds publiques pour l'objectif de la modernisation. De tels arguments bénéficient du climat convivial de la théorie économique allemande, qui a subis une réorientation pendant les décennies du mi-siècle, des positions strictement anti-étatiques de « l'école de libre-échange » allemande, on est passé vers une vision qui stipule que l'état a des objectifs macro-économiques à remplir qui ne peuvent être accomplis par des individus ou des groupes dans la société. Relié étroitement à cette approche holistique de la compétence économique de l'état, est une insistance sur le besoin de développer des mesures administratives en accord avec un plan global préconçu. Pendant la crise financière de 1846-1848, quelques libéraux prussiens prééminents avait demandé à l'état de prendre le contrôle de l'administration des voies ferrés du royaume et de les unir en un « tout organique ».

Mais c'est seulement récemment, au début de cette nouvelle décennie que le nouveau ministre des finances, Auguste von der Heydt, lui-même un banquier marchand libéral de Elberfeld, s'est convaincu de présider une « nationalisation » progressive du réseau ferroviaire prussien, motivé par la conviction que seul l'état est capable de garantir que le système résultant soit rationnel au regard de l'Etat dans son ensemble — les intérêts privés seuls ne peuvent suffire. Dans cette tâche, le ministre reçoit le soutien indéfectible de la chambre basse du parlement prussien. Le 18 avril 1853, une commission parlementaire pour le rail est formée pour conseiller le gouvernement, et elle exprime aussitôt la vision que « le transfert de tous les chemins de fer aux possessions de l'Etat doit demeurer l'objectif du gouvernement », et que les autorités doivent « s'efforcer de l'atteindre par tous les moyens à leur disposition ».

La même année, le gouvernement Manteuffel parvient à s'entendre avec la coalition sur la nécessité de lever plus de fonds pour poursuivre l'investissement dans le rail. Il est décidé le 20 décembre d'augmenter l'impôt sur le revenu de 1/16e, ainsi que divers impôts indirects pour ne pas pénaliser l’investissement et la production que l'on veut toujours croissants. Ainsi, la taxe sur le sel est augmentée de 1/12e, celle sur les timbres de 1/12e également, et enfin les taxes portant sur le café et le tabac voient quant à elles une croissance de 1/10e. L'état espère ici dégager plus de recettes pour un budget qui doit supporter les coûts du dirigisme à la prussienne.


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L'Ère Réactionnaire — Acte II : 1854-1856

Premier chapitre — Retour sur la vie politique prussienne


Suite aux événements de 48, la Prusse est maintenant — pour la première fois de son histoire — un État constitutionnel avec un parlement élu. Ce fait en lui-même a créé un point de départ entièrement nouveau pour les développements politiques dans le royaume. La constitution prussienne de 1848 avait été promulguée par la couronne, plutôt que rédigée par une assemblée élue. La chambre introuvable d'aout 1849 n'avait pas supprimé la liberté de la presse, mais elle avait institué un cautionnement dissuasif. Elle avait également créé un tribunal d'exception pour les délits politiques et avait dispensée les militaires de prêter serment à la Constitution. Toutes ces dispositions, ainsi que le système électoral des trois classes, avaient été incorporées dans la Constitution révisée du 31 janvier 1850. Cela n'avait pas empêché le roi d'assortir son nouveau serment de réserves formelles, « car en Prusse le roi doit gouverner ; et je gouverne non parce que tel est mon bon plaisir, mais parce que tel est l'ordre voulu par Dieu ». Le principe monarchique, énoncé en 1820 par la Confédération comme un impératif catégorique pour tous les États membres, avait donc été clairement réaffirmé en Prusse. Le gouvernement n'est donc pas exactement responsable devant les Chambres, même si les ministres peuvent être mis en accusation par celles-ci. Ils contresignent les décisions royales (sauf en matière religieuse et militaire), mais le souverain les nomme et les révoque à sa guise. On peut donc parler d'un « constitutionnalisme en trompe-l'œil ». Pourtant, les Chambres conservent un moyen d'action qui peut se révéler décisif, le vote du budget en cas d'augmentation des dépenses...

Malgré ces mesures, la constitution demeure populaire auprès de la grande majorité des libéraux et des conservateurs modérés. Les principaux journaux libéraux avaient accueilli favorablement la constitution et l’avaient même défendue contre ses détracteurs de gauche, au motif qu’elle incorporait la plupart de ce que les libéraux avaient exigé et qu’elle était donc « l’œuvre du peuple ». Le fait que le gouvernement eut rompu avec le principe libéral en la publiant sans sanction parlementaire avait été largement ignoré.

Si les partisans d'un mythique retour à une société d'ordres ont des raisons de se montrer déçus par l'adoption d'une Constitution, la noblesse, considérée globalement, consolide néanmoins ses positions durant ces années. Elle conserve une influence dominante dans les campagnes de la vieille Prusse où ses domaines servent de point d'appui à la progression du capitalisme agraire. Mais contrairement aux anciennes diètes provinciales d'avant mars, qui étaient dominées par les nobles régionaux, le nouveau système représentatif, centré sur le Landtag à Berlin, a eu pour effet d'élaguer progressivement la domination politique dans les zones rurales de l'ancienne classe des propriétaires fonciers et a ainsi modifié de manière durable l'équilibre des pouvoirs au sein de la société prussienne. Cet effet a été amplifié par la loi de commutation de 1850, qui a complété le travail commencé par les réformateurs agraires de l'époque napoléonienne et a finalement éliminé les juridictions patrimoniales dans les campagnes. Sans doute n'a-t-elle pas récupéré son pouvoir de justice, la noblesse a gardé, en revanche, une autre survivance féodale : le pouvoir de police sur ses terres. Tandis qu'elle renforce son emprise sur l'armée, elle continue d'occuper les principaux postes au sein de l'administration. Au total, le Junker demeure une figure centrale de la société prussienne, et sa mobilisation politique dans l'assemblée constituante en est une représentation.

Au fil des années qui ont suivi, la constitution est devenue « une partie de la vie publique prussienne ». A l'exception de quelques junkers extrémistes, la majorité de la société prussienne semble s'en être accommoder, à commencer par le roi Friedrich Wilhelm IV lui-même. De plus, la réticence des libéraux modérés de risquer un retour à l'affrontement ouvert et à la révolution d'une part, et la volonté du gouvernement de persévérer dans une politique de réforme d'autre part, avaient fourni en 50 la base d'une coalition gouvernementale de factions qui pouvait rassembler généralement une majorité dans la chambre basse, avant de s'unir juridiquement sous un même toit politique en 1851. Ceci offrit une stabilité politique qui légitima le nouveau régime aux yeux des Prussiens.

Au final, la loi des trois classes a assuré sans peine une majorité confortable aux conservateurs. Ceux-ci, toutefois, ne forment plus un bloc monolithique. En effet, dans ce cadre politique bien délimité, il y a place néanmoins, pour une certaine vie publique, dans la mesure où, le danger révolutionnaire écarté, le groupe conservateur s’est mis à manifester diverses nuances. On a vu s'affirmer peu à peu de véritables partis au début de la décennie : outre un embryon du parti catholique très gouvernemental autour du Rhénan Reichensperger, ce sont surtout deux familles d'esprit, dénommées en général d'après les journaux qui les expriment le mieux, le Kreuzzeitung et le Wochenblatt (l’Hebdomadaire).

La première de ces gazettes reflète l'opinion des légitimistes et réactionnaires, incarnée par le philosophe Stahl, théoricien de « l'État chrétien », l'historien Leo, et surtout les frères Gerlach, le très doctrinaire Ludwig (président de tribunal) et son frère Leopold, général et aide de camp du roi. Ce groupe, peu nombreux à la seconde Chambre, mais très représentatif de la noblesse rurale, inspire directement la « kamarilla » de l'entourage royal, au point de passer pour diriger un ministère occulte. Il exerce une forte influence sur le souverain, sans néanmoins le gouverner en toutes circonstances : dans la question allemande, Friedrich Wilhelm avait fait passer les intérêts bien compris de la Prusse avant le retour à l'ordre metternichien préconisé par ses amis pour des raisons idéologiques ; c'est également contre leur avis qu'il avait refusé de renier la Constitution. En revanche, il n’est pas insensible à leurs conceptions sociales qui, à partir d'un idéal préindustriel, tendent à légiférer en faveur des plus faibles — non sans l'arrière-pensée de les séparer de la bourgeoise libérale. De ce groupe sort un certain Otto von Bismarck, habile junker qui doit aux Gerlach les débuts de sa carrière, et notamment sa nomination à Francfort en 1851 ; mais son réalisme l'a récemment amené à s'éloigner de certaines de leurs positions.

Le parti du Wochenblatt, né en 1851 de la fusion des « libéraux modérés » et des conservateurs « progressistes » ou « libéraux-conservateurs » — l'aile gauche des conservateurs — qui avaient fait scission en 1851 après la réintroduction d'un système féodal en province, se veut plus pragmatique. Animé par le professeur Moritz August von Bethmann-Hollweg, Pourtalès et Robert von der Goltz, il peut accéder au roi par l'intermédiaire de son ami Bunsen, ambassadeur à Londres, mais il a aussi la sympathie et le soutien du prince héritier de Prusse et de son épouse, dont, depuis mars 1848, les positions se sont infléchies. Sans jamais verser dans le libéralisme, qui lui demeure étranger, le prince Wilhelm a tiré les leçons des événements qui se sont enchaînés du début de la Révolution jusqu'à Olmütz. En même temps qu'il désapprouve tout parti pris de complaisance envers l'Autriche, il tient pour dangereux d'ignorer l'opinion. Aussi sait-il gré à Manteuffel de résister aux pressions des « ultra réactionnaires » : « Ainsi que je l'ai reconnu à plusieurs reprises, lui avait-il écrit en avril 1853, vous vous êtes placé, en politique extérieure, sur une voie tout à fait correcte. Il en va de même dans les affaires intérieures, car vous avez identifié ce qu'il faut rejeter des excès de 1848 et retenir comme vérité de cette catastrophe. C'est pourquoi vous ne voulez pas pousser dans la législation intérieure jusqu'aux extrémités auxquelles aspire ce parti, petit, mais puissant, qui n'a rien appris ni rien oublié. »

Quant aux véritables libéraux, ils sont alors réduits au silence par le système électoral. Ceux qui n’ont pas émigré après l'échec de la révolution vivent dans la retraite, comme Vincke, ou redéployent leur énergie dans le domaine économique, à l'instar des industriels Mevissen et Hansemann, qui fondent respectivement la Banque de Darmstadt pour le Commerce et l'Industrie (1853), « banque prussienne hors de Prusse », et la Société d'escompte (1856). Les professeurs, eux, rongent leur frein, en attendant des temps meilleurs : quelques historiens préparent toutefois le terrain, par leurs écrits, à un nouvel élan unitaire, à l'image de Droysen, Duncker ou Sybel. Mais l'idéalisme utopique des quarante-huitards a fait place au réalisme politique théorisé par Rochau en 1853 dans son Grundsätze der Realpolitik.

Ces nuances ou différences idéologiques ne peuvent affecter cependant la conduite du gouvernement, aussi longtemps que le roi lui maintient sa confiance. Après la mort subite de Brandenburg en 1850, l'ère de la réaction est désormais incarnée par Otto von Manteuffel, qui a retrouvé une partie de l'autorité qu'avait détenu autrefois Hardenberg. « Pessimiste sceptique », « Schopenhauer de la politique », il dirige actuellement l'État en s'appuyant sur la bureaucratie —devenue entre-temps plus conservatrice, mais toujours réservée envers les aspirations nostalgiques de l'ordre patriarcal — et, se veut avant tout le conseiller pragmatique de son souverain, naviguant de manière pragmatique entre les ultras rassemblés autour de la Kreuzzeitung et le groupe plus modéré qui trouve son porte-parole dans le Wochenblatt. Il sait à merveille comment ignorer ou « interpréter » les articles les plus contraignants de la Constitution, et gouverner de façon autoritaire sans remettre en cause les principes. C’est ainsi qu’il rétablit un contrôle social étroit, à l'église, à l'école, dans l'administration. Les fonctionnaires et les magistrats mal-pensants sont écartés ou sanctionnés, afin d'éviter le renouvellement d'affronts comme l'acquittement de Jacoby en décembre 1849, tandis que la police militarisée devient omniprésente à Berlin… Manteuffel prouve être un inquisiteur redoutable envers les organes faibles hérités de la révolution qu’il peut étouffer, et un conciliateur habile avec les instances les plus retors. Sa politique dans les années 1854 à 1856 en forme la preuve accablante…


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L'Ère Réactionnaire — Acte II : 1854-1856

Second chapitre — Les contrastes de la réaction prussienne : entre répression et progrès


Les récits historiques des révolutions de 1848 à travers l'Europe se sont généralement terminés par une réflexion élégiaque sur l'échec de la révolution, le triomphe de la réaction, l'exécution, l'emprisonnement, la persécution ou l'exil d'activistes radicaux et les efforts concertés des administrations ultérieures pour effacer par la force le souvenir de l'insurrection. Il est de notoriété publique que la restauration de l'ordre en 1848-9 a marqué le début d'une ère de réaction en Prusse. Il y a en ce moment même un effort concerté pour effacer le souvenir de l'insurrection de la conscience publique. Les cérémonies en l'honneur des « défunts de mars » et les processions vers leurs tombes dans le cimetière du Friedrichshain à Berlin ont été par exemple strictement interdites en 1850.

L'entreprise de « réaction » est associée à un renforcement marqué de l'autorité de l'État. Il s'agit d'empêcher l'hydre de la Révolution de se reconstituer. Le phénomène prend diverses formes. Les libertés individuelles et collectives ont été réduites, voire démantelées dès 1849. Dans le but de couvrir la société d'un vaste réseau de surveillance, les pouvoirs de la police sont accrus en 1851. Les rigueurs d'une semi-censure s'exercent de nouveau sur la presse et, plus généralement, sur l'édition à partir de la même année. Pour avoir été les foyers des troubles révolutionnaires, les villes comptent parmi les cibles de cette politique de répression. En mai 1853, le gouvernement avait proposé l'adoption d'une loi réduisant les libertés municipales. Ce projet est finalement adopté au 1er janvier 1854. Manteuffel est clair sur ses positions : les villes doivent revenir sous un contrôle étroit de l'état pour prévenir tout débordement dans les émotions du peuple. Berlin la rebelle est soumise à une vigilance particulière. En s'établissant à Potsdam en 1849, Friedrich Wilhelm IV lui avait d'ailleurs clairement marqué sa disgrâce. La mission d'assurer l'ordre dans la capitale avait été confiée au terrible préfet de police Karl Ludwig Hinckeldey, qui s'en acquitte avec diligence et efficacité depuis, notamment en pourchassant les derniers révolutionnaires au nom de la « lutte contre la pègre ». Ce-dernier, avec l'accord de Manteuffel, décide en juin 1854 de consolider la police en élargissant ses effectifs et en étendant sa sphère de responsabilité  dans la ville. Il se donne pour objectif de moderniser Berlin à l'image de Paris, Londres et Vienne, tout en propageant son système de maintien de l'ordre dans les autres bourgs du royaume. Les villes de Rhénanie et de Westphalie sont cependant épargnées par ces mesures, en respect du code civil napoléonien qui fait fait toujours fis dans leurs frontières.

Une autre loi plus restrictive est adoptée en fin d'année. Le 12 octobre 1854, Sa Majesté Friedrich Wilhelm IV, sous l'impulsion de la Kamarilla, décrète la modification de recrutement de la première Chambre, rebaptisée « Chambre des seigneurs », le Herrenhaus. Celle-ci est composée désormais, tels des lords anglais, de pairs héréditaires et de membres nommés, plus aucun siège ne sera élu. Cette mesure renforce le pouvoir des Junkers qui se montrent extrêmement favorables par ce projet de loi mit en application dès le 1er janvier 1855 par la première ouverture de la Chambre réorganisée.


Pourtant, ce régime contemporain de l'Empire autoritaire en France ne ramène pas plus que lui les années de la Restauration. Le ministre-président est bien conscient qu'un retour stricto sensu en arrière serait impossible au vu des nouvelles forces politiques qui ont émergé avec les évènements de Mars. La reprise en main par Manteuffel s'accompagne alors de mesures sociales pour poursuivre la voie des réformes : limitation du travail des enfants pour les plus de 9 ans, interdis de travailler en dessous (loi sur les fabriques d'octobre 1854) , protection des artisans en février 1855 et encouragement aux premières sociétés de secours mutuel en mars de la même année. On consent des prêts bancaires aux paysans pour en terminer (en cinquante ans toute de même) avec le rachat de leurs terres : cette mesure permet aux anciens propriétaires d'accélérer la mobilisation de leurs créances, pour le plus grand profit de l'économie.

En revanche, on maintient la justice patrimoniale dans les rares districts où elle a survécu à la loi de commutation de 1850 : le souci de l'ordre passe avant tout. A Berlin, enfin, Hinckeldey ne se borne pas à réprimer comme expliqué précédemment, il s'attèle aussi à une œuvre de modernisation accélérée de 54 à 56 : création d'un corps de pompiers professionnels, développement de l'éclairage au gaz, construction d'un réseau de canalisations et d'assainissement par une société britannique, ouverture de soupes populaires et de bains publics. Il prépare également une réforme qui devrait permettre de doubler la superficie de la capitale pour y englober certains faubourgs déjà très urbanisés, comme l'a déjà fais Paris en 1852.


Finalement, l'ère de la réaction en Prusse se montre bien moins répressive que chez sa voisine, l'Autriche. Le néo-absolutisme est hors de propos pour le Landtag comme pour le cabinet ministériel, et le roi lui-même semble préférer son régime actuel qu'à un retour à l'ancien ordre. Cependant, la Kamarilla n'a pas finis de saper les travaux du ministre-président Manteuffel...


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L'Ère Réactionnaire — Acte II : 1854-1856

Troisième chapitre — La crise orientale, l'affaire des espions et la libéralisation de la presse


À court terme, l'ordonnance du cabinet de 1852 qui plaçait le ministre-président comme le seul fusible des communications formelles entre le ministère et le roi, n'a pas suffi à éliminer l'influence des courtisans, des intrigants et des favoris. Manteuffel souffre, comme tous ses prédécesseurs, du complot incessant des ultra-conservateurs qui se regroupent autour du roi. L'intrigue atteint son paroxysme en 1855, alors que la guerre du Danube, qui vient de se conclure, a divisé l'élite politique en factions occidentales et orientales habituelles. Les ultras, favorables à une alliance avec la Russie autocratique contre la France, ont tout fait pour déloger le roi de son engagement de neutralité.

Tout d’abord, la position de la Prusse dans la guerre d’Orient doit aussi, pour partie, s'interpréter à la lumière du débat allemand. Il n'était pas évident en 1853 que la Prusse s'engagerait activement dans ce conflit qui oppose, à partir de cette même année, le Second empire Français allié de l'Empire ottoman à la Russie. Elle n'est pas immédiatement concernée par les enjeux de cette guerre. Que les Détroits soient ou non fermés aux navires russes, que Saint-Pétersbourg étende son influence dans les Balkans n'affecterait pas directement ses intérêts. Face à cette guerre, les élites prussiennes se sont partagées en deux camps antagonistes. Les ultra-conservateurs prennent le parti de la Russie par solidarité idéologique. À l'inverse, le parti du Wochenblatt penche vers la France. Les choix du gouvernement prussien ne sont pourtant pas seulement dictés par des considérations de sympathie, mais par du réalisme politique.

Manteuffel, au grand désarroi du prince hériter Wilhelm et du député de Francfort Otto von Bismack, a décidé de prendre partie prenante pour la guerre en soutenant financièrement la Russie. Nul ne sait s’il a agi de son plein grès ou s’il a été mis sous la pression de la Kamarilla. Dans tous les cas, cette dernière ne s’est pas restreint la liberté d’influencer le roi sur le conflit en le convainquant de prendre les armes pour St-Pétersbourg. Il a fallu toute la force oratoire du ministre-président pour dissuader le monarque de déclarer la guerre à la France. Néanmoins, le ministre-président de Prusse a concédé aux crédits pour Nicolas Ier. La question de savoir si cette action était de sa propre initiative semble finalement résolue : il semblerait que Manteuffel ait voulu trouvé un compromis pour satisfaire Friedrich Wilhelm et la Kamarilla, sans risquer la sécurité des frontières du royaume. Ceci-dit, cette alliance avec la Russie lui a permis de sortir la Prusse de son isolationnisme depuis Olmutz et de renouer les liens avec la Troisième Rome.



Perturbé par ces machinations et incertain de la confiance du roi en lui-même, Manteuffel s’est tenu au courant de la situation tout au long de la guerre en employant un espion pour obtenir des copies de papiers confidentiels des appartements des principaux ultras, y compris le vénérable Léopold von Gerlach, servant toujours fidèlement son roi comme adjudant -général. Il y a alors un embarras profond quand l'espion en question, un ancien lieutenant du nom de Carl Techen, est arrêté par la police en ce mois d’avril 1855 et avoue sous l'interrogation qu'il les a achetés au nom du ministre-président. L’embarras s’aggrave encore lorsque l’une des lettres volées révèle que Gerlach a lui-même employé un espion pour surveiller le frère du roi, le prince Wilhelm, qui avait été considéré comme un puissant opposant à l’alliance russe. Ce « Watergate prussien » révèle que le problème de l’antichambre du pouvoir n’est pas résolu. L'exécutif central prussien demeure encore un assemblage lâche de lobbies regroupés autour du roi. L'ordonnance du cabinet de 1852 s’est prouvée être néanmoins un début important pour la consolidation du pouvoir exécutif, mais il faudra un homme déterminé et craint de tous pour finir de briser l’influence de la Kamarilla. Espérons que l’avenir se montrera clément et qu’un tel homme se manifestera le plus tôt possible.



Les années qui suivent les révolutions de 1848 voient également une renégociation des relations entre le gouvernement et son public. Les révolutions de 1848 ont déclenché une transition vers une gestion de la presse plus organisée, pragmatique et flexible que ne l'était la norme à l'époque de la Restauration. Une caractéristique centrale de cette transition a été l'abandon de la censure. La censure – dans le sens de la vérification des documents imprimés pour le contenu politique avant la publication – avait été un instrument important du pouvoir gouvernemental à l'époque de la Restauration et l'appel à son abolition était l'un des thèmes centraux de la dissidence libérale et radicale avant 1848. Au cours des révolutions, les régimes de censure à travers l'Allemagne avaient été démantelés et la liberté de la presse inscrite dans les lois et les constitutions. Certes, bon nombre des lois permissives sur la presse publiées en 1848 n'ont pas survécu au rétablissement de l'ordre de 49-50. En revanche, cela n'a pas impliqué – dans la plupart des États – un retour aux conditions d'avant mars. En Prusse, comme dans un certain nombre d'autres États allemands, la politique de presse est passée de la pré-censure encombrante des imprimés à la surveillance des groupes politiques qui les produisent. Une composante substantielle du programme libéral a ainsi survécu à la débâcle de la révolution.

Il s'agit d'un changement important, car le passage d'une politique préventive à une politique répressive a mis au grand jour les mesures gouvernementales. Les journaux et revues ne peuvent être sanctionnés qu’après avoir commencé à circuler, c’est-à-dire après que le « dommage », en quelque sorte, ait été fait. L'administration était donc de plus en plus pressée au courant de 1850 de trouver d'autres moyens moins directs d'influencer la presse. Dans le même temps, les divergences entre les autorités policières, le pouvoir judiciaire et les ministres responsables quant à ce qui constituait une déclaration imprimée illégale signifiaient que les efforts des premiers étaient souvent contrariés. Ce problème semble particulièrement prononcé au milieu du mandat du ministre-président von Manteuffel, qui est en désaccord avec le ministre de l'Intérieur extrêmement conservateur Ferdinand von Westphalen sur ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Le fait que tous les citoyens jouissent désormais du droit, au moins en théorie, d'exprimer leurs opinions sur papier a fourni la base pour tous ceux qui sont impliqués dans la production de lecture politique – libraires et journaux, éditeurs et rédacteurs en chef – d'assiéger les autorités avec des pétitions, des objections constitutionnelles et des procédures de recours. Dans de tels cas, les gouvernements se trouvent confrontés non seulement à un journaliste ou éditeur isolé, mais à tout le cercle de ceux qui soutiennent une revue spécifique.

En Prusse, comme dans la plupart des Etats européens, l'expansion de la presse politique et du public politisé de lecture qui avait eu lieu pendant la révolution s'est avérée irréversible. Le gouvernement s'est attaqué à ce problème en adoptant une approche plus souple et coordonnée pour façonner les attitudes du public. Ici comme dans tant d'autres domaines de l'innovation administrative, c'est l'expérience de la révolution qui a donné l'impulsion à la réforme. À l'été 1848, sous le gouvernement libéral du ministre-président Auerswald, l'administration prussienne avait créé un cabinet littéraire afin de coordonner une réponse officielle à la fois aux critiques de la politique libérale et à l'opposition anticonstitutionnelle plus fondamentale des anciens conservateurs et de leur orgue, la Neue Preussische Zeitung. Le premier cabinet littéraire s'était cependant effondré en novembre 1848 après le changement de gouvernement, mais il avait été reconstitué sous Otto von Manteuffel le mois suivant, et ses activités se sont progressivement élargies ces dernières années pour englober le placement stratégique d'articles favorables au gouvernement dans des revues clés et l'achat d'un journal semi-officiel, la Deutsche Reform, qui soutiendrait la ligne du Cabinet tout en conservant l'apparence et la crédibilité d'une publication indépendante. Le 23 décembre 1850, la coordination de la politique de presse avait enfin été dotée d'une base institutionnelle sûre au sein de l'Agence centrale des affaires de presse (Zentralstelle für Pressangelegenheiten). Les responsabilités de l’agence comprennent l’administration des fonds réservés aux fins de subventionner la presse, la supervision des journaux subventionnés et l’établissement de « relations » avec les journaux nationaux et étrangers. La Zentralstelle s’est mise également à diriger son propre journal, Die Zeit, qui est désormais connu pour ses attaques fulgurantes contre les principaux porte-parole du camp conservateur, dont Otto von Bismarck, le piétiste Hans Hugo von Kleist-Retzow et même le ministre de l'Intérieur Westphalen lui-même.

En aout 1855, Manteuffel pense alors qu'il est temps d'aller au-delà de la relation traditionnellement conflictuelle entre la presse et le gouvernement qui était la norme avant 1848. L'administration n'entrerait pas directement dans le débat politique, mais par le biais de son agence de presse elle inaugurerait « un échange organique [Wechselwirkung] entre tous les bras de l'Etat et la presse » ; elle travaillerait de manière proactive pour établir à l'avance la bonne attitude à l'égard de l'activité gouvernementale. Le gouvernement s'appuierait sur des sources privilégiées au sein des différents ministères pour diffuser des informations concernant la vie de l'Etat et les événements importants à l'étranger. Au début des années 1850, l'Agence centrale a donc réussi à constituer un réseau de contacts qui a pénétré profondément dans la presse provinciale. Les éditeurs coopératifs devraient alors recevoir alors des informations ou un financement privilégiés. Dans les mois qui suivent cette décision, de nombreux journaux locaux deviennent financièrement dépendants des divers avantages liés à l'adhésion au système: frais pour les annonces officielles, subventions, abonnements ministériels en bloc, etc.

L’innovation de Manteuffel marque ainsi le passage d’un système basé sur le filtrage du matériel de presse à travers un lourd appareil de censure, à une méthode plus nuancée de gestion de l’information. Tout cela est un témoignage convaincant de l'irréversibilité des changements opérés par 1848. «Chaque siècle a vu de nouveaux pouvoirs culturels entrer dans la sphère de la vie traditionnelle, pouvoirs qui ne devaient pas être détruits mais incorporés [verarbeitet] », avait écrit Manteuffel en Juillet 1851. « Notre génération reconnaît la presse comme une telle puissance. Son importance a grandi avec la participation élargie du peuple aux affaires publiques, une participation qui est en partie exprimée, en partie nourrie et dirigée par la presse. » Parmi les personnes chargées de débourser l’argent de Manteuffel aux sympathiques journalistes et rédacteurs de journaux, se démarque nul autre qu'Otto von Bismarck, qui rappelons-le, a pris ses fonctions de représentant de la Prusse à la Diète confédérale en 1851.



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La diplomatie Manteuffel — Acte II : 1854- 1856


La guerre d'Orient a bouleversé l'équilibre en Europe. Alors que les armées russes s'engouffrent en Bulgarie pour être finalement terrassées dans les bois de Karakuz le 4 mai 1854, Otto Théodore von Manteuffel s'applique à étendre les relations diplomatiques de la Prusse avec ses voisins. Une semaine après la débâcle russe, le ministre président rencontre le chef du cabinet de Vienne, Karl Buol, pour discuter d'une prolongation de l'alliance défensive conclue en 1851. Les deux hommes, soucieux de la remontée en puissance de la France, décident d'emboiter le pas vers un soutien plus fraternel entre les deux états germaniques, pour prévenir la fièvre napoléonienne qui semble s'être emparée de Paris. Craintif d'une intervention française en Allemagne, les deux états se sont jurés défense, mais aussi soutien offensifs, si la nécessité de prendre l'initiative s'impose. Un nouveau traité d'alliance est donc signée pour une durée de 3 ans, il prendra fin le 11 mai 1857. Sans pour autant grimacer ouvertement Paris et lui fermer les volets de la discussion, la Prusse semble se méfier des intentions françaises. Le député prussien à la diète confédérale, Otto von Bismarck, a quant à lui vivement critiqué l'Autriche pour ses mesures jugées "agressives", sapant de ce fait le travail du ministre président à Berlin. Ce-dernier semble envisager de démettre le junker de ses fonctions, mais il est vivement découragé par l'aristocratie militaire et surtout par la prince hériter Wilhelm.
Dans le même chemin, Manteuffel a répondu favorablement aux avances autrichiennes pour conclure un traité commercial entre le royaume de Prusse et l'empire d'Autriche. Insistant cependant sur l'impossibilité immédiate pour le Zollverein d'accueillir Vienne en son sein, le ministre-président accepte de conclure ce traité, mais uniquement au nom de la Prusse. Il en va aux autres membres de décider s'ils veulent ajouter leur plume à ce traité lors de la conférence annuelle de l'Union de 1856 à Berlin. Une réponse sur l'issue du débat sera alors administrée au plus vite à l'Autriche.

Spoiler:

Parallèlement à ce resserrement des liens qui unissent Vienne et Berlin, Manteuffel s'avise à améliorer les échanges avec un autre voisin direct, à savoir le Royaume des Pays-Bas. Après d'âpres discussions sur les différentes souches du café des indes orientales néerlandaises, avec son interlocuteur, le ministre-président de Prusse propose des engagements commerciaux des plus intéressants au premier ministre hollandais Floris Adriann van Hall. Les deux hommes conviennent finalement à ce que :

- Le Royaume des Pays-Bas baisse ses douanes sur l'importation de machines-outils et de charbon prussien à 10%
- Le Royaume de Prusse s'engage à négocier la baisse des tarifs de l'Union douanière auprès des états membres du Zollverein sur le café et les épices hollandais.
- Le Royaume de Prusse et le Royaume des Pays-Bas mettent en œuvre la réalisation d'une ligne ferroviaire commune à travers leurs frontières. Celle-ci passera par les villes suivantes : Aachen (PRU), Maastricht (HOL), Roermond (HOL), Venloo (HOL), Kempen (PRU), Krefeld (PRU), Duisbourg (PRU), Essen (PRU), Wessel (PRU), Rees (PRU), Emmerich am Rhein (PRU) et enfin Arnhem (HOL). Elle sera financée à hauteur de 49% par les privés hollandais et prussiens, et 51% par les deux états proportionnellement au km de rails posés sur leur sol. Cependant, reconnaissant les difficultés financières d'Amsterdam, Berlin s'engage à garantir les risques du projet, et à soutenir financièrement si besoin les Pays-Bas de la manière suivante : Sur les 51% financés par les deux états, au-delà du barème de proportionnalité d'investissement, la Prusse financera 60.8% et les Pays-Bas 39,2% du capital estimé pour les gouvernements, soit au total, 49% pour les privés, 31% pour la Prusse et 20% pour les Pays-Bas. La clause de proportionnalité est maintenue, bien que remise en cause par cette dernière mesure, au quel cas, la méthode de financement se fera selon la prospérité des affaires et les capacités du gouvernement hollandais à assumer le projet.

Spoiler:

- Le Royaume de Prusse et le Royaume des Pays-Bas s'accordent sur l'entente cordiale entre leurs deux nations (des formalités).

Suivant cette entrevue de mars 1855, Manteuffel rencontre au mois de mai l'ambassadeur d'Egypte. Ce-dernier affirme que son gouvernement souhaiterait poursuivre la modernisation enclenchée sous son ancien souverain Méhémet Ali. Hésitant sur la marche à prendre, Manteuffel garantie à l'ambassadeur de le revoir bientôt. Pendant ce temps, il prend contacte avec la Sublime Porte lui faisait part des propositions égyptiennes de moderniser l'armée sur le modèle prussien, d'importer machines-outils et armes de nationalités prussiennes. La Porte, guère inquiète par les projets de son vilayet, encourage l'entretien de telles relations, et offre ainsi sa bénédiction au gouvernement prussien pour nouer un traité avec l'Egypte. Ainsi, après avoir retrouvé l'ambassadeur égyptien à Berlin, Manteuffel signe les accords suivants :

- L'Egypte passe la commande de 50'000 fusils à canon lisse de marque Potsdam 1831, ainsi que de 22 canons des fourneaux de Berlin.
- La Prusse détache une mission militaire visant à former les officiers égyptiens aux pratiques prussiennes regardant l'art de la guerre et du commandement, sous la direction de l'officier Eduard Vogel von Falckenstein, pour une durée de 5 ans.
- L'Egypte abaisse ses douanes sur l'importation de machines outils du secteur de la filature à 10%.
- La Prusse s'engage à pétitionner le Zollverein pour une baisse sur les tarifs douaniers concernant le coton égyptien.

Cela fait, le ministre président s'entretient avec le légat du royaume de Piémont-Sardaigne en aout de la même année. Les deux hommes s'échangent quelques bribes sur le contexte géopolitique de la péninsule italienne avant de parler affaires. Souhaitant pénétrer la marché italien, et offrir des débouchés pour les compagnies ferroviaires prussiennes bloquées par l'intransigeance du ministre du commerce von der Heydt, Manteuffel parvient à négocier le traité ci-dessous :

- Le royaume de Piémont abaisse ses douanes sur l'import de machines-outils prussiennes à 10%.
- Le Royaume de Prusse s'engage à proposer aux états membres de l'Union douanière une révision sur les tarifs d'importation du vin et de la soie sarde.
- Le royaume de Piémont ouvre à hauteur de 30% du capital la ligne de chemin de fer projetée Gènes-Turin aux investisseurs prussiens.


Finalement, la dernière négociation étrangère se tient en avril 1856, à l'aube du jeune état roumain unifié. Le jeune prince Cuza de Bucarest, désireux de faire ses marques sur la scène européenne, contacte la chancellerie de Berlin pour négocier des accords diplomatiques et commerciaux. Préférant sonder ses homologues autrichiens avant toute chose, Manteuffel reçoit un avis mitigé de Vienne sur la question. Voulant alors éviter de brouiller ses relations avec la cour des Habsbourg, il reste prudent sur les clauses discutées avec l'ambassadeur roumain. En fin de compte, les deux hommes parviennent à un accord qui stipule les articles suivants :

- Les Principautés unies de Moldavie et Valachie baissent leurs douanes d'importation sur les machines-outils prussiennes à 8% pour les 4 prochaines années.
- Le Royaume de Prusse s'engage à pétitionner le Zollverein pour baisser les tarifs sur l'importation de blé et de bétail roumain pour une durée équivalente.
- Le Royaume de Prusse détache une mission militaire visant à former les officiers roumains aux pratiques prussiennes regardant l'art de la guerre et du commandement, sous la direction de l'officier Karl Friedrich von Steinmetz, pour une durée de 5 ans.
- Le Royaume de Prusse garantir la formation d'un corps de professeurs d'économie, d'industriels, d'éducateurs scolaires et de fonctionnaires pour soutenir le jeune état roumain dans ses démarches de réorganisation et planification économique, industrielle et scolaire.


Fort de tous ces accords, le ministre-président Otto von Manteuffel apparaît satisfait de la tournure que prend la position prussienne dans la cour européenne. Cependant, un déchaînement de violence dans les cantons voisins de Suisse à la fin de l'année renverseraient rapidement tous les efforts du chef prussien, et iraient jusqu'à mettre en péril sa propre position...



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Le dirigisme à la prussienne — Acte II : 1854-1856

Premier chapitre — Le système ferroviaire Heydt


À la fin de 1852, le gouvernement possédait 912 kilomètres de voies ferrées et administrait 332 kilomètres supplémentaires de voies ferrées privées. Les 2 113 kilomètres de chemin de fer privé exploité indépendamment éclipsaient le système public (63 contre 37 pour cent), mais c'était, d'après tous les calculs, un début formidable. Le ministère du Commerce avait fait bon usage de cette période de reprise après la Révolution de 1848 pour faire de l'État une puissance ferroviaire. D’autres lignes ont vu le jour entre 1852 et 54, à commencer par la grande ligne publique de Prusse Orientale, tandis que le ministre du Commerce poursuivait son implacable politique de nationalisation.

Désireux d’étendre le contrôle étatique sur les chemins de fer du royaume, le ministère du Commerce, sous l’égide de son redoutable ministre von der Heydt, prévoit une semaine après le vote du budget de 1854, un grand programme interventionniste pour prendre le contrôle d’un secteur qui draine une majorité des capitaux et stimule la croissance des autres pans de l’économie prussienne. Si le ministre propose au début un plan d’étroite surveillance, de prise de contrôle arbitraire, de taxation contreproductive pour les compagnies privées – au point de diminuer l’accroissement de leur capital et donc la croissance – dans le seul but de consolider l’emprise de l’état sur le chemin de fer et d’augmenter le kilométrage ferroviaire public, son supérieur, Manteuffel, pose immédiatement un veto à ses projets. Le ministre-président, conscient des intentions de son ministre de nationaliser tout le secteur ferroviaire prussien aux dépens des privés et de la croissance du capital et du kilométrage du rail, demande une révision sous sa supervision conjuguée avec la Banque de Prusse sur le projet de loi.
:

Il est ainsi décider entre le 7 et 26 janvier 1854, la levée de nouveaux fonds via des taxes, des bons du trésor, des obligations et actions dans le but de financer de grandes lignes étatiques ignorées par les privés, ou parsemées de lignes incomplètes, et de nationaliser uniquement les lignes jugées non rentables par leurs actionnaires, et les compagnies en liquidation. Le projet vise à garantir d’ici 1860, non pas 5900 km de rails comme l’envisageait le premier projet ultra étatiste du ministre du Commerce, mais bien 7200 km, en permettant au secteur privé de poursuivre librement ses investissements et ses projets, ce que Heydt comptait nuire via des restrictions très sévères sur la distribution des chartes (il prévoyait d’en attribuer que deux pour le restant de la décennie, et de refuser les dizaines d’autres pétitions).

Pour commencer, le ministère du Commerce met de nouvelles recettes au travail pour accélérer son plan de nationalisation. La Chambre des députés impose la taxe ferroviaire, une disposition de la loi de 1838 qui n'avait jamais été mise en œuvre en raison des crises économiques du milieu des années quarante. Le prélèvement se doit d'être progressif et drainer plus de 5% des bénéfices des compagnies de chemin de fer privées qui ont emprunté à l'État. Ces dividendes supplémentaires doivent ensuite être versés dans un fonds contrôlé par le ministère du Commerce et exclusivement destiné à la nationalisation des chemins de fer considérés comme non-rentables par leurs propriétaires, sans oublier les compagnies en liquidation/faillite, par achat progressif d'actions. Ainsi, une partie des bénéfices des chemins de fer privés doit financer leur propre disparition éventuelle… ironique pourrait-on dire, mais le ministère a insisté sur la nationalisation des lignes déficitaires et des compagnies en liquidation uniquement. Sur le long terme, cette mesure devrait donc se montrer plus rentable aux compagnies privées que si elles avaient conservé ces chemins de fer à perte.

Ensuite, L'État lève trente millions de thalers par le biais d'obligations d'État, dix millions par des bons du Trésor tirés sur les garanties des domaines de l'État et dix millions de « billets de chemin de fer [Eisenbahn scheine] » qui circuleraient en bourse. Au total cinquante millions de thalers qui doivent servir à financer deux autres grands projets ferroviaires publics, à savoir les lignes reliant la Westphalie à Berlin, et les lignes de Poméranie. Le surplus doit être réinjecté dans le fonds de nationalisation et dans la rénovation de lignes vieillissantes, ce qui restera des obligations en 1860 sera utilisé pour les futurs plans économiques de l'État.

Ci présent, une carte des projets ferroviaires entre 1852 et 1856. En vert les lignes déjà construites en 1852, en rouge les lignes financées par l’état (Prusse orientale, Westphalie-Berlin, Poméranie), en bleu les chartes pétitionnées par les privés qui leur ont été attribuées. On estime la finalisation de l'ensemble des lignes projetées entre 52 et 56 pour 1861 au plus tard.


Spoiler:



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Second chapitre — La politique du charbon et de l'acier


Bénie par un véritable boom dans la production de charbon et de fer, la Prusse est devenue au début de la décennie le premier producteur dans ces deux ressources sur le sol continental. Contraintes par des lois interventionnistes cependant, les mines de charbon en Prusse, surtout présentes dans la vallée de la Ruhr, de la Sarre et en Silésie, étouffent. Leur croissance, bien que supérieure à la moyenne européenne, n'est pas aussi forte qu'escomptée. Le gouvernement, qui jusqu'ici possédait ses propres mines et imposait de sévères restrictions sur les mines privées, décide un mois après l'adoption du système Heydt, de réviser sa politique vis-à-vis de ces secteurs clés de l'économie prussienne.

Tout d'abord, l'abrogation des lois contraignantes sur les mines de charbon. On garantit de plus amples libertés aux industriels de la houille, notamment en ce qui concerne les obligations et les plafonds de capitaux. Les limites fixées dix ans plus tôt sont purement abolies, il ne convient plus de contrôler le développement des compagnies charbonnières. Par ailleurs, l'état entame la privatisation de ses mines. Incapable d'investir à son plein potentiel, l'État préfère miser sur l'apport de capitaux par les particuliers. La somme récoltée de la mise en vente de parts, partielles ou complètes, de la valeur de ses mines sera réinvestie dans la projet expliqué plus bas.

En ce qui concerne les mines de fer privées, elles jouissent d'une libéralisation similaire. Les mines d'État sont privatisés sur le modèles des mines de charbon, et les bénéfices tirées sont réinvestis de la même façon.

Pour les hauts fourneaux, les forges et les fonderies, ces-derniers sont particulièrement touchés par les nouvelles mesures. Comme pour les mines de charbon, on abolit les restrictions autant économiques que juridiques qui gangrènent l'appareil d'état autant que la prospérité des compagnies, et on finit de privatiser les dernières industries. Comme le dit Manteuffel: «La Prusse se doit d'agir comme un État bureaucratique, reposant sur des institutions définies et appliquant des politiques économiques d'intérêt national. Elle n'a plus être dirigée comme une propriété foncière de la noblesse.»

Afin de palier à la demande explosive en Allemagne et au-delà grâce aux traités conduis par la diplomatie Manteuffel, l'État décide également d'adopter une politique subventionniste pour soutenir ses entreprises. Grâce à l'augmentation des recettes par les mesures d'imposition de 1852-53, et par les fonds récupérés de la privatisation des mines et des industries, le Landtag vote le versement de 3 millions de thalers annuels pour subventionner les compagnies de l'industrie lourde, à savoir la houille et l'acier (mines de charbons, de fer, haut fourneaux, coke, fours, fonderies), c'est la limite que l'état peut se permettre actuellement, sans verser dans le déficit. De plus, il convient d'accorder des allègements fiscaux de 1/6e pour les compagnies de plus de 10 ans, de 1/2e pour les compagnies vielles de 5 à 10 ans, et à exempter d'impôts les sociétés naissantes qui ont une ancienneté inférieure à 5 ans inclus. Ces subventions devraient par ailleurs aider les industries sidérurgiques à adopter rapidement le procédé Bessemer. Cette politique doit s'appliquer jusqu'en 1860, date à laquelle, en fonction de l'évolution de la croissance de ces secteurs, l'État avisera sur la politique à suivre.

Heydt et Manteuffel insistent sur une politique commerciale dirigée vers le Zollverein avant tout. L'Allemagne est le meilleur marché vers lequel exporter, se détourner du domicile pour regarder à l'horizon serait une grave erreur selon eux. En effet, la Germanie, vivant la plus grosse explosion industrielle, concentre une demande insatiable. Bien qu'auto-suffisante désormais dans la production de blé, de coton, d'houille et de fer, la Prusse ne doit pas se laisser tenter par une politique d'exportation massive comme ses voisins s'empruntent à le faire. Si ces-derniers préfèrent alimenter les marchés étrangers plutôt que dynamiser le leur en plein essor, soit, mais la Prusse, elle, se concentrera sur son marché intérieur en priorité, et exportera ensuite à l'étranger ce qu'elle n'a pas déjà vendu sur son sol et dans le Zollverein (exception faite pour le charbon exporté en Hollande, pays limitrophe et connecté par des projets ferroviaires). Il en va de même pour les équipements ferroviaires et sidérurgiques, notamment les convertisseurs Bessemer qu'on veut à tout pris importer dans toutes les industries prussiennes. En revanche, l'exception est faite pour les machines-outils, qui croulent en abondance sur le marché prussien au point de casser les prix sous un seuil dangereux pour la concurrence. Ces-dernières doivent s'exporter dans les pays qui en ont fait la demande pour remonter les prix et rentabiliser leur production.


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Troisième chapitre — La révolution du crédit en Prusse


Durant la décennie, l'investissement industriel progresse en moyenne de 10%, facilité par la création de banques d'affaires qui mobilisent les capitaux dormants. L'abondance de métal liée aux découvertes d'or californien permet à la Banque de Prusse de doubler largement la circulation monétaire pour accompagner le développement sans augmenter les taux d'intérêts, qui demeurent fixés à 3%.

D'un autre côté, les termes implicites du règlement post-révolutionnaire exigent également que l'État prenne parfois du recul et honore l'autonomie du secteur des affaires. C’est ce qui se produit en mai 1856, lorsque les conservateurs au sein du cabinet tentent de mettre un terme à la prolifération des banques «commandites» dans le Royaume de Prusse. Ces banques sont essentiellement des véhicules d’investissement privés utilisés par les entreprises pour contourner la réticence persistante du gouvernement à affréter des banques par actions. Les conservateurs (y compris le roi lui-même) considèrent ces institutions comme des innovations françaises douteuses qui encourageraient des spéculations à haut risque et déstabiliseraient l'ordre social. Le 2 mai 1856, le cabinet rédige donc un projet de décret interdisant la formation de banques commandites. Manteuffel, approché par des hommes d'affaires de premier plan, parvient cependant à bloquer cette initiative et le gouvernement renonce progressivement à son pouvoir de contrôler le flux de crédit vers les institutions financières. Même dans les industries du charbon et du fer, qui étaient traditionnellement soumises à une étroite surveillance gouvernementale, les entrepreneurs ont réussi à négocier un assouplissement des contrôles de l'État, comme l'en témoigne la politique du charbon et de l'acier

Cependant, Manteuffel, conservateur social, mais libéral économique assumé, et doté de relations très étroites avec le monde de la finance, décide d'exploiter sa victoire dans les semaines qui suivent. En effet, sous la pression du monde des affaires prussien, le ministre-président, impressionné par les résultats des réformes financières en France, décide de reproduire le modèle bonapartiste. Cependant, il lui faut d'abord convaincre un roi et une assemblée qui se sont récemment montrés des plus réservés sur ce sujet. Réalisant alors son aura politique depuis le début de ses succès diplomatiques, et sa conciliation avec la Kamarilla et le roi sur la crise orientale, Manteuffel se pense en mesure d'effectuer un coup de poker pour faire passer de gré ou de force la révolution du crédit prussien sur le modèle français. Il propose son projet de loi au Landtag, qui le refuse évidemment, mais le met à caution pour un second vote décisif. Manteuffel en profite alors pour menacer le roi de démission si ce-dernier refuse de soutenir ses réformes. Devant cette impasse, Friedrich Wilhelm IV, ne souhaitant aucunement une crise politique couplée à de nouvelles élections générales, plie aux exigences de son ministre de menacer l'assemblée de fermeture de session et de tenure de nouvelles élections, qui seraient à n'en pas douter profitables aux libéraux, si celle-ci refuse d'approuver le projet de loi du ministre-président. Contrainte, le Landtag concède aux réformes financières de Manteuffel, bien qu'elle ne masque pas sa fureur sur ce tour de passe passe peu constitutionnel.

Ainsi est voté le 12 juin 1856, la réforme du crédit prussien, qui concerne la création de nouvelles petites obligations pour petits porteurs, la révision du taux de l'escompte de la Banque de Prusse conjuguée à une politique de succursales sur tout le royaume et la libéralisation des banques commandites par actions, avec concession de chartes et rapatriement des banques prussiennes "hors de Prusse", qui jusqu'ici opéraient depuis l'étranger pour esquiver les mesures conservatrices de l'État sur les banques. Concrètement, le projet de loi impliques les articles suivants :

Création de Sociétés de crédit, qui se traduit par la concession de chartes privées pour un Crédit mobilier, un Crédit foncier et un Crédit agricole.

- Le Immobilienkredit (Crédit mobilier) disposera des innombrables comptes courants des Prussiens, il émettra des obligations pour petits porteurs de l'ordre de 133 thalers (500 francs) dans l'objectif de soutenir le développement de l'industrie et le financement de travaux publics.
- Le Landkredit (Crédit foncier) accordera des prêts hypothécaires à l'image des banques hypothécaires allemandes instituées à la fin du xviiie siècle. Le statut de société de crédit foncier de l'établissement se caractérise par un mécanisme de prêts hypothécaires amortissables à long terme adossés à un financement obligataire.
- Le Agrarkredit (Crédit agricole) accordera des prêts sans hypothèques mais destinés aux agriculteurs les plus défavorisés, qui s'ajoute ainsi aux prêts bancaires consentis aux paysans en 1854.

Assouplissement et libéralisation des actions à la bourse et des compétences de la Banque de Prusse.

- Favorisation d'une faible imposition sur les profits des investisseurs individuelles pour favoriser et assurer la confiance des investisseurs dans les actions des sociétés quottées à Berlin.
- Le taux directeur de la Banque de Prusse doit être maintenu à une hauteur convenable pour accéder à la bourse, ainsi le taux de 3% actuel se doit d'être sauvegardé.
- Application d'une loi portant prorogation du privilège permettant aux régents de la Banque de Prusse, si les circonstances l'exigent, d’élever au-dessus de 6 % le taux de ses escomptes et l’intérêt de ses avances. Ainsi la banque doit mener résolument une politique de mobilité du taux de l’escompte pour contrôler les déplacements des capitaux. En même temps elle influera par ses décisions sur le comportement des autres banques, tendant ainsi à devenir une véritable banque centrale, pivot de tout système de crédit.
- L'État impose la création de succursales de la Banque de Prusse dans toutes les villes manufacturières, même dans des comtés qui en sont déjà pourvus. Elles devront s'établir sur des terrains bon marchés et permettre aux notables locaux d'acheter les quatre actions requises à l'établissement en échange d'un poste d'administrateur dans la succursale. L'ouverture d'une succursale de la Banque de Prusse doit fournir régulièrement des crédits abondants, provoquer en moyenne l’abaissement du prix de l’argent, procéder à l’encaissement gratuit des effets de commerce sur la place, et rendre « bancables », dont plus aisément négociables, les effets de commerce créés par les fabricants du cru pour payer leurs fournisseurs, dans l'objectif final de favoriser le développement économique des villes.


Ce grand projet de révolution du crédit en Prusse s'annonce comme le pinacle du mandat Manteuffel. Une brillante victoire du ministre-président sur les conservateurs trop réfracteurs de la Chambre. Le ministre innove même par rapport à son voisin français en ce qui concerne les compétences de la Banque de Prusse sur les taux de l'escompte. Manteuffel doit cependant veiller à ne plus trop froisser l'Assemblée et le monarque pour les mois restants de 1856 s'il veut s'éviter des ennuis, cette victoire est une humiliation pour Friedrich Wilhelm IV et la Kamarilla. Le moindre faux pas pourrait coûter cher au ministre-président de Prusse.



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La Crise de Neuchâtel — 2 - 3 septembre 1856


Depuis le Congrès de Vienne de 1815, la Principauté de Neuchâtel avait un double rôle particulier : d'une part elle appartenait à la Confédération suisse comme canton, d'autre part, elle était de 1707 à 1806 et de nouveau depuis 1814, une principauté souveraine avec la Prusse en union personnelle liée. Dans l'année révolutionnaire de 1848 , les Montagnards démocrates radicaux , qui trouvèrent des soutiens surtout dans le Jura suisse, renversèrent le gouvernement conservateur et proclamèrent la république le 1er mars 1848.

Jusqu'ici, le roi Friedrich Wilhelm IV n'avait exprimé qu'un mécontentement purement symbolique sur la situation. La Prusse, et plus globalement l'Allemagne, elles-mêmes embourbées dans les flammes de la révolution, n'avaient donc pu réagir au soulèvement de Neuchâtel en 1848, et lorsque que la paix fut rétablie dans la Confédération, les instances républicaines des radicaux à Neuchâtel étaient déjà bien établies. Il était alors vu comme absurde d'intervenir en 1850, deux ans après les faits, mais le roi de Prusse n'avait aucunement abandonné ses revendications.

Cependant, du 2 au 3 septembre 1856, les royalistes à Neuchâtel profitent des divergences survenues au sein du Parti radical, jusqu'alors en règle, et d'un résultat électoral qui leur paraît favorable. Ils entreprennent un coup d'Etat contre-révolutionnaire qui est malheureusement écrasé par les troupes du Parti radical et fédérales suisses. Plusieurs centaines de royalistes ont été capturés et sont désormais menacés de la peine de mort .

Aussitôt à Berlin, la nouvelle fait l'effet d'une bombe. Les frères Gerlach ne peuvent s'empêcher de s'insurger devant le ministre-président Otto von Manteuffel lorsque celui-ci propose de rester neutre. Le roi, encore une fois influencé par ses amis ultra réactionnaires semble-t-il, prend cependant le parti des Gerlach et de la Kamarilla, et exige de son ministre une réaction « appropriée pour les agents du chaos qui ont saccagé ma ville en 1848, et meurtris mes loyaux sujets quelques jours plus tôt. » Manteuffel, est dans une impasse. Il l'a déjà irrité lorsqu'il l'a contraint à forcer le vote de ses projets de réformes sur le crédit, une véritable humiliations pour les ultra conservateurs et le souverain, rappelons-le. Le roi se montre donc — légitimement peut-être — menaçant au point de sous-entendre une potentielle démission pour son ministre... Craignant pour sa position et surtout d'être remplacé par les dangereux Gerlach, Manteuffel décide d'obtempérer et de commettre l'impensable.

Le 9 septembre 1856, le gouvernement de Sa Majesté le roi Friedrich Wilhelm IV de Prusse envoie une missive des plus cinglantes au gouvernement fédéral suisse et aux usurpateurs radicaux qui occupent Neuchâtel : la libération immédiate des rebelles, leur amnistie, une indemnité versée pour les familles des défunts et pour tous les hommes qui ont été injustement arrêtés, et une convention avec le gouvernement suisse pour renégocier le statut de Neuchâtel au sein de la fédération suisse. Si le gouvernement fédéral et les usurpateurs radicaux n'obtempèrent pas, la Prusse menace de déclarer la guerre.

Au même moment, l'ordre général de mobiliser l'armée régulière et la Landwehr, soit toute l'armée, est donné. La Prusse se tient prête si la Suisse refuse les conditions de son ultimatum.


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L'aigle noir s'en retourne à son nid... sans le baron —  octobre à décembre 1856


Coup de tonnerre ! L'opprobre, la honte frappent encore une fois le Royaume de Prusse. Alors que les armées de la monarchie des Hohenzollern se mobilisent et se rassemblent en Rhénanie, le voisin d'outre-Rhin intervient ! Pire, il est rejoint par celui d'outre-mer ! En effet, devant la menace d'une guerre européenne en plein cœur du continent, l'Empire français et le Royaume-Uni ont exprimé leurs profondes inquiétudes sur la tournure des évènements prise par le baron de Manteuffel. Le ministre-président de Prusse, au pied du mur dans son propre pays, n'a eu d'autre choix que de se plier aux exigences de la Kamarilla et d'un roi persuadé en ses droits divins. Que pouvait-il faire d'autre ? Rien, rien qui n'aurait compromis sa position.

C'est alors que quelques jours après l'annonce de la mobilisation et de l'ultimatum envoyé à la Confédération suisse, on apprend à Berlin que cette-dernière refuse les termes prussiens et ordonne la mobilisation de ses propres forces. Aux portes de la guerre, la Prusse est prête à déferler sur Genève, mais c'est sans compter l'opinion de l'empereur des Français Napoléon III. Ce-dernier lance un appel au calme et aux pourparlers. Pourparlers ? Ce serait admettre la défaite ! Mais... ne sommes-nous pas déjà confrontés à celle-ci ? Si la Prusse refuse, qu'adviendra-t-il ? La France, enjointe par Londres d'apaiser la situation, n'oserait-elle pas prendre les armes pour défendre la neutralité suisse, pourtant si bien confirmée par le traité de Vienne de 1815 ? Manteuffel est en panique, il sait que son heure est venue, il ne peut plus aller de l'avant sans entraîner la Prusse dans une guerre qu'elle ne pourrait gagner, d'autant que l'Autriche l'abandonne ! Le ministre-président doit renoncer et admettre la défaite diplomatique. Il tente un dernier baroud d'honneur en exigeant la libération des détenus loyalistes en condition à l'ouverture de négociations, mais la Suisse refuse et impose ses propres exigences, et elle est soutenue en cela par Londres. Paris prend le parti anglais, alors Berlin n'a plus d'autre choix que d'accepter la dure réalité. Le 27 octobre, Manteuffel acquiesce aux exigences suisses d'abandonner les revendications Hohenzollern sur le comté de Neuchâtel, puis, le 29, il annonce la démobilisation des armées prussiennes. La petite Suisse vient d'humilier le royaume du Grand Frédéric, celui-là même qui avait vaincu l'alliance des trois puissances en 1763, puis la tyrannie napoléonienne en 1815. Otto von Manteuffel ne s'en relèvera pas.

Le climat est des plus tendus dans la capitale prussienne. Le ministre-président a fait un aveu de faiblesse, humiliant par la même son souverain et son pays tout entier. Friedrich Wilhelm IV, déjà abaissé par son ministre en juin pour les réformes financières qu'il dut consentir, se voit encore être la risée de l'Europe. Le roi de Prusse ne peut plus assumer son ministre sans paraître faible. La surprise est absente pour Manteuffel lorsque le roi le convoque pour le démettre officiellement de ses fonctions le 16 novembre. Le baron le savait, il n'avait plus d'avenir au gouvernement.

Une nouvelle ère arrive, mais dans la tourmente de la plaie ouverte par l'humiliation de Neuchâtel, la Prusse se trouvera sans ministre-président ni budget jusqu'à l'aube de l'année suivante. Qui plus est, le roi commence a montré des signes de faiblesse, ses médecins ont remarqué des indices de démence, qui, si croissants, risquent d'indisposer Friedrich Wilhelm à gouverner. C'est pourquoi durant l'intervalle qui suit la chute de Manteuffel, il est décidé que la gouvernance du royaume sera assurée par le frère du roi, Wilhelm, qui agira en tant que ministre-président non déclaré. Tant que la santé dégradante du monarque n'est pas confirmée, on ne peut officialiser une régence. Wilhelm a aussitôt annoncé qu'il réfléchissait à choisir un nouveau ministre-président. Nous saurons qui remplacera Otto von Manteuffel l'année prochaine, aux premiers jours de janvier. En attendant, Napoléon III a invité la Prusse à se tenir à la conférence de Paris prévue pour janvier et février 1857, afin de régler définitivement l'issue de Neuchâtel.



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La Nouvelle Ère — 1857-1859

Premier chapitre — Le prince de Sigmaringen


7 janvier 1857, alors que la Prusse se remet lentement de l'humiliation de Neuchâtel, Berlin s'active telle une fourmilière. L'incapacité du roi Friedrich Wilhelm IV à gouverner son pays a contraint son frère le prince Wilhelm à assumer la gouvernance, le temps de la transition entre Otto von Manteuffel et le nouveau ministre-président qui doit lui succéder. Ce-dernier doit être désigné par le Kronprinz, qui comprend que l'occasion de bouleverser le royaume se présente devant lui. Avec un souverain souffrant de crise de démence, il est le seul légitimement apte à guider la Prusse, au grand désarroi des frères Gerlach et de la Kamarilla, qui témoignent de leur plus grande menace depuis le début de règne de Friedrich Wilhelm. Loin d'être en bons rapports avec Wilhelm, ils sont conscients que leur position au sein du cercle très fermé du pouvoir est remise en cause. Et ces-derniers sont en effet remplacés par les favoris du Kronprinz, à savoir Albrecht von Roon, Helmuth von Moltke, qui forment l'aristocratie militaire, et Karl Anton von Hohenzollern, cousin éloigné de Wilhelm, anciennement prince régnant de Sigmaringen, passé titulaire depuis l'incorporation de la principauté dans le royaume en 1849. Plus généralement, ce sont les membres les plus libéraux du Wochenblattpartei qui prennent l'ascendant sur les plus conservateurs et les réactionnaires du Kreuzzeitung, cela s'explique par les liens étroits qui unissent ces individus au prince Wilhelm, déterminé à faire de la Prusse le moteur de l'unification allemande.

Souffrant de toujours plus d'attaques cérébrales, qui semblent s'aggraver par les évènements de Neuchâtel et de la conférence à Paris, Friedrich Wilhelm est finalement déclaré officiellement inapte à régner le 12 février , et doit laisser la direction des affaires au prince de Prusse, Wilhelm, proclamé officiellement régent le 13. Le prince, né en 1797, n'a rien d'un jeune homme, et ce n'est pas non plus une nouvelle génération qui accède avec lui aux responsabilités : son passé l'avait même montré plus résolu encore que son frère à défendre la prérogative royale. Moins mystique que Friedrich Wilhelm IV, mais tout aussi imbu de son droit divin, il demeure très attaché aux traditions prussiennes. Dans l'action, il se montre pratique et décidé, et son honnêteté foncière ne va pas jusqu'à l'étouffer sous les scrupules lorsqu'il croit agir selon son devoir de militaire. Cela avait fait de lui, en 1848, l'incarnation de la force brutale et de la contre-révolution. Depuis lors, il a corrigé cette image, en partie sous l'influence de son épouse Augusta, élevée dans le milieu éclairé de Weimar. Au cours de la décennie écoulée, il a souvent adopté les thèses des conservateurs libéraux, et gagné ainsi une certaine popularité. Sa récente accession au pouvoir est donc bien accueillie, et paraît annoncer un dégel, que semblent confirmer ses premiers actes et propos.

Le 14 février à 14h, le Kronprinz demande une audience avec les députés du Landtag et de la Herrenhaus. Pleinement reconnu comme régent de Prusse, Il leur fait part de son choix pour le Ministerpräsident. Celui qui doit succéder à Otto Théodore von Manteuffel, et assumer les fonctions de second du royaume pour guider celui-ci dans les années à venir, sera un prince de sang royal. Charles Antoine (Karl Anton) de Hohenzollern-Sigmaringen s'avance dans la salle alors que Wilhelm dévoile son nom pour le poste de ministre-président de Prusse. Le prince de Sigmaringen, investie dans ses nouvelles fonctions, formule un discours à l'assemblée législative, dans lequel il promet le début d'une Nouvelle Ère pour les Prussiens, une période de prospérité économique, de progrès social et de gloire rappelant les jours glorieux du Grand Frédéric. « L'aigle noir prend son envole pour de nouveaux horizons », aurait annoncé le prince de Sigmaringen, « et s'approche de l'astre solaire qui éclaire ce monde. »

Ainsi, le ministère, confié au prince de Sigmaringen-Hohenzollern, est presque entièrement renouvelé, au profit de membres du parti du Wochenblatt, ces « conservateurs libéraux » qui se sont plusieurs fois opposés au dogmatisme réactionnaire de la Kamarilla ; Eduard von Flottwell est nommé ministre de l'Intérieur, Rudolf von Auerswald comme ministre sans portefeuille, Alexander von Schleinitz comme ministre des Affaires étrangères, Albrecht von Roon au ministère de la Guerre, Robert von Patow devient ministre des Finances, le comte von Pückler est le ministre de l'Agriculture et Moritz August von Bethmann-Hollweg est désigné pour le ministère de l'Éducation. L'ancien ministre du Commerce, August von der Heydt, et celui de la Justice, Ludwig Simons, sont quant à eux «confirmés dans leurs anciennes fonctions» par le prince Wilhelm en personne, avec le soutien du ministre-président qui voit en ces libéraux un moyen d'entamer la marche prussienne vers le renouveau. Le représentant de l'état à la Diète de Francfort, Otto von Bismarck, encore trop lié aux frères Gerlach, est cependant rappelé et envoyé à Saint-Pétersbourg comme ambassadeur. Politiquement, Karl Anton soutient le libéralisme modéré du parti Wochenblatt. En interne, il souhaite mener des réformes dans un sens libéral. Extérieurement enfin, il vise une unification des États allemands.

Dans une déclaration du Kronprinz le 23 février, très applaudie par l'opinion libérale, Wilhelm annonce que la Prusse compte faire des « conquêtes morales en Allemagne en donnant l'exemple d'une sage législation et en s'appuyant sur des éléments d'unification comme le Zollverein ». On relève moins la place qu'il accorde aussi au renforcement de l'armée dans son discours, où l'on en comprend pas aussitôt les implications... Dans ce climat d'harmonie et de liberté retrouvée, les élections de mars 1857 porte à la Chambre des députés 151 « vieux-libéraux », conduis par l'ancien Vincke, 44 « conservateurs libéraux » et seulement 47 conservateurs. Mais nul semble ne souhaiter s'opposer à la couronne, on compte plutôt sur les bonnes dispositions du prince pour amorcer une évolution à l'anglaise, avec régime parlementaire et fusion progressive de la bourgeoisie et de la noblesse. Surtout ne rien brusquer recommande Vincke. Pourtant, les graines de la discorde ont déjà été semées, le conflit se nouera autour de l'enjeu essentiel de l'armée.


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Le dirigisme à la prussienne — Acte III : 1857-1859

Premier chapitre — L'engouement de la révolution financière et le krach de 57


C'est le 18 mars 1857, et le jeune gouvernement qui consacre à peine ses nouvelles fonctions, doit répondre à un projet financier ambitieux du ministre du commerce August von der Heydt et de son associé, le ministre des finances, Robert von Patow. Cela fait maintenant plus d'un demi-siècle que sont étudiés et connus les effets d'une expansion du crédit, le rapport qu'elle doit entretenir avec les réserves métalliques des banques, les différentes liaisons entre les éléments de la masse monétaire dans un régime de convertibilité. Des prêts trop importants ne peuvent avoir que des effets néfastes sur l'activité économique. Le volume et le prix du crédit doivent pouvoir être contrôlés. Dans cet esprit de régularisation de l'activité économique, deux mesures sont ainsi prises par les ministres du cabinet Sigmaringen.

L'une est la lutte contre la spéculation dangereuse. Le nombre des valeurs cotées a augmenté. La multiplication des emprunts publics (État, comtés, villes), du Landkredit (Crédit foncier), des compagnies de chemins de fer, prussiennes et plus globalement allemandes, a été importante. Le gouvernement prend rapidement conscience du fait que les épargnes se trouvent détournées peu à peu vers la Bourse au lieu de s'investir dans les entreprises de chemins de fer et, surtout, de la place tenue par la spéculation. Il entreprend alors de calmer cette « activité fiévreuse ». Le Ministre de l'Intérieur, Eduard von Flottwell, invite le Préfet de police à rechercher les agences d'affaires qui feignent d'avoir des intelligences occultes dans les « régions officielles  » et font commerce de leurs prétendus crédits et informations. Aussitôt, le Moniteur indique la volonté du gouvernement de résister à des entraînements « exagérés » et celui-ci décide « qu'aucune entreprise donnant lieu à une émission de valeurs nouvelles ne sera autorisée cette année ».
La loi votée annonce aussi combattre abus et fraudes, trop fréquents dans les sociétés en commandite par actions qui, n'étant pas sujettes à l'autorisation gouvernementale, se multiplient. Elle interdit aux sociétés de diviser leur capital en actions de moins de 25 thalers lorsque celui-ci n'excède pas 54'000 thalers et de moins de 135 thalers lorsqu'il est supérieur. En outre, elle veut qu'une société ne puisse être définitivement constituée qu'après souscription de la totalité du capital social et versement par chaque actionnaire du quart au moins des actions souscrites par lui, que ces actions ne soient négociables qu'après versement des deux cinquièmes, qu'elles soient nominatives jusqu'à entière libération. Enfin elle institue un Conseil de surveillance.
La loi vise aussi à établir un droit d'entrée de 8 silbergroschen à la Bourse des valeurs et de 4 silbergroschen à la Bourse des marchandises au profit de la ville de Berlin (1 thaler de Prusse = 30 silbergroschen / 8 silbergroschen = 1 franc / 4 silbergroschen  = 50 centimes), pour y prévenir les placements des boursicoteurs, premières victimes des places financières lorsque celles-ci sont ébranlées par des crises. Un peu plus tard est refusé au Immobilienkredit (Crédit mobilier) l'émission d'obligations.

L'autre est la prorogation du privilège de la Banque de Prusse. Il paraît nécessaire pour le gouvernement de prendre des mesures car les attaques se se font plus vives pour la raison que les importantes demandes de crédit provoquées par le développement de l'activité, la diminution de l'encaisse et le gonflement du porte-feuille ont amené la Banque à prendre des mesures restrictives – hausse du taux de l'escompte à 6% en janvier 1857 puis, après un retour à 5%, à nouveau une hausse à 6%; abaissement de la durée de l'escompte de 90 à 75 et même 60 jours, le montant des escomptes ayant été multiplié par 3% entre 56 et 57).
Le capital de la Banque est alors doublé (de 41'250 à 132'500 actions), les actions nouvelles faisant l'objet d'une attribution exclusive aux propriétaires des anciennes, ce qui selon l'exposé des motifs de la loi constitue « un moyen d'accroître le crédit de la Banque et, par conséquent, la force de son action ». Les 27 millions de thalers (100M fr) ainsi obtenus doivent être versés en 1859 à l'État en atténuation des découverts du Trésor contre attribution à la Banque de la somme correspondante de rentes 3% au cours du mois précédent chaque versement.
En outre, la Banque se voit accorder de plus grandes possibilités d'intervention, qui s'ajoutent à celles déjà attribuées en 1856 (manipulation du taux de ses escomptes) : procéder à des avances sur les obligations du Landkredit (Crédit foncier) comme elle pouvait le faire sur les fonds publics, les valeurs de chemins de fer et la ville de Berlin; abaisser à 15 thalers la limite minimum de ses billets.



Cependant, entre juin et août 1857, une crise financière survient aux États-Unis suite à l'effondrement de la Ohio Life and Insurance Company qui entraîne une panique à New York, provoquée en cela par la crise des métaux précieux, due aux ruées vers l'or, mais aussi du rail. Aussitôt, l'encaisse de la Banque de Prusse subit de fortes variations, diminuant entre juin et octobre et atteignant son point le plus bas le 20 novembre, et ne représentant plus que le tiers du montant des billets en circulation. Mais il faut remarquer que son portefeuille s'accroît, ce qui signifie qu'il n'y a pas eu de restriction du volume du crédit et que la manipulation du taux de l'escompte a été largement utilisée, celui-ci passant à 6%, puis, comme cela était devenu possible depuis la réforme du 12 juin 1856, à 7, 8, 9 et, enfin, 10%.

La baisse des actions est forte à la Bourse de Berlin, mais, fait notable, celle des fonds d'État est extrêmement minime, et, en décembre, le niveau de ces derniers est supérieur à ce qu'il était en juin. Les répercussions économiques ne tardent pas. La construction des lignes de chemin de fer se ralentit. Des lignes avaient été construites à partir de devis mal élaborés, trop optimistes ou n'ayant pas tenu compte de la hausse des prix. Les lignes les plus récentes sont celles ayant le rendement kilométrique le plus faible. Le nombre de kilomètres construits diminue ainsi de 768km en 1857 à 642 en 1858. La production de produits minéraux diminue également avec celle de l'acier, et le chômage s'accroît dans les mines de charbon. Il en est de même pour les biens de consommation. Le nombre de faillites s'accroît. Enfin il faut bien voir que le volume de l'escompte à Berlin diminue de moitié.

La crise, crise de change et crise de crédit intérieur, affecte ainsi plus ou moins fortement toutes les économies de l'époque unies par des liens monétaires, financiers et économiques plus ou moins développés. Elle est suivie d'une récession économique, elle aussi de durée et d'intensité variables. L'économie prussienne est parmi les moins atteintes cependant. Il faut voir dans ce fait la conjonction d'une série de phénomènes: une situation-degré d'industrialisation; volume, nature, direction et protection du commerce extérieur la rendant moins sujette aux fluctuations que les économies américaines et anglaises ; une surveillance attentive du déroulement des événements ; la prise de mesures par la Banque de Prusse (légère hausse du volume de l'escompte, manipulation du taux de l'intérêt avec une hausse particulièrement sensible). Plus que tout il faut, sans aucun doute, mettre au premier rang la confiance du public envers le régime, et envers l'avenir économique, se signalant par le retour des cours des actions des chemins de fer des Compagnies Rhénane et de Cologne à un niveau proche de celui, le plus haut, de juin. Enfin, l'introduction d'une clause de garantie d'intérêt dans les contrats de concession des chemins de fer joue fortement dès la fin de l'année pour atténuer la récession qui ne sera plus vue que comme une situation destinée à être rapidement surmontée.

La crise monétaire a été de courte durée, un trimestre environ, d'une intensité moindre que celle subie par les États-Unis et l'Angleterre. Elle a conduit à éliminer les entreprises ayant fait preuve de trop d'imprudence, s'étant engagées dans des projets irréalisables et ayant pensé que l'expansion durerait toujours. Elle va se poursuivre par une dépression d'ampleur relativement modérée et d'une durée supportable. Elle ne devrait pas laisser de traces trop profondes dans les esprits, des crises d'une plus grande intensité s'étant déjà déroulées dans le passé, telles celles de 1836 / 1837 et de 1847 / 1848.

Par là même, et c'est le point fondamental, le Kronprinz Guillaume et le ministre-président Charles Antoine pensent que désormais ils disposent de plusieurs années avant que se reproduise un tel phénomène. Ce qui les intéressent n'est pas le court/moyen terme, les dix-huit mois ou les deux ans de marasme qui vont suivre, mais le long terme et le moment auquel, après la période de prospérité qui suivra cette dernière, une nouvelle crise surviendra. La fixent-t-ils à une échéance de six ans, temps pendant lequel aucun problème économique grave ne devrait se poser ? Disons plus simplement qu'une vigilance accrue sera nécessaire à partir du début des années 1860.

L'esprit de Charles Antoine dresse déjà des plans pour ces années. Il voit loin et grand. Avant tout il ne peut se dissimuler un fait : l'évolution de l'économie prussienne dépend, plus qu'on aurait pu le croire peu de temps auparavant, de celle d'autres pays, États-Unis et Angleterre. Il ne pourra alors parvenir à ses objectifs qu'avec une économie plus puissante et mieux assise. L'impératif est toujours celui d'un développement agricole et industriel rapide qu'il convient d'améliorer et de renforcer par la constitution d'un système bancaire moderne, la création de nouvelles formes de société facilitant d'importants rassemblements de capitaux et la mise en œuvre de nouvelles relations de travail.

Mais aussi action interne et action externe ne peuvent être séparées et s'influencent l'une l'autre. Le développement peut se trouver encore accéléré par le renforcement des liens avec les deux premières puissances commerciales du monde (France, Angleterre), sur la base du libre-échange ce qui permettra une répartition plus efficiente des ressources productives après une période d'adaptation.



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Le dirigisme à la prussienne — Acte III : 1857-1859

Second chapitre — La réforme fiscale de von Patow


Le 17 février, lorsque le budget de l'année 1857 est voté au Landtag, un constat surprend le gouvernement : les recettes ont augmenté de 15 p. 100, tandis que les dépenses se sont élevées de 18 p. 100, soulignant de fait un accroissement du déficit de 66 p. 100. Bien que peu alarmant, voire pas du tout, au vu des marges que possédaient le budget de la couronne, cette valeur, 7 millions de thaler, pointe du doigt une défaillance chronique des finances prussiennes : la politique fiscale du royaume ne pourra, sur le long terme, soutenir pleinement les projets publics sans creuser dangereusement le déficit. Le ministre des finances, Robert von Patow, un libéral qui ne récuse guère son passé dans la révolution de mars, est convaincu que les impôts sont dépassés et inadaptés à notre époque. Pourtant, la couronne avait innové dans les flammes de 48 en matière de finances.

La Prusse connaissait déjà à l'époque un « impôt sur le revenu » depuis 1820-21. Celui-ci s’intitulait — et c'est encore le cas — le Klassensteuer et reposait sur la ventilation en « classes » des contribuables, classes liées à leur « aisance et capacité fiscale » et dépendant fondamentalement de leur profession et de leur patrimoine. Le montant de l’impôt dépendait ensuite de la classe du contribuable. Cet impôt ne s’appliquait cependant pas dans les 132 plus grandes villes du Royaume, qui en étaient exemptées et étaient en revanche soumises à l’impôt archaïque « sur l’abattage et la mouture », le Schlacht- und Mahlsteuer, perpétuant la tradition prussienne d’une imposition directe des campagnes et indirecte des villes, une politique hautement inefficace dans l'ère industrielle, qui laissait échapper d'importantes sources de revenus pourtant imposables. Même si l’on peut penser que l’appartenance aux classes était grossièrement corrélée au niveau du revenu, la Klassensteuer demeurait très éloignée d’un impôt sur le revenu moderne en ce qu’il n'était pas explicitement assis sur les revenus (ni non plus sur le patrimoine). Les « taux » (montant nominaux fixes en fait) allaient de 1,5 taler pour les contribuables les plus indigents de la classe « IV » à 144 taler pour les plus aisés de la classe « I ». L’impôt était ainsi de fait régressif au-delà d’un certain niveau. A titre d’illustration, entre 1821 et 1848, la classe inférieure contribuait en moyenne à hauteur de 47% aux recettes totales de l’impôt alors que la classe supérieure contribuait à hauteur de 4% seulement. La faible charge fiscale qui pesait sur les plus riches contribuables était liée au barème, mais aussi aux possibilités d’évasion fiscale que permettaient l’établissement par les fonctionnaires communaux de l’impôt dû. Les élites contrôlaient ainsi leur propre imposition. Entre 1847 et 1851, le système a cependant été modifié, notamment par l’assujettissement de villes jusque là exemptes (seules 83 villes sont restées assujetties à la Schlacht-und-Mahlsteuer). Sous l’influence de l’apparition au Royaume-Uni en 1842 de l’income tax, et à la suite de la Révolution de 1848, l’impôt a été réformé en profondeur en 1851. Une nouvelle klassifizierte Einkommensteuer a été adjointe à la Klassensteuer. La klassifizierte Steuer, fait explicitement usage de tranches de revenu potentiel pour le haut de la distribution des revenus (au dessus de 1000 taler) ; elle s’applique aussi bien à la ville qu’à la campagne. La Klassensteuer continue de s’appliquer à la partie inférieure de la distribution, et reste assise sur des considérations de « capacité fiscale ». La klassifizierte Steuer est en principe proportionnelle (taux unique de 3%), l’impôt du étant cependant plafonné à 7200 taler, l’impôt demeurant régressif, mais à partir d’un niveau réel sensiblement plus élevé qu’avant la réforme. Par ailleurs, l’impôt continue de reposer sur une estimation externe des revenus des contribuables.

Il paraît alors évidement pour von Patow, que l'impôt sur le revenu est stérile, inopérant, puisqu'il n'utilise pas sa pleine capacité, en soit il est inefficace. Là où en Angleterre, il constitue le revenu principal du budget, en Prusse, il ne représente qu'une fraction. Il faut réformer la Klassensteuer et la klassifizierte Steuer. C'est le 18 avril qu'un projet de loi est alors voté par la chambre basse. Celui-ci rapproche les deux systèmes d'impositions en asseyant définitivement la Klassensteuer sur une estimation des revenus, et non plus sur les caractéristiques socio-démographiques du contribuable. Toutes les villes autrefois exemptées (83) sont par ailleurs assujetties, la Schlacht- und Mahlsteuer est définitivement supprimée. Deux nouveautés sont introduites : un abattement (steuerfreies Existenzminimum) de 140 taler, et la suppression du plafonnement de l’impôt dans la dernière tranche. Ces nouveautés augmentent par conséquent sensiblement la progressivité de l’impôt, au sens ou il cesse d’être régressif pour devenir, pour la première fois réellement proportionnel. Par ailleurs, le renouvellement périodique de l'évaluation des revenus individuels est modifié sur la base d'un relevé par an au lieu d'un tous les trois ans. Ces mesures devraient constituer une source de revenus très fructueuse pour le Trésor, en augmentant nettement les recettes engendrées par ces impôts, tout en contentant un peuple qui demande depuis longtemps une politique fiscale plus juste.

Dans le même élan, le ministre convainc les députés sur la nécessité de réformer les droits de successions, les droits d'accises, les droits de timbre, mais également les droits des loteries et des paris sportifs :

Tout d'abord, il est convenu que, ne sont pas soumis à l'impôt de succession: 1° Toute succession qui n'atteint pas 20 thalers (soit 75 fr.) ; 2° Toute succession qui est dévolue : a) A des ascendants / b) A des époux. Les parents éloignés paient des droits de 8 et de 9 p. 100. Les autres sont soumis à une valeur de 7 p. 100.

Regardant le droit de timbre, il est exigé pour les contrats de vente un tarif de 2 p. 100, en tout. Pour le tarif du timbre des effets de commerce, l'échelle suivante est adoptée : Effets de 66 thalers et au-dessous = 12 pfennigs ; de plus de 66 thalers jusqu'à 133 thalers = 24 ; de 133 jusqu'à 200 thalers = 36 ; de 200 à 267 thalers = 48 ; de 267 à 333 thalers = 60. Et 60 pfennigs pour chaque somme de 333 thalers; toute fraction en plus payant comme 333 thalers (rappel : 1 thaler de Prusse = 30 silbergroschen = 360 pfennig). Ainsi, le droit est toujours fixé à 0.05 p. 100 de la valeur de la lettre de change, de sorte à ce que l'imposition ne soit pas nuisible au point de vue économique. Enfin, les billets de loteries publiques acquittent un droit de timbre de 5 p. 100.

En ce qui concerne les droits sur les boissons, en Prusse c'est la cuvée qui forme la base de l'assiette de l'impôt. Il est payé d'après la contenance des récipients employés dans la fabrication obtenue par des grains ou autres matières farineuses ou bien d'après la quantité des matières non farineuses. Sur cette base, on décide de fixer le droit à 30 pfennigs pour 22 litres de cuvée, ce qui donne pour l'exemple de la bière, boisson la plus consommée en Prusse avec une moyenne de 65 litres par tête, un produit de l'impôt fixé à 68 pfennigs.

Si nous passons aux sucres, l'ordonnance du 23 octobre 1844, dispose que l'impôt est perçu sur les betteraves brutes, destinées à la fabrication du sucre. Il a été admis que 20 quintaux de betteraves étaient nécessaires pour la production d'un quintal de sucre, et le droit fut fixé à 1 1/2 silbergros. Devant le progrès de l'industrie sucrière cependant, ces mesures ne sont plus adaptées puisque désormais 12,5 quintaux de betteraves suffisent pour la fabrication d'un quintal de sucre brut. On décide alors de fixer le droit à 80 pfennigs le quintal de betteraves.

Le sel quant à lui est maintenu en monopole d'état, ses sources de revenus s'élevant à 8'729'300 thalers prouvent son importance dans le budget.

Pour ce qui est du tabac, il est actuellement soumis à une taxe foncière d'un genre spécial, fixée à 72 pfennigs par 85 mètres carrés. Cette taxe, proportionnelle à la surface cultivée, est en faite peu productive. Le bureau des finances a calculé qu'elle correspond à une taxe de 1 thaler et 71 pfennigs (6 fr. 42 c.) par 100 kg., en sorte que son produit est de 433'333 thalers, sauf à ajouter environ 4 millions de thalers, produit du droit d'entrée en Prusse sur les tabacs étrangers, à raison de 8 thalers par 100 kilogr., soit 16'625'000 fr. L'exploitation si défectueuse d'un impôt qui pourrait être extrêmement productif, est devenu de plus en plus inacceptable pour le gouvernement. Si le ministre des finances propose un système de taxe au poids, le ministre du commerce, Auguste von der Heydt avance l'idée de s'inspirer du modèle français, qui engrange à l'état bonapartiste un revenu colossal dans ses recettes. Il est par conséquent décidé d'établir un monopole d'état sur la fabrication et la vente de tabac à l'intérieur du royaume de Prusse, en comprenant dans le prix de vente l'impôt dont on veut le charger. Le produit total des taxes de consommation sur les tabacs, par tête de population, s'élèvera ainsi de 2.37 thalers.

Enfin, la réforme fiscale prévoit d'établir un monopole d'état aussi sur la loterie et les paris sportifs, nationalisant ou supprimant toutes les autres loteries et paris. Il est prévu, par cet effet, que la nouvelle Königlich Preußische Lotterie (Loterie Royale de Prusse) récoltera des revenus conséquents, sachant que la réforme du droit des timbres acquitte les billets de loteries publiques d'un droit de 5 p. 100. Les premiers billets doivent se vendre à 25 thalers et, à partir de 1858, doivent apparaître des billets de Loterie nationale correspondant aux 1/5e et 1/10e du billet entier (pour une valeur de 5 thalers et 2.5 thalers) qui portent le même numéro. Ce système de fractionnement ouvrira la loterie à une plus large clientèle. Pour aider la jeune société publique à se lancer, le gouvernement investie la somme de 4 millions de thalers dans son capital.



Pour résumer, la réforme fiscale du 18 avril 1857 permet de moderniser et de régulariser les impôts sur le revenu, les droits de succession, de timbre (concernant contrat de vente, effet de commerce et billet de loterie) et d'accise (comprenant boisson et sucre), de monopoliser la fabrication et la vente de tabac, de la loterie et des paris sportifs, et de reconfirmer le monopole d'état sur le sel. Ce programme, d'après les calculs du bureau des finances, estime l'accroissement des recettes pour l'année 57-58 à une hauteur de 8 et 3/10 p. 100 soit 9'462'000 thalers, puis jusqu'à 15 et 6/10 p. 100 pour 58-59, ou 17'784'000 thalers par rapport aux recettes de 56-57, et cela sans prendre compte de l'accroissement naturel. Ainsi, sans écraser sa population par des gonflements d'impôts, l'État parvient à augmenter son budget par la réforme de sa politique fiscale. « La Prusse se décrasse enfin ! » aurait dit le Kronprinz Guillaume.




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La diplomatie Schleinitz — 1857-1859

L'union monétaire du Zollverein — Avril 1857


Il est aujourd'hui admis que le marché commun allemand pousse à l'intégration monétaire depuis son début. Cela découle de la grande importance budgétaire du Zollverein, mais aussi de la nature des problèmes monétaires de l'époque. Dans les années 1820, environ 80% de la circulation monétaire dans les États allemands se composait de pièces métalliques. Même le commerce de gros, qui dominait le commerce interrégional entre les États allemands, faisait un usage considérable des pièces d'argent et d'or. Le principal problème provenait de la frappe généralisée par les États allemands de pièces de faible poids dont la valeur nominale dépassait leur valeur en argent. Ces États, c'est-à-dire, exigeaient des frais de seigneuriage sur les pièces qu'ils produisaient, mais cette source potentielle de perte pour les commerçants privés était exacerbée par le fait que ces frais variaient d'un État allemand à l'autre et d'une pièce à l'autre. Afin de réduire le risque de pertes lors de l'échange de monnaie, les commerçants devaient soit passer du temps à inspecter les pièces, soit payer un négociant monétaire (ou un banquier) pour eux. Cela avait évidemment augmenté les coûts de transaction du commerce intra-allemand.

Cette difficulté fondamentale était aggravée par l'existence en Allemagne de plusieurs unités de compte différentes, dont les deux plus importantes étaient le thaler, qui circulait en Prusse et dans de nombreux États de l'Allemagne du Nord, et le gulden sud-allemand, tous les deux reposant sur l'étalon-argent. Cela signifiait que les commerçants qui devaient utiliser ces pièces devaient d'abord vérifier la valeur des pièces en gulden ou thaler appartenant à chaque système, puis négocier le taux de change approprié du gulden-thaler.

Le Zollverein allemand avait dès lors fait pression sur les États membres pour normaliser les monnaies, car la répartition des recettes douanières entre ces États appelait à un accord sur les taux de change entre les différentes monnaies. Étant donné que les revenus étaient la principale raison d'être du Zollverein, c'était bien évidemment une question sérieuse. Deux traités de monnaie dans les années 1830 furent la réponse rapide. En 1837, le Traité sur la monnaie de Munich liait les États les plus importants du sud de l'Allemagne aux points suivants : la valeur en argent des pièces de monnaie en gulden devait être d'au moins 90 p. 100 de leurs valeurs nominales respectives (c'est-à-dire que les frais de seigneuriage devaient être limités à 10 p. 100 au maximum); le gulden devait devenir la monnaie légale dans tous les États signataires; mais les États restaient libres de faire circuler autant de pièces de petite valeur qu'ils le souhaitaient. Un an plus tard, dans la Convention de Dresde sur la monnaie, le traité de Munich fut étendu à tous les États de Zollverein et en particulier pour relier le système du thaler à son homologue le gulden. Les deux monnaies devaient être liées à l'argent à un taux fixe, exprimé en «marks fins de Cologne» et équivalant à 233,855 grammes d'argent fin. Cette unité était égale à 14 thaler et 24,5 gulden. Ainsi, un taler équivaudrait à 1,75 gulden (tandis qu'un gulden équivaudrait aux quatre septièmes d'un thaler). En outre, les États étaient obligés de convertir — à la demande et sans frais pour les détenteurs — leurs petites pièces présentées par lots de 100 thaler ou plus en pièces d'or et d'argent plus lourdes. Enfin, une pièce commune en argent d'une valeur de 2 thaler (et 3,5 gulden) devait être introduite, qui devait avoir cours légal dans tous les États membres. Elle avait gagné le surnom de « Champagnerthaler », car sa valeur correspondait au prix d'une bouteille de champagne. La frappe d'une pièce de monnaie Zollverein était néanmoins un précédent important.


Néanmoins, pour le ministre du Commerce, August von der Heydt, l'œuvre d'unification monétaire allemande est actuellement loin d'être aboutie. La prochaine étape importante vers l'intégration monétaire de l'Allemagne vient donc à l'esprit du ministre-comptable par la fixation des taux de change avec le florin autrichien pour renforcer la prévalence du thaler dans le Zollverein et faciliter les échanges avec l'empire des Habsbourg. Ainsi vient le Traité de Vienne du 24 avril 1857. Le traité reflète le vif intérêt de l'Autriche à rejoindre le Zollverein (gonflé en 1852 par l'intégration des derniers états allemands, le Hanovre, le Schaumbourg-Lippe et le Oldenbourg), mais entravé par le traité douanier de 1854 qui a encore abaissé les tarifs internes, sous un seuil désormais inacceptable pour la balance commerciale autrichienne, à savoir 5 p. 100 taxés sur les produits échangés entre les états membres. De fait est trouvé ce compromis, important parce qu'il réalise trois choses.

Premièrement, comme mentionné plus haut, il renforce encore le statut du thaler par rapport au gulden. Le pied de 14 pour le Taler fondé sur le système d'unités du marc est remplacé par un pied de 30 avec le système d'unités de la livre (Zollpfund). On parle alors de Vereinstaler simple et double. Le Taler devient de ce fait la monnaie de prédilection dans l'union. Ensuite, sont fixées les parités entre thaler, gulden et florin autrichien à 1 thaler = 1,5 florin autrichien = 1,75 gulden, ce qui signifie que l'Autriche oriente sa monnaie-or vers le thaler-argent plutôt que vers le gulden. En outre, il est décidé intrinsèquement dans l'Union que le statut ayant cours légal dans les États membres est étendu à l'un thaler-pièce. Dès lors, l'essentiel de l'augmentation de la circulation des pièces de monnaie du Zollverein doit provenir de la frappe des pièces de monnaie à un thaler. En outre, des pièces dorées sont aussi introduites.

Deuxièmement, le traité confirme une fois de plus la primauté de l'étalon-argent comme base de la monnaie de l'Union.

Et troisièmement, pour la première fois, un traité entre États allemands aborde explicitement la question du papier-monnaie, en l'occurrence est maintenant interdite l'utilisation du papier-monnaie non convertible. Cette issue est cruciale, car un certain nombre d'autres États allemands possèdent du papier-monnaie en circulation. Le traité souligne ainsi les intentions des membres de maintenir la convertibilité de ce papier dans « l'argent dur » et, par conséquent, leur engagement à la stabilité monétaire.

Pour résumer, un bloc Taler-florin fondé sur l'argent pour la monnaie est constitué grâce à l'union douanière. L'impression de billets de banque n'est par contre pas centralisée et reste de la responsabilité des États. En Prusse par exemple, c'est la Banque de Prusse, semi-étatique, qui en est responsable. Dans la pratique, les billets de banque prussiens dominent. L'impression et la circulation de billets non-convertibles est par ailleurs interdite par le Zollverein.



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La Nouvelle Ère — 1857-1859

Second chapitre — La Nation en Armes est désarmée


1856 est une année pivot dans l'histoire récente de la Prusse. La crise survenue au sujet du comté de Neuchâtel a provoqué un déchaînement de forces jamais observé depuis 1848, voire 1815. Mais surtout, elle a permis de révéler au grand jour ce que plusieurs militaires accusaient : l'armée prussienne n'est plus que l'ombre de ce qu'elle était. La crise de Neuchâtel est un rappel de la centralité de la force armée dans la résolution des conflits de pouvoir et de politique enracinés, et l'opinion a gagné du terrain au sein de la direction militaire selon laquelle la Prusse devrait réformer et renforcer son armée si elle veut relever les défis auxquels elle sera confrontée dans un avenir proche. Ce n'est pas un problème nouveau. Depuis les années 1810, les contraintes financières ont fait que la taille de l'armée n'a pas suivi le rythme de la croissance de la population prussienne. Dans les années 1850, seulement la moitié environ des jeunes hommes d'âge éligible ont été recrutés. Il y a également des inquiétudes quant à la qualité de la milice de la Landwehr créée pour combattre Napoléon par les réformateurs militaires Scharnhorst et Boyen, car ses officiers sont entraînés selon des normes beaucoup moins rigoureuses. Toutes ces craintes et tous ces constats se confirment dans la mobilisation qui a lieu du 4 septembre au 29 octobre. Alors qu'en 1820 la Prusse n'alignait que 40 000 soldats de moins que la France, la mobilisation de 1856 permet de notifier une différence approchant les 200 000 hommes. On remarque que deux tiers de ceux qui devaient effectuer le service militaire en ont été exemptés. On constate également que la Landwehr n'est plus adaptée aux exigences de son temps, avec des corps mal disciplinés et des officiers mal formés.

Le nouveau régent, le prince Wilhelm de Prusse, veut diriger par conséquent une campagne de réforme militaire. Wilhelm est déjà un homme de 60 ans avec un bouquet impressionnant de moustaches lorsqu'il commence en 1857 à remplacer son frère aîné. L’attachement émotionnel de Wilhelm à l’armée prussienne est profondément enraciné dans sa biographie. Il porte un uniforme depuis l'âge de six ans. Le 1er janvier 1807, à l’âge de neuf ans, il reçut la commission de son enseigne (ainsi que sa promotion au grade de lieutenant comme cadeau de Noël). Ses premières expériences de service sont liées au souvenir de l'invasion française et de la fuite de la famille royale vers la Prusse orientale. Contrairement à son frère aîné plus vif d’esprit, Wilhelm n'aimait pas ses leçons et n'était jamais plus heureux qu'en compagnie de ses camarades cadets et tuteurs militaires, et il épousa très tôt la tradition militaire de sa maison – en fait depuis son baptême du feu en mars 1814, à Bar-sur-Aube. La dévotion de Wilhelm est centrée sur l’armée régulière de ligne, et non sur les milices auxiliaires de la Landwehr. Wilhelm est repoussé par l'éthique civile de la Landwehr, qu'il considère à la fois comme inefficace sur le plan militaire et politiquement peu fiable. Boyen et Scharnhorst avaient entrepris de forger un établissement militaire qui ressentirait et engagerait les enthousiasmes patriotiques du peuple. Wilhelm et ses conseillers militaires veulent une force armée qui ne répondrait qu'à la volonté du souverain.

Ce serait aller trop loin de suggérer que Wilhelm a déjà à l'esprit l'unification de l'Allemagne par la force armée prussienne - sa réflexion sur la question allemande est beaucoup plus ouverte que cela. Pourtant, il ne fait aucun doute qu'il est un enthousiaste constant pour l'idée d'une union allemande plus étroite, et qu'il envisage cela comme se produisant sous la capitainerie prussienne. Wilhelm avait partagé l’enthousiasme de son frère pour la malheureuse Union d’Erfurt et demeure déçu par la retraite prussienne d’Olmütz. « Qui veut gouverner l'Allemagne, doit la conquérir », avait-il écrit en 1849. « Si le temps de son unité est venu, Dieu seul le sait ; mais, que la Prusse soit destinée à prendre la tête de l'Allemagne, cela est inscrit dans toute son histoire. Reste le Quand et le Comment ? Tout en dépend. » Au cours de son affectation en Rhénanie en tant que gouverneur militaire en 1849, Wilhelm avait cultivé des contacts avec des « petits Allemands » amateurs libéraux d’une union dirigée par la Prusse. « L’évolution historique de la Prusse montre qu’elle est destinée à diriger l’Allemagne », écrivait-il en avril 1851.

Ainsi, le Prince de Prusse, encouragé par son ami le plus proche, le général Albrecht von Roon, porte-parole du « parti militaire », souhaite depuis longtemps renforcer l'armée, car on met volontiers la honte d'Olmütz sur le compte de ses insuffisances, et la crise de Neuchâtel conforte Wilhelm dans sa conviction de l'urgence d'une réforme militaire. En comparaison de ses principaux voisins, la Prusse accuse un déficit inquiétant. L'Autriche et la France peuvent aligner, chacune, des effectifs trois fois supérieurs aux siens. La nécessité s'impose donc de redresser une situation dommageable aux intérêts prussiens. L’appel du gouvernement à une réforme militaire n’est pas en soi particulièrement controversé. Les dépenses militaires sont en déclin relatif depuis 1848 et il y a un large soutien dans la majorité libérale au parlement pour l'idée que la Prusse a besoin d'une armée plus forte si elle veut rester maître de ses actions. Les événements de 1856, en outre, ont produit une mobilisation remarquable de l'opinion nationaliste libérale dans le nord de l'Allemagne.

Le premier objectif est d'accroître les effectifs fournis par le service obligatoire, restés constants depuis 1815, tandis que la population est passée de 11 à 18 millions d'habitants. Il est ainsi prévu d'étendre la durée du service militaire à trois ans (contre deux ans et demi), et d'allonger la période de service dans la réserve de l'armée régulière de deux à cinq ans, soit, cumulé, le temps au-dessous duquel il serait impossible, selon Wilhelm, de faire du « bourgeois » un « soldat ». L'enrôlement annuel passerait de 40 000 à 65 000 hommes, ce qui représente environ un tiers des appelés. 39 régiments d'infanterie et 10 de cavalerie seraient de fait créés. En retrouvant le taux d'incorporation initiale, l'armée devrait ainsi passer de 151 000 à 220 000 hommes. L'autre volet majeur de la réforme est qualitatif : il vise à réduire l'autonomie de la Landwehr (territoriale) à un rôle subalterne, elle qui avait semblé peu sûre en 1848, et chaotique en 1856. Ses premières années seront, en effet, versées dans la réserve qui est placée sous l'autorité d'officiers d'active, l'intégrant ainsi davantage dans l'armée permanente afin de disposer de soldats mieux formés et disciplinés. Tel est le plan que von Roon, devenu ministre de la guerre en février 1857, présente aux députés, l'accord de la Chambre étant constitutionnellement requis dès lors qu'il faut engager une dépense nouvelle. Les députés admettent alors que l'on renforce l'efficacité  de l'instrument militaire dans un contexte international tendu, mais ils se montrent très réticents aux aspects de la réforme...

En effet, le Kronprinz exprime clairement son souhait de faire passer la Prusse d'une armée de conscrits à une quasi-armée de métier. Mais cette volonté est à l'origine d'un conflit politique d'une gravité sans précédent. Le vrai problème réside dans la question de la relation politique entre l'armée et le parlement. Trois aspects du programme de réforme du régent contrarient particulièrement les libéraux. Le premier est le plan visant à supprimer ce qui reste de l’indépendance de la Landwehr. Les chefs militaires considèrent la Landwehr comme le vestige d’une époque révolue, mais pour de nombreux libéraux, elle reste une puissante incarnation de l’idéal sacro-saint de la « nation en armes », hérité des temps héroïques de la « guerre de libération ». La deuxième pomme de discorde est l’insistance du régent sur une période de formation de trois ans pour les soldats de ligne. Les libéraux la rejette en partie à cause des implications financières et en partie parce qu'ils croient — avec un peu de vérité — que la période de trois ans est moins conçue comme une mesure militaire que politique, pour garantir que les soldats soient imprégnés de valeurs conservatrices et militaristes, ainsi que formés pour faire la guerre. À la base de ces deux problèmes se trouve la question centrale du pouvoir de commandement extraconstitutionnel unique du monarque (ou de son régent dans ce cas) — le Kommandogewalt.

Le conflit sur l'armée était préprogrammé dans le système politique prussien depuis 1848. Le problème a une dimension à la fois constitutionnelle et culturelle plus large. Le problème constitutionnel est simplement que le monarque et le parlement ont des droits potentiellement contradictoires sur l'armée. Le monarque est responsable des fonctions de commandement et en général de la composition et de la fonctionnalité de l'établissement militaire. Mais c’est le parlement qui contrôle le budget. Du point de vue de la Couronne, l’armée est une organisation liée par une loyauté personnelle au monarque et tout à fait indépendante du parlement. Les parlementaires libéraux, en revanche, estiment que leurs pouvoirs budgétaires impliquent un droit limité de codéterminer le caractère de l'armée. Cela implique non seulement une régularisation des dépenses, mais aussi la garantie que l'armée reflète les valeurs de la culture politique au sens large — cette dernière question est le fil conducteur qui avait précipité la crise du parlement berlinois en 1848. Des deux côtés, les questions en cause sont de nature constitutive. Wilhelm insiste sur le fait que la Kommandogewalt est un attribut inaliénable de sa souveraineté, tandis que les libéraux voient que la réduction de leurs pouvoirs budgétaires ou la création d'une garde prétorienne réactionnaire affûtée aux fins de la répression intérieure rendrait absurde les pouvoirs accordés au parlement sous la nouvelle constitution.

Le conflit militaro-constitutionnel qui en résulte gangrène progressivement le système constitutionnel prussien créé en 1848. En avril 1857, le ministre de la guerre von Roon présente deux projets de loi au Parlement, l'un décrivant les réformes et l'autre approuvant les fonds. Wilhelm considère ces projets de loi comme distincts dans leur statut constitutionnel ; il est permis au parlement d'avoir son mot à dire sur la question du financement, les pouvoirs budgétaires étant des attributs essentiels de la Chambre. En revanche, il ne reconnaît pas le droit des députés de toucher aux détails de la réforme proposée elle-même, qui relève, selon lui, de son pouvoir de commandement. Comme on leur fait valoir que la hausse démographique ne permet plus une conscription véritablement universelle, au détriment de l'équité comme de la formation des réserves, les députés proposent de rétablir le service de deux ans, déjà appliqué de 1832 à 1852, et qui permet d'incorporer et de former chaque année plus de recrues sans modifier l'effectif maintenu sous les armes en temps de paix. Mais le régent tient aux trois ans pour indispensables, et l'opposition soupçonne là une volonté de dresser les hommes à l'obéissance passive pour mieux écraser toute révolte future. Les députés parlementaires répondent à cette manœuvre le 15 mai par un amateurisme aberrant, en n'accordant qu'une allocation provisoire de fonds supplémentaires de 9.5 millions de thaler, afin de surseoir d'un an au licenciement des régiments formés pendant la crise internationale de l'année précédente, et d'équiper 6 divisons de l'active du nouveau Modell 1857 du fusil à aiguille Dreyse (dont une grande ligne de production pour 40'000 fusils par an a été adoptée pour un crédit de 12 millions de thalers supplémentaires, sous les conseils du nouveau Generalfeldmarschall Helmuth von Moltke). Mais la Chambre prend cette décision sans avoir au préalable obtenu l'assurance que la réforme serait soumise à la ratification de la diète. Profitant aussitôt de l'occasion, le gouvernement en tire argument pour considérer la réforme adoptée et agit en conséquence. Le même jour, la dissolution de trente-six régiments de la Landwehr est rendue publique, et de nouvelles unités d'actives sont crées. Du côté de la diète, c'est la stupeur et l'indignation. S'estimant dupée, elle crie au coup de force. La crise constitutionnelle est actée.



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La Nouvelle Ère — 1857-1859

Troisième chapitre — La crise constitutionnelle


Le conflit autour de la réforme de l'armée met à nu un désaccord de fond que l'entente des premiers mois a masqué. Wilhelm a bien paru pencher vers un libéralisme tempéré ; mais cette adhésion reste superficielle, et il suffit d'une crise pour en administrer la preuve. Il est d'ailleurs d'autres signes qui ne trompent pas. Son attachement à l'absolutisme s'exprime avec force dans sa volonté de conserver la haute main sur les affaires militaires. Or celle-ci se heurte au refus des libéraux pour qui il ne saurait être de domaine réservé. Comme ils exigent que les militaires prêtent serment à la constitution, ils réclament que, dans le dossier de la réorganisation de l'armée, le dernier mot reste à la diète. Mais, en cherchant à faire entrer les affaires militaires dans les compétences de la diète, ils visent un objectif plus général. Il ne s'agit de rien de moins que de contraindre Wilhelm à accepter le passage à un régime parlementaire, une concession qu'il n'est naturellement pas prêt à se laisser arracher. La bataille est d'autant plus âpre que le libéralisme tend alors à se radicaliser. En effet, la session de 1858 se montre très houleuse. En janvier, un groupe de dix-sept députés se détache du corps principal de la faction libérale dominée par Vincke, jugé trop modéré, pour fonder leur propre groupe, que rallient plusieurs députés de Prusse-Orientale, mais aussi quelques grandes figures comme Waldeck, le vétéran de 1848, Schulze-Delitzch, fondateur des sociétés de secours mutuel et le philosophe Twesten, disciple d’Auguste Comte.

En mars, von Roon et Wilhelm tentent de convaincre la Chambre d'accréditer des fonds supplémentaires pour poursuivre leur vision de la réforme. Le groupe libéral de Twesten et Waldeck s'y opposent fermement, mais les modérés, sous Vincke, plient encore une fois devant la pression du gouvernement. Ce-dernier avance en effet qu'il faut équiper l'armée de la nouvelle version du fusil aiguille Dreyse, mais que l'opération nécessite un coût plus onéreux. 12 millions de thalers sont encore exigés pour ouvrir une seconde ligne de production pour 40'000 fusils par an, et 9 millions sont attendus pour réorganiser et équiper 6 autres divisions de plus. La Chambre accepte d'allouer le crédit pour la production de Dreyse, mais consent pour la moitié de la somme voulue pour la réorganisation des régiments et leur équipement, soit 5 millions de thalers, qui réduisent le nombre de divisions reformées à 3.

Parmi les hommes qui dirigent l’établissement militaire de la Prusse, certains sont désormais favorables à une rupture totale avec le système constitutionnel. Parmi ceux-ci, le plus influent est le chef du cabinet militaire, Edwin von Manteuffel, cousin de l’ancien ministre-président, dont le réformisme conservateur a tant fait pour sécuriser le nouveau système constitutionnel après les révolutions de 1848. Edwin est à la fois plus charismatique et moins flexible politiquement que son cousin. C'est un militaire de la vieille école qui assimile sa relation avec le monarque à la fidélité d'un membre d’une tribu germanique à son chef. En tant que membre du cabinet militaire, organe directement rattaché à la personne du roi et de son régent, il se tient complètement en dehors de l'ordre parlementaire / constitutionnel.

Manteuffel pourrait être impitoyable pour défendre son «honneur» et celui de l'armée prussienne (qu'il semble considérer comme essentiellement la même chose). Au printemps 1858, quand le conseiller municipal et philosophe libéral Karl Twesten publie un article critiquant les réformes militaires proposées et attaquant personnellement Manteuffel pour avoir cherché à aliéner l'armée et le peuple, le général offre au conseiller le choix entre une rétractation complète en public et un duel. Ne voulant pas endurer l'humiliation d'une rétractation, Twesten choisit le duel, même s'il n’est pas un tireur d'élite. La balle du conseiller vole au large, tandis que le général perce son adversaire au bras. L'épisode met en évidence non seulement la polarisation engendrée par la question militaire, mais le style de plus en plus brutal de la vie publique dans la Prusse d'après 1848.

Pensant alors qu'un parlement plus conservateur pourrait faciliter la conduite de la réforme et de l'administration, Wilhelm dissout le parlement et appelle à de nouvelles élections. En réponse, les dissidents libéraux, formant l'aile gauche sécessioniste, s'organisent en Deutsche Fortschrittspartei, le « Parti allemand du Progrès », à l’initiative du médecin Virchow en juin 1858. La lune de miel est bel  et  bien  terminée. La nouvelle chambre convoquée en décembre 1858 après est encore plus résolument libérale que l'ancienne, le gouvernement subit un camouflet. Avec les élections, les libéraux enlèvent 246 sièges, dont 109 pour le seul parti progressiste, alors que la faction conservatrice, qui a dirigé le juchoir dans les années 1850, est réduite à un croupion de 16 députés. Devant ce résultat sans appel, Wilhelm pourrait infléchir sa politique... Il n'en fait rien. Reste à l'opposition l'arme budgétaire ; si le gouvernement s'abstient de lui soumettre les réformes, la diète répond, en refusant de voter le budget. Ce bras de fer conduit, le 18 mars 1859, à une nouvelle dissolution, suivie en mai d'élections encore plus catastrophiques pour le pouvoir. Face à des conservateurs réduits maintenant à 11, les libéraux conquièrent 35 sièges supplémentaires, plus de 230 des 325 députés appartiennent à des factions libérales. Au-delà de l’enjeu originel, c’est une question de principe qui se trouve désormais posée, celle de la nature du régime.



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La Guerre d'unification italienne, la réaction prussienne et ses conséquences en Allemagne – Février à septembre 1859


Pendant près d'un demi-siècle depuis 1815, la Prusse s’est tenu en marge de la politique européenne, suivant le vent des grandes puissances, évitant les engagements et fuyant les conflits. Ella a évité de contrarier ses puissants voisins. Elle a accepté la tutelle russe sur sa politique étrangère. La Prusse a été la plus neutre des grandes puissances européennes avec le Royaume-Uni pendant la guerre du Danube (1853–1854), malgré une aide financière des banques prussiennes au tsar. Pour certains, il a même semblé que le statut de la Prusse en tant que membre du concert des grandes puissances européennes est devenu obsolète.

« Toujours appuyée sur quelqu'un, toujours quelqu'un pour l'aider, jamais disposée à s'aider elle-même […] présente aux congrès, mais absente dans les batailles […] prête à fournir toute quantité d'idéaux ou de sentiments, mais timide de tout ce qui savoure le réel. Elle a une grande armée, mais notoirement en aucune condition pour se battre. […] Personne ne compte sur elle comme amie; personne ne la redoute comme une ennemie. Comment elle est devenue une grande puissance, l’Histoire nous le raconte; pourquoi elle le demeure encore, personne ne peut le dire. »

La préhistoire culturelle de l'État-nation allemand remonte au XVIIIe siècle et au-delà, mais la chaîne d'événements qui a fait de sa fondation une possibilité politique commence avec la deuxième guerre d'unification italienne. Le 26 février 1859, l'Empire autrichien déclare la guerre au royaume nord-italien du Piémont et à la république sud-italienne de Naples. Mais il s’agit d’un conflit planifié à l'avance. Au cours de l'été 1858, le Premier ministre piémontais Camillo di Cavour a négocié une alliance défensive avec l'empereur Napoléon III de France, en parallèle d'accords signés avec le président Mazzini de la république napolitaine. A la fin de l'hiver 1859, Cavour et Mazzini provoquent Vienne en massant des troupes piémontaises près de la frontière avec la Lombardie autrichienne, et en soutenant des insurrections révolutionnaires inspirées par des agents napolitains dont le général Garibaldi. La déclaration de guerre autrichienne qui en résulte active les obligations de la France en vertu des traités secrets. Les troupes françaises se précipitent vers le sud à travers les Alpes lors de la première grande mobilisation ferroviaire (qui est très étudiée par le feldmarschall Helmuth von Moltke). Entre la fin avril et la mi-mai, les forces conjointes franco-italiennes occupent la Lombardie et les duchés italiens, remportant une  grande victoire contre les Autrichiens à Magenta-Abbiatograsso le 3 mai. Le Piémont annexe le duché de Lombardie et persuade le duché de Parme dans une union avec Turin, tandis que la république de Naples s’approprie les Marches papales. Le Piémont contrôle désormais le nord de la péninsule et Naples le centre et le sud, et les choses pourraient rester ainsi, ne serait-ce pour la proclamation de la Confédération italienne au lendemain de la paix avec l'inclusion du souverain pontife.

Le régent prussien, Wilhelm, et son ministre des Affaires étrangères, Alexander von Schleinitz, ont répondu à ces événements avec la circonspection prussienne habituelle. Alors que le conflit franco-autrichien se profile, la Prusse reste sur un terrain neutre, n’adoptant ni l’option «conservatrice» d’une alliance avec Vienne, ni l’option «libérale» d’un partenariat avec la France contre l’Autriche. De Saint-Pétersbourg, où il représente maintenant les intérêts prussiens, le diplomate junker Otto von Bismarck presse Wilhelm de tirer profit de la crise pour porter un coup décisif à l'Autriche. Il l'invite à sommer François-Joseph de se retirer d'Allemagne sous peine de subir une attaque prussienne qui le mettrait dans l'obligation d'avoir à se battre en même temps sur deux fronts. Wilhelm ne donne pas suite à ce plan trop radical. Il n'empêche que, par des voies moins extrêmes, il entend bien tirer parti de la situation créée par la guerre. Il ne peut être pour lui question d'aider l'Autriche à restaurer son influence en Italie au nom de la seule solidarité conservatrice contre la Révolution incarnée à la fois par Napoléon III, Cavour et Mazzini. S'il doit intervenir, ce sera contre l'obtention d'avantages en Allemagne. Après la défaite des Autrichiens le 3 mai, à Abbiatograsso, la Prusse se dit prête à mobiliser des corps d'armée sur le Rhin. En échange, elle réclame que le commandement des forces armées de la Confédération lui soit remis. À peu près au même moment, Berlin menace de déployer de lourdes concentrations de troupes en Rhénanie pour dissuader Napoléon III d'étendre la sphère de ses opérations à l'intérieur des frontières de la Confédération. Incompatible avec le maintien de la suprématie autrichienne en Allemagne, l'exigence de l'intervention prussienne est rejetée par François-Joseph. Mis au pied du mur, celui-ci préfère traiter avec Napoléon III et renoncer à la Lombardie plutôt que de sacrifier les positions de l'Autriche en Allemagne.

Il n'y a rien de particulièrement remarquable ou d'inattendu dans ces mesures. En répondant ainsi à la crise italienne (et à la peur de la guerre française qui l'accompagne), le gouvernement prussien travaille dans les sillons bien usés d'une tentative de rivalité dualiste qui cherche à éviter la confrontation directe tout en saisissant l'occasion d'étendre l'influence prussienne aux dépens de l'Autriche. Pourtant, rétrospectivement, il est clair que la guerre d'Italie met la politique nationale prussienne sur un nouveau pied. Il est évident pour les contemporains qu'il y a des parallèles entre les situations délicates italienne et allemande. Dans les deux cas, un fort sentiment (au sein de l'élite éduquée) de la nationalité historique et culturelle coexiste avec le fait de la division dynastique et politique (bien que l'Italie n'ait que sept États distincts contre les trente-neuf de l'Allemagne). Dans les deux cas, c'est l'Autriche qui s’oppose à la consolidation nationale. Il y a aussi des parallèles clairs entre le Piémont et la Prusse. Les deux États sont connus pour leurs bureaucraties confiantes et leurs réformes de modernisation, et tous deux sont des monarchies constitutionnelles (depuis 1848). Chacun a cherché à supprimer le nationalisme populaire tout en manœuvrant pour étendre sa propre influence au nom de la nation sur les États inférieurs de sa sphère d'intérêt. Il est donc facile pour les petits amateurs allemands d'une union dirigée par la Prusse de projeter les événements italiens de 1859 sur la carte politique allemande.

Les événements de 1859 sont également instructifs à d'autres égards. Sous Napoléon III, la France apparaît comme une puissance prête à défier par la force l'ordre européen établi à Vienne en 1815. Les Prussiens ressentent plus que jamais la menace ancestrale d’outre-Rhin. L'effet de choc de l'intervention française en Italie a été accentué par les souvenirs du premier Napoléon, dont l'ascension avait commencé avec l'assujettissement de la péninsule italienne et s'était poursuivie avec une invasion de la Rhénanie. La mobilisation prussienne de 1856 n'a peut-être pas été le désastre que certains militaires ont décrit, mais elle ne fait rien pour apaiser le sentiment actuel de vulnérabilité à une France bonapartiste renaissante qui rassemble près de 200'000 hommes en quelques semaines sur les plaines du Pô. Quant aux Autrichiens, ils ont combattu avec acharnement pour conserver leurs possessions italiennes, infligeant plus de 6000 victimes aux franco-italiens à Magenta-Abbiatograsso. Ne lutteraient-ils pas également pour défendre leur prééminence politique au sein d'une Allemagne divisée ? La position de la Prusse est à certains égards pire que celle du Piémont, car il semble clair que les États intermédiaires de la « troisième Allemagne » (contrairement aux petites principautés du nord de l’Italie) soutiendraient l’Autriche dans toute lutte ouverte entre les deux hégémons allemands potentiels. «Presque toute l’Allemagne au cours des quarante dernières années a […] entretenu un esprit hostile contre la Prusse», écrit Wilhelm à Schleinitz le 26 août 1859, «et depuis quelques mois, ce phénomène est décidément en augmentation.»

Le bilan de cette crise est facile à tirer. Le refus de François-Joseph ne peut manquer de ramener la question allemande sur le devant de la scène et de raviver la rivalité austro-prussienne. À la suite du conflit, en Allemagne, les libéraux partisans de la solution petit-allemande s'organisent, en septembre 1859, au sein du Nationalverein (Société nationale). Autour de ce débat, la vie politique promet de s'animer de nouveau. Il est notamment à prévoir que les libéraux vont accentuer leur pression sur le gouvernement prussien.


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La Nouvelle Ère — 1857-1859

Quatrième chapitre — Periculum in mora


Quand le Deutsche Fortschrittspartei est formé, les membres de ce nouveau parti se prononcent pour la réduction de la durée du service militaire et le maintien de la Landwehr. Ils sont également favorables à une évolution de la répartition des pouvoirs en Prusse en faveur du parlement. Pour avoir un meilleur accès aux détails de la réforme de l'armée, ils font une requête concernant les détails du projet de loi des finances. Comme vu précédemment, aux élections de décembre 1858, le parti obtient 109 sièges, à comparer aux 16 sièges des conservateurs. Ce faisant, au lieu d'affaiblir le régent comme voulu, ils parviennent seulement à obtenir la démission du gouvernement libéral de la Neue Ära le 14 mars 1859, le Kronprinz ayant dissous l'assemblée 3 jours auparavant. Le parti progressiste se renforce encore lors de ces nouvelles élections, ils ont maintenant 133 mandats. Avec les libéraux de gauche, ils représentent soit deux tiers des sièges dans la chambre des représentants. Celle-ci présente au nouveau ministre-président récemment appointé, Adolf zu Hohenlohe-Ingelfingen, un projet de budget qui rejette la hausse des impôts prévue. La hausse des impôts de base et la prospérité de l'époque devaient permettre d'assurer une hausse des recettes de l'État, déjà fortement augmentées grâce aux réformes fiscales de von Patow de mars 1857. De plus, la chambre dépose un projet de loi concernant le service militaire. Le conflit devient budgétaire, les libéraux pensant que le gouvernement ne peut travailler sans budget.

Le parti progressiste demande non seulement la limitation du service militaire à 2 ans, mais également la dissolution de tous les régiments créés par la réforme de l'armée depuis deux ans. Une proposition de compromis du ministre de la guerre von Roon, avec deux ans de service militaire d'un côté et la création de 20 soldats de métiers par compagnies financés par un nouvel impôt, est rejetée à la fois par le régent et la chambre des députés. Cette dernière refuse également de débloquer 6 millions de thaler pour le renforcement de l'armée pour l'année 1859. Wilhelm, veut, grâce à cette réforme, renforcer son pouvoir et celui de la noblesse qui forme la majorité du corps des officiers. De son côté, le parlement veut grâce au blocage budgétaire élargir ses pouvoirs et faire de l'armée de conscrits la colonne vertébrale de l'armée prussienne. Pour ce faire le parti progressiste est prêt à tout, même à refuser d'obéir aux ordres de l'État et de l'armée.

Il y a un moment de paranoïa collective dans les premiers mois de 1859 lorsque les opinions extrêmes du général Edwin von Manteuffel ont une certaine résonance parmi les conservateurs proches du régent, mais le consensus postrévolutionnaire reste ferme et la « grande heure » du général ne vient pas. Ni le Kronprinz Wilhelm, ni la majorité de ses conseillers politiques et militaires n'envisagent sérieusement une rupture totale avec la constitution. Le ministre de la guerre, Albrecht von Roon, l'architecte en chef des réformes proposées, préfère rechercher un compromis qui épargnerait le système tout en préservant l'essence du programme de réformes. En résumé, le régent refuse de se soumettre, mais écarte l’idée d’un coup de force préconisée par ses conseillers militaires. Bref, c'est l'impasse. Face à ce blocage, Wilhelm envisage d'abdiquer. Il évoque cette issue, le 17 septembre, devant ses ministres. Il s'effacerait devant son fils Frédéric dont les sympathies libérales ne sont un mystère pour personne. Il rédige même son acte d’abdication, et l’on peut sans doute regretter qu’il l’ait ensuite repris : son fils Frédéric, d’esprit libérale, marié à la princesse Victoria du Royaume-Uni, aurait probablement orienté la monarchie prussienne vers un régime parlementaire. Pourtant, avant qu'il ne se résolve à ce parti, son ministre de la guerre, le général comte von Roon, parvient à le convaincre de se retirer du gouffre et de tenter une dernière carte : l'appel à Otto von Bismarck.

Bismarck, devenu entre-temps ambassadeur en France, a été rappelé quelques jours plus tôt par un billet de Roon resté fameux : « Periculum in mora. Dépêchez-vous. » Faute d’alternative, le 22 septembre 1859, Wilhelm, en derniers recours, nomme ministre-président de Prusse l’homme du parti militaire, celui qui incarne aux yeux des libéraux la contre-révolution la plus brutale, et cela en dépit des graves préventions qu’il nourrit contre lui. Manœuvre bien concertée, exécutée à point nommé, ou fuite en avant ? « Je vois l’endroit où l’on vous coupera la tête, aurait déclaré le prince au nouveau ministre, et la mienne tombera après.
Il est beau de mourir en défendant les droits de l’État », répond ce dernier. En réalité, l’opération se tramait depuis des mois, et Bismarck a choisi à peu près son heure, laissant délibérément monter la tension à Berlin, tandis qu’il refaisait ses forces en nageant à Biarritz. Mais désormais, avec la nomination de Bismarck au poste de ministre-président et ministre des affaires étrangères de Prusse, la révolution par le haut peut commencer.



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Premier chapitre — La Lückentheorie


Lorsqu'il est reçu par le régent, le 22 septembre, au château de Babelsberg, Bismarck n'est pas un homo novus. Ce Junker poméranien, maintenant âgé de quarante-quatre ans, est entré sur la scène politique au Landtag uni où il s'est immédiatement acquis la réputation d'un réactionnaire impénitent. La révolution de 1848 ne corrige pas cette image. Aux côtés des frères Gerlach, Bismarck participe au lancement du parti conservateur prussien et de son organe, la Kreuzzeitung. Réagissant à ses positions radicales, Friedrich Wilhelm IV le traite de « réactionnaire rouge » et note, en face de son nom, « à n'utiliser que lorsque les baïonnettes parleront en maîtres ». Faut-il croire que ce temps est venu après Olmütz ? Bismarck commence alors une carrière de diplomate. Nommé à Francfort, où il lui arrive plus d'une fois d'interpréter à sa manière les instructions de son ministre, il se convainc rapidement que la Prusse et l'Autriche sont engagées dans un duel qui ne peut avoir d'autre issue qu'un conflit pour la prééminence en Allemagne. Au service de cet objectif, il n'hésite pas à préconiser des solutions radicales. Face à la crise orientale, comme en 1859, il presse en vain les responsables prussiens de suivre l'exemple de Frédéric II et de mettre l'Autriche au pied du mur. S'il ne fait pas partie de la charrette des victimes de l'« ère nouvelle », il est muté à Saint-Pétersbourg, avant d'être appelé, au début de 1859, au poste de Paris. En quelques années, il aura donc occupé trois des ambassades les plus prestigieuses de la diplomatie prussienne.

À beaucoup, Bismarck fait figure de non-conformiste, pour ne pas dire d'aventurier. Pour preuve, sans la souhaiter formellement, il n'exclut pas une alliance avec la France si celle-ci devait aider la Prusse à régler la question allemande à son avantage. Ce calcul lui vaut la réputation de bonapartisme. Par son refus de donner le pas à l'idéologie, il commence à sentir le soufre pour certains de ses amis conservateurs. S'il reconnaît ses mérites, Wilhelm lui-même n'est pas sans lui marquer une sorte de réserve, si ce n'est de prévention. Pour qu'il envisage de lui confier la direction du gouvernement, il faut donc qu'il soit aux abois. Bismarck déploie toutes les facettes de son talent pour vaincre les réticences du régent. À la question cruciale : « est-il prêt à s'engager pour la réorganisation de l'armée » et, dans ce cas, « contre la majorité de la diète et ses votes », il répond naturellement par l'affirmative. Mais il poursuit par une analyse qui ne peut aller que droit au cœur du prince. Le débat, explique-t-il, n'est plus entre le conservatisme et le libéralisme, mais entre la primauté du pouvoir monarchique et la toute-puissance du parlement. Au point où les choses en sont arrivées, seule une période de dictature sauvera la Prusse du fléau d'un régime parlementaire. Si le régent veut bien retenir cette option, Bismarck gouvernera, s'il le faut, en dehors du cadre constitutionnel, quelle que soit par ailleurs la tempête de protestations qu'un tel parti ne manquera pas de soulever. Au sortir de l'audience, la décision est prise : Bismarck cumulera les fonctions de chef du gouvernement et de ministre des Affaires étrangères. Pourtant, en cette fin de septembre 1859, bien peu parieraient sur la longévité ministérielle de Bismarck. Sa marge de manœuvre risque d'être des plus étroites. L'autorité du nouveau chef du gouvernement lui vient de la confiance du régent. Mais est-il sûr que celui-ci la lui maintiendra ? Ses vieilles préventions ne reprendront-elles pas le dessus ? La question mérite d'autant plus d'être posée que, dans l'entourage de Wilhelm, la reine Augusta et le prince héritier l'encouragent dans ce sens. Bismarck peut compter sur le soutien des conservateurs. Mais parmi eux, certains le tiennent déjà en suspicion. Quant aux libéraux, prompts à voir en lui l'archétype du Junker arrogant, ils ne seront nullement disposés à le ménager. Pour Bismarck, il n'y aura donc pas d'état de grâce.

A l'automne 1859, Bismarck est ainsi installé comme ministre-président à Berlin. Son objectif, comme il l’a expliqué dans une lettre au prince héritier, est de parvenir à « un accord avec la majorité des députés », tout en préservant les pouvoirs de la couronne et la compétence de l’armée. Bismarck ouvre le jeu en concoctant un programme de réforme militaire modifié qui élargirait l'armée et assurerait le contrôle du gouvernement dans des domaines clés tout en répondant à la demande libérale d'un service de deux ans. Mais ce pari échoue sur la résistance d'Edwin von Manteuffel, qui réussie à persuader le Kronprinz de ne pas apporter son soutien. C'est le vieux problème de l'antichambre du pouvoir. Bismarck comprend immédiatement que la clé pour rester au pouvoir réside désormais dans la neutralisation de tous les rivaux pour la confiance du régent, et il modifie sa politique en conséquence. Le bras de fer éclate aussitôt.

La tentative de compromis est abandonnée et Bismarck passe à une politique de confrontation ouverte destinée à assurer le régent de son dévouement absolu à la couronne et à ses intérêts. À la stratégie de blocage menée par les libéraux, le ministre tire de sa manche l’argument du « vide constitutionnel », la Lückentheorie. En effet, il résout le conflit en se posant la question suivante: « Comment doit se trancher un tel conflit constitutionnel entre le parlement et le régent ? ». La Constitution prussienne, observe-t-il, n’a rien prévu pour surmonter la contradiction éventuelle entre les deux pouvoirs exécutif et législatif, dont les droits sont égaux. Bismarck considère qu'il s'agit d'une lacune dans la Constitution. Or dans ce cas, le droit constitutionnel donne la décision à celui qui détient le pouvoir, qui peut l'imposer grâce aux militaires notamment, c'est-à-dire au régent. La chambre des députés de son côté continue de surestimer sa puissance, notamment en matière constitutionnelle. Elle ne possède en effet dans les textes aucune mainmise sur le budget. D'après l'article 62, paragraphe 1 de la Constitution prussienne, l'autorité sur le sujet revient conjointement au roi, à la première et à la seconde chambre du parlement. La chambre des députés n'est donc qu'un des trois organes chargés du budget, elle n'a aucune supériorité sur les autres et est forcée de négocier avec les autres organes en cas de désaccord. Or, si la chambre basse le combat, le gouvernement dispose du soutien de la chambre haute dominée par la noblesse conservatrice. Les députés se sentent blessés par cet état de fait, et se retrouvent bloqués, non seulement sur la question du budget militaire mais également dans sa lutte contre la réforme en général. Mais en attendant que ce point soit tranché, le gouvernement a le devoir d’assumer le fonctionnement du pays, ce qui lui donne le droit d’administrer sans budget si nécessaire. C’est justifier la dictature, au moins provisoirement

Aux protestations des libéraux, il répond par un discours incisif, le 30 septembre 1859 devant la commission du Budget : après avoir tiré de sa poche de manière théâtrale une branche d’olivier récemment cueillie en Provence, il croit pouvoir se laisser aller à des confidences dangereuses. Il faut renforcer l’armée, explique-t-il à ses interlocuteurs, parce que « si l’Allemagne tourne ses regards vers la Prusse, ce n’est pas pour son libéralisme, mais pour sa puissance. La Bavière, le Wurtemberg ou le Bade peuvent coqueter avec le libéralisme, aucun d’eux n’aura jamais à assumer le rôle de la Prusse. La Prusse, elle, doit rassembler ses forces, et se préparer à saisir l’instant favorable, que l’on a déjà laissé passer plusieurs fois. Les frontières de 1815 ne peuvent assurer à la Prusse un équilibre satisfaisant. Ce n’est pas avec des discours et des majorités parlementaires que l’on résoudra les grandes questions de notre temps, mais par le fer et par le sang. » Ces propos restés fameux connaissent aussitôt un immense retentissement dans toute l’Allemagne, et ne font qu’aiguiser le soupçon que le nouveau ministre veut opérer une diversion sur le terrain de la politique extérieure. Le grand-duc de Bade, gendre de Wilhelm, parle de « canaillerie d’un junker carriériste », et Bismarck doit courir au-devant de son maître dans une gare de province pour désamorcer à temps son irritation : mais le régent a trop besoin du ministre pour s’arrêter à cette gaffe.



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Le Révolutionnaire Blanc — 1859-1861

Second chapitre — La dictature bismarckienne


Décidé à imposer la prééminence de l’exécutif, Bismarck a annoncé au terme de son discours du 30 septembre 1859 qu’il renonçait comme prévu à présenter un projet de budget pour 1860. Comme l’opposition, invoquant l’article 99 de la Constitution, lui avait déclaré d’avance illégales toute recette fiscale perçue et toute dépense engagée sans le consentement de la Chambre, le ministre lui a opposé sa théorie du « vide constitutionnel », qu'il a accompagné de ce fameux discours. Par cette sortie, Bismarck a voulu souligner l'impuissance des recettes anciennes à régler la question allemande. C'est sur sa puissance militaire que la Prusse établira, en Allemagne, un rapport de forces à son avantage ; elle y trouvera les moyens de donner sa nouvelle organisation au corps germanique. Ainsi, les derniers verrous pour la réforme de l'armée ont sauté. Le reste de la somme requise pour la complétion du projet militaire, haute de 19.1 millions de thalers, est ainsi débloquée, mais Bismarck n'entend pas écrouler le budget de la couronne sous les obligations et les petits emprunts aux banques prussiennes, il veut conserver l'épargne des sujets du roi pour les projets économiques, industriels et mobiliers. Il décide à la place d'aller voir les ambassadeurs de France et de Grande-Bretagne, pour ouvrir une passerelle vers les notables des branches française et anglaise de la grande maison Rothschild. Deux crédits, de 20 millions de thalers chacun sont commandés aux deux banques. Ces fonds viennent rembourser une partie des obligations et des emprunts tenus depuis le début de la réforme, et complètent la somme restante (les détails de ces opérations financières et de leurs traités seront abordées dans la chapitre de la Realpolitik). Ainsi, pour le budget de la réforme, on compte au total sur les années 57 à 60, 61 600 000 thalers, dont 40 millions empruntés aux banques Rothschild sous garantis franco-anglaises, et 21 600 000 thalers accrédités via des obligations et des emprunts aux banques de Prusse. Bismarck respecte son objectif de limiter au mieux le brassage des épargnes prussiennes dans l'appareil étatique, pour les rediriger vers les secteurs de l'économie. Avec le déblocage du budget, l'armée bénéficie également, grâce au coup de force de Bismarck, du service militaire de 3 ans pour les régiments de ligne, et de la fin de la Landwehr autonome, qui s'assimile complètement à la réserve (détails de la composition de l'armée dans le bilan de la réforme). La réforme peut ainsi accomplir les rêves de von Roon, von Moltke et du régent Wilhelm.

Cependant, l'interprétation qu'ont les libéraux des ambitions du ministre-président exprimées dans son discours du fer et du sang, est tout autre. Les propos incendiaires de Bismarck n'ont eu d'autre objet que de menacer la diète du recours à la force armée pour briser sa résistance. Les réactions à ce discours ne se font alors pas attendre. Les libéraux stigmatisent une provocation délibérée, une intolérable agression contre les principes de 1848. S'en prenant directement à Bismarck, le Nationalverein dénonce « le suppôt de la réaction de droit divin ». Cette passe d'armes n'ébranle pas Bismarck. Comme il s'y était engagé auprès de Wilhelm, pour le cas où il ne parviendrait pas à un accord avec l'opposition, il gouverne sans budget. Même s'il justifie le procédé par sa théorie du « vide constitutionnel », celui-ci s'apparente bel et bien à un coup de force. Néanmoins, les réformes militaires ont été mises en œuvre et les impôts perçus sans l'approbation du Parlement, les fonctionnaires ont été informés que la désobéissance et l'engagement politique avec l'opposition seraient punis par un licenciement immédiat, et le Parlement a été poussé à des expressions d'indignation inefficaces et autodestructrices. Tout cela suffit finalement à convaincre le régent de la compétence et de la fiabilité de Bismarck et ce-dernier commence rapidement à éclipser les autres concurrents pour avoir une influence sur le prince.

À d’autres égards, cependant, la position de Bismarck reste extrêmement fragile. A la rentrée de janvier 1860, la Chambre vote une adresse très critique contre le gouvernement, au terme d’un vif débat qui fait ressortir l’enjeu réel du conflit : principe monarchique ou régime parlementaire ? Pour Bismarck, « la monarchie prussienne n’a pas terminé sa mission, il n’est pas temps encore qu’elle devienne un simple ornement de la Constitution. » Et de conclure : « Vous attendez que la couronne s’incline, et nous, nous attendons que vous vous incliniez. » De toute façon, si l’impasse reste entière, c’est le régent qui dispose de la force, ajoute-t-il cyniquement. En juin, après avoir de nouveau ajourné les Chambres, il publie une ordonnance très répressive contre la presse, provoquant le désaveu du prince Frédéric, qui déclare à Dantzig qu’il « n’a eu aucune part dans les mesures qui viennent d’être prises ». Le régent prive son fils de la parole, mais l’agitation s’amplifie dans le pays, il faut interdire aux municipalités d’évoquer les questions politiques, sanctionner les professeurs de droit. Cela n’empêche pas les électeurs, après la dissolution de l’été, et malgré de fortes pressions, de renvoyer une majorité à peine modifiée aux élections d'octobre 1860, les deux groupes libéraux maintiennent leurs positions avec 258 élus sur 350. Passant de 11 à 36 élus, les conservateurs enregistrent certes une remontée mais ces sièges sont essentiellement gagnés sur les libéraux conservateurs qui sortent laminés du scrutin.

Le système des trois classes joue en l’occurrence contre le gouvernement, car la bourgeoisie aisée pèse lourd sans être vraiment accessible aux pressions : au vu de quoi Bismarck songe sérieusement à introduire en Prusse le suffrage universel, qui avait fait la preuve de son conservatisme dans la France de Napoléon III. Le socialiste Lassalle le lui conseille au cours de conversations secrètes, mû quant à lui par l’idée que l’État pourrait en contrepartie soutenir les ouvriers face aux capitalistes. C’est pousser trop loin l’audace aux yeux du régent et de la plupart des contemporains. La bataille pour l'opinion publique semble perdue. Le régent est si abattu par les résultats des élections qu'il aurait sombré dans le découragement et aurait remarqué, tout en regardant d'une fenêtre au-dessus de la place du Palais: "Là-bas, c'est là qu'ils mettront une guillotine pour moi."

Le conflit devient donc chronique, mais sur une sorte de théâtre d’ombres. Les impôts rentrent, les affaires marchent, l’État fonctionne, nul ne songe à déclencher un processus révolutionnaire. Les députés eux-mêmes travaillent, votent des lois, ratifient des traités, même si leurs sessions ne durent plus chaque année que quelques semaines : la Constitution n’a pas été suspendue. Bismarck prévoit que ce sera finalement le détour de la politique extérieure qui permettra de sortir de l’impasse.



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Realpolitik — Acte I : 1859-1861

Le tournant diplomatique bismarckien


Depuis le congrès de Vienne de 1815, la Prusse s'était mise en retrait de la diplomatie européenne, toujours écoutant la Russie, toujours essayant de gratter du terrain à l'Autriche en Allemagne, sans chercher la confrontation directe, et, si menacée par d'autres puissances, toujours se couchant au premier grincement de dents. Mais le nouveau ministre-président, à l'inverse de ses prédécesseurs, a bien saisis que jamais la Prusse n'atteindrait la grandeur en s'enfermant dans des traditions ou des idéologies politiques nuisant à ses intérêts. La Prusse doit avant tout penser à elle et à ce qui peut la développer, toujours elle doit penser pragmatique plutôt qu'idéologique, et, si parfois l'idéologie peut la servir, alors elle ne doit pas s'en priver.

Pour le premier épisode de cette diplomatie qui s'inspire de la théorie de Rochau sur la Realpolitik, Bismarck n’a pas attendu longtemps pour se saisir de la question pour lui essentielle, celle des rapports avec l’Autriche au sein de la Confédération germanique. Dès le mois de décembre 1859, il se fait très menaçant dans un entretien avec l’ambassadeur Karolyi, reproche à l’Autriche de priver la Prusse de son « air vital » en s’appuyant sur le Hanovre, lui conseille de déplacer son axe vers l’est et parle de « croiser les baïonnettes » s’il le faut. Mais il se montre aussi rassurant avec l'empereur de Vienne si ce-dernier admet un pas en avant. Jusqu'à maintenant, il est vrai que Vienne a toujours considéré son homologue du nord comme un subordonné germain parmi les autres, mais un subordonné qu'il fallait humilier de temps en temps pour dresser. Bismarck transmet des cachets privés à François-Joseph sur des possibilités politiques secrètes. Ce-dernier se fait pensif et ne renvoie pas directement son avis, mais aucun doute que l'empereur Habsbourg voit là une occasion.

Le second épisode se joue une nouvelle fois sur le terrain économique. Un traité de libre-échange franco-prussien, signé en mars 1860 avec un projet ferroviaire devant relier la Sarre à Metz, pour compléter les premiers échanges financiers tenus en 1859, suscite quelques réticences, en Bavière et en Wurtemberg notamment, du fait d’intérêts textiles, et l’adhésion du Zollverein au traité n’est pas acquise. Mais le congrès des entrepreneurs allemands (Deutscher Handelstag), réuni à Munich en octobre 1860, approuve clairement l’option libre-échangiste. Celui-ci exclue toute adhésion de l’Autriche, bien incapable de supporter la concurrence extérieure. La Prusse force de nouveau la main aux gouvernements réticents, avec le concours de leurs propres opinions publiques, en les menaçant de dissoudre l’Union douanière : le traité est ratifié et Bismarck profite de cette victoire pour également faire admettre les traités italo-prussien et russo-prussien, la solidarité économique imposant de nouveau son évidence. L’unité allemande s’est déjà faite « par le fer et par le charbon ».

En ce qui concerne les détails des traités conclus par le ministre-président, en voici les termes :

Traité Franco-prussien de mars 1860 :

- L'Empire des Français et le Royaume de Prusse s'engagent dans un traité de libre-échange sur les matières premières et certains produits finis.
- L'Empire des Français confirme le prêt de 75 millions de Francs (20M de Thalers) versé par la Banque Rothschild de France en 1859, avec un taux d'intérêt de 5% sur 5 ans, et appose sa garantie sur 5% du montant.
- Construction d'une ligne ferroviaire reliant la vallée de la Sarre et ses affluents rhénans à la Lorraine, de Sarrelouis à Metz, réservés aux capitaux franco-prussien à part égale.
- Napoléon III invitera personnellement le Kronprinz-régent Wilhelm de Prusse, son fils le prince Frédéric de Prusse, son ministre-président le comte de Bismarck, son ministre de la Guerre le comte de Roon, et son chef d'état-major le comte de Moltke, ainsi que toute la suite qu'ils jugeront convenue, pour une parade et des exercices militaires démonstratifs au camp de Châlons pour le 11 mai 1861, dans l'esprit de célébrer l'anniversaire de la bataille de Fontenoy de 1745. L'empereur des Français et sa suite seront ensuite conviés à une parade militaire à Postdam le 4 juin pour y fêter l'anniversaire de la bataille de Hohenfriedberg, toujours dans le même honneur.

Traité Anglo-prussien d'avril 1860.

- Le Royaume-Uni confirme le prêt de 3 millions de Livres (20M de Thalers) versé par la Banque Rothschild d'Angleterre en 1859, avec un taux d'intérêt de 5% sur 5 ans, et appose sa garantie sur 5% du montant.

Traité Italo-prussien de mai 1860.

-Baisse des douanes de la République sur la coke, le fer et le matériel ferroviaire issu des pays du Zollverein à la hauteur de 10-11% L'accord sera ensuite présenté devant le parlement confédéral italien qui devra l'approuver pour le reste des États.
-Baisse des douanes du Zollverein sur les importations agricoles italiennes, excepté le blé et la pomme de terre, à un taux de 10 % devant être approuvé par les États membres de l'union douanière allemande.
-Concession d'une ligne Naples-Rome-Florence aux capitaux prussiens, garantie à 5% par Berlin. Cette ligne sera exemptée d'impôts pour quatre ans. Accord à présenter devant le parlement confédéral italien pour les portions au sein des États centraux.
- En outre, pour marquer le rapprochement entre la Confédération et la Prusse, le chancelier et le régent de Prusse sont conviés à la prochaine grande manœuvre militaire qui aura lieu en avril 1862. Invitation qui sera rendue par le prince Wilhelm lors des prochains exercices militaires à Berlin-Postdam en juillet de la même année.

Traité Russo-prussien de juin 1860.

- A partie de 1860, et pour 5 ans, l'empire de Russie maintient encore ses douanes à 15% sur les machines outils prussiennes, qu'il conjugue avec un abaissement au même niveau des droits sur la fonderie, ainsi que pour 800 000 tonnes de charbon de terre importés chaque année, tout dépassement de cette limite sera taxé à 20%.
- Le royaume de Prusse, au nom de tout le Zollverein, abaisse les douanes de l'union douanière sur l'importation de bois et de fourrures russes à 10%.
- Alexandre II et Wilhelm Ier se rencontreront à Borissov du 26 au 29 novembre 1862 pour fêter les 50 ans de la bataille de la Bérézina dans une grande parade militaire. Une seconde rencontre se tiendra le 19 octobre 1863 pour célébrer les 50 ans de la bataille de Leipzig également.

Traité Espagnol-prussien de juillet 1860.

- Le Royaume d'Espagne concède une charte pour un projet ferroviaire devant traverser les villes de Madrid, Saragosse et Barcelone, aux compagnies ferroviaires prussiennes. Le Royaume de Prusse appose une garantie de 5% pour les causalités des risques.

Traité Hollando-prussien de juillet 1860.

- Le Royaume des Pays-Bas et le Royaume de Prusse s'accordent pour la construction d'une ligne ferroviaire entre Trèves et Luxembourg, de 38km, financés à part égale par leurs privés.

Traité Turco-prussien d'août 1860.

- L'empire turc cède ses monopoles sur les mines de fer et de cuivre aux privés prussiens. La Sublime Porte imposera une taxe sur les bénéfices encoures par les sociétés prussiennes de 10%
- L'empire turc abaisse l'intégralité de ses douanes sur l'intégralité des produits prussiens importés à une valeur de 10%.

La diplomatie du ministre-président essuie de nombreuses critiques de la part des conservateurs les plus fermés d'esprit, car elle s'allie la sympathie de la France napoléonienne et l'amitié de l'Italie rebelle. Mais les pas amenés vers le vieil allié russe contrebalancent le mécontentement. Mais à l'aube de l'an 1861, plus personne n'ose débattre des affaires de la couronne, puisque le roi Friedrich Wilhelm IV décède le 2 janvier, après 20 ans de règne, à l'âge de 65 ans. Sans héritier, c'est son frère, le prince Wilhelm, régent depuis 1857, qui lui succède sous le nom de Wilhelm Ier, alors âgé de 63 ans. Ce dernier consacre son règne dans une cérémonie de couronnement à Königsberg le 18 octobre, la première tenue depuis 1701, au cours de laquelle, geste fort, il se pose lui-même la couronne sur la tête. Un nouvel âge s'inscrit dans l'histoire de la Prusse et du continent.


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Le dirigisme à la prussienne — Acte III : 1857-1859

Troisième chapitre — Relance économique


Les lendemains du krach de 1857, le cabinet du prince de Sigmaringen convient d'adopter un plan économique en 1858. Celui-ci vise à la nationalisation des sociétés ferroviaires qui ont fait faillite, celles-ci ayant prouvé leur instabilité, étant incapables de résister à une crise de moindre ampleur, elles sont donc méthodiquement racheté à des prix misérables, plus symboliques que représentatifs de leur valeur. Les autres compagnies bénéficieront, elles, d'allégements fiscaux s'élevant de 1/10e à 1/2e, en fonction de leur difficultés résultant de la crise, financés en partie par les nouvelles recettes obtenus des réformes fiscales de 1857. L'état cherche à soutenir le secteur du rail dans sa relance, et pour aller plus loin, lui concède de nouvelles chartes, notamment en Rhénanie pour relier les villes de Sarrelouis et Cologne ; en Westphalie pour unir les villes de Plettenberg et Warburg, et Coblence et Wissen ; en Hesse prussienne entre les villes de Halle, Erfurt, et Mühlhausen ; et enfin en Brandebourg et Saxe prussienne pour relier les villes de Berlin et Dresden, dans le Royaume de Saxe. La couronne, elle, s'approprie un crédit de 16 millions de thalers par des obligations et petits emprunts à bas taux pour financer la construction de lignes publiques entre Posen et Bromberg afin de fermer la boucle en Posnanie, et Königsberg et Eydtkuhnen pour approcher la frontière russe en Prusse orientale. L'ensemble de ces projets devrait être complété d'ici 1862 au plus tard, soit dans 5 ans.

Ces projets ferroviaires sont accompagnés par la continuation du développement des lignes télégraphiques en Prusse. Le gouvernement décide de remplacer les lignes optiques par des lignes électriques. L'État y laisse participer les privés comme toujours, il les encourage même, mais prend la décision d'injecter également 1 350 000 thalers annuel afin de les soutenir et montrer la voie aux plus réticents d'entre eux. L'objectif visé est d'atteindre les 28'000 km de câbles d'ici 1861. Des accords sont négociés au sein du Zollverein pour faire traverser les câbles à travers les états qui séparent en deux le royaume, mais aussi pour relier ces-derniers aux villes prussiennes, toujours dans l'optique de fluidifier les échanges dans l'Union douanière.

Concernant les subventions et les allégements fiscaux accordés depuis 1854 aux sociétés de l'industrie lourde, à savoir la houille et l'acier (mines de charbons, de fer, haut fourneaux, coke, fours, fonderies), les premières s'élevant au total à 3 millions de thalers par an, et les secondes impliquant des réductions de 1/6e pour les compagnies de plus de 10 ans, de 1/2e pour les compagnies vielles de 5 à 10 ans, et une exemption d'impôts pour les sociétés naissantes qui ont une ancienneté inférieure à 5 ans inclus, sont maintenues pour encore 3 ans.

Une dernière note, provenant cette fois-ci du ministère de la guerre, mais plus précisément du chef d'état major général, Helmuth von Moltke, le budget alloué aux fortifications est réduis. Celles-ci d'après le général, sont inadaptées aux nouveautés de la guerre, l'importance des chemins de fer et des lignes télégraphiques leur est supérieur, Moltke fondant son analyse sur la mobilité d'une armée plutôt que sur la défense d'un territoire. Les coupures dans le budget des forts seront proportionnelles aux sommes investis annuellement dans le télégraphe. Par ailleurs, il est décidé de placer sous tutelle militaire les Chemins de fer d'État de la Prusse. Le ministre de la Guerre, Albrecht von Roon, annonce enfin qu'à compter de cette année, les parcs d'artillerie seront fournis en canons par la société sidérurgique privée Krupp, siégeant à Essen en Rhénanie.


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Le dirigisme à la prussienne — Acte IV : 1859-1861

La révision bismarckienne de la politique économique


Le nouveau ministre-président se veut formel sur la politique économique du royaume : il faut cesser de creuser le déficit pour la main étatique. Bismarck abandonne ainsi la politique des subventions aux sociétés de l'industrie lourde, la jugeant mauvaise pour le budget de la couronne. Maintenant qu'elles se sont développées dans les années 50, et que la crise de 57 est passée, elles sont à même de poursuivre leurs profits sans le soutien direct de l'État. Il lui préfère une politique d'expansion de la demande extérieure pour accroître la productivité des sociétés industrielles et minières prussiennes. En cela contribuent tous les accords douaniers signés sous son mandat.
Aussi, après avoir échangé avec son fondateur, le grand industriel-financier Gustav von Mevissen, par le biais de son ami banquier Gerson von Bleichröder, Bismarck obtient une participation plus active de la Darmstädter Bank für Handel und Industrie (Banque de Darmstadt pour le commerce et l'industrie) dans l'investissement des sociétés industrielles de l'acier et de la houille, en compagnie de la  Schaaffhausen'scher Bankverein, toutes deux se voyant accorder en échange des parts majoritaires dans les monopoles de fer et de cuivre accordés par l'empire turc.
C'est dans ces deux mesures, commerciale et financière, que les sociétés privés retrouveront leurs subventions perdues, et plus encore.

Parallèlement, il met fin aux allégements fiscaux pour les compagnies ferroviaires, celles-ci se sont rétablies de la crise désormais, mais il maintient ceux accordés aux sociétés de l'industrie lourde depuis 1854, mais à des taux réévalués : 1/8e pour les compagnies vielles de 5 à 10 ans, et 1/6e pour les sociétés naissantes qui ont une ancienneté inférieure à 5 ans inclus.

Bismarck promet également le relancement de la croissance du secteur ferroviaire, en ralentissement depuis 1857 malgré les aides sous le cabinet Sigmaringen. Tout d'abord, après des négociations avec son fondateur, Adolph von Hansemann, il décide de faire garantir par la Couronne les prêts accordés par la Direktion der Disconto-Gesellschaft aux sociétés ferroviaires, à hauteur de 5%, droit dont jouiront également les Landkredit et Immobilienkredit, sans oublier la Berliner Handels-Gesellschaft (laquelle son ami Bleichröder en est l'un des fondateur). Bismarck, par cette mesure, veut encourager et multiplier le financement des lignes privés en Prusse. Ensuite, par des chartes négociées à l'étranger, il espère ici trouver de nouvelles opportunités pour les compagnies ferroviaires prussiennes, dominantes en Allemagne, dans les nouveaux terreaux que sont l'Espagne, mais surtout l'Italie, où elles devraient trouver moyen de continuer leurs investissements massifs et accroître leurs capitaux, toujours avec le soutien des banques garanties par l'État. Le ministre impose cependant à ses compagnies d'importer matériaux et ressources prussiennes uniquement pour l'édification de leurs lignes à l'étranger. Cette condition a été approuvée en « salon » par les délégués italiens et espagnols, mais guère en public pour ne pas dévoiler cette violation de la liberté de marché.

Il est aussi décidé, le 16 mars 1861, de réunir les faubourgs de Berlin et la capitale elle-même dans sous une même administration au sein du Grand Berlin, à l'image de Paris, Vienne et Londres. Qui plus est, de grands travaux de rénovation, de canalisations, d'éclairages, mais surtout de grandes avenues pavées sont prévus. Encore une fois, on s'inspire des travaux Haussmann à Paris, et les moyens de financements seront les mêmes. On appelle alors les Landkredit (Crédit Foncier) et Immobilienkredit (Crédit Mobilier) pour débuter le financement des travaux dans toute la ville, et notamment l'investissement dans l'immobilier qu'on veut stimuler en marché florissant. On ne souhaite pas encore investir massivement au gouvernement, le budget étant déjà très occupé par la réforme militaire, le télégraphe et les chemins de fer. Mais à titre symbolique du moins, le Landtag vote une participation publique de 5 millions de thalers dans la construction du Grand Berlin pour cette année. Ce projet très ambitieux se fera sur plusieurs années, voire toute une décennie, 1861 se doit alors d'être une année de préparation et de recherche de fonds. On veut avant tout trouver des investisseurs, les travaux cette année seront donc modestes, le temps que ces premiers objectifs soient remplis, ils ne commenceront vraiment qu'en 1862 voire 1863.

Enfin, de par son coup de force avec la théorie du vide constitutionnel, il obtient les augmentations d'impôts indirects de 1/12e de leurs taux actuel sur le sel, le tabac, l'alcool, le thé et les billets de loterie, qui avaient été refusé en 1858 au cabinet Sigmaringen. Il défend que le pouvoir d'achats des Prussiens ayant augmenté, il convient de faire suivre les impôts à cette courbe, sans brutalité cependant, il est préférable que les Prussiens s'enrichissent plus que les impôts ne gonflent.


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Bilan de la Réforme militaire — 1857-1862


Production du fusil à aiguille/culasse :
1 grande production de fusils à culasse  = 57 58 59 60 61 62 = 240 000
1 grande production de fusils à culasse  = 58 59 60 61 62 = 200 000
Total = 440 000 fusils Dreyse en 1862, pour un coût de 24 millions de thalers soit 90 M de Francs

Formation et équipement des 21 divisons :
1857 = 9.5 millions de thaler soit 35 625 000 F pour 6 DI
1858 = 5 millions de thalers soit 18 750 000 F pour 3 DI
1859 (60 61 62) = 19.1 millions de thalers soit 71 625 000 F pour 12 DI.
1857 - 1862 = 33.6 millions de thalers, soit 126 M de Francs pour 21 DI.

Total budget dédié à la réforme = 90 M de francs pour la production de Dreyse + 126 M de francs pour équiper et former les divisions.
                                                                   = 216 millions de francs soit 57 600 000 thalers

17 600 000 thalers (66 M fr) financés par les banques et obligations prussiennes, 40 millions de thalers (150 M fr) prêtés par les banques Rothschild de France et GB, avec 20 M chacune (75 M fr sur 5 ans avec 5% d'intérêt et 5% du montant du prêt garantis par le pays résidentiel de la banque).


Armée prussienne :

3 ans de service (ou 2 ans pour les armes autres que l’infanterie), 4 ans de réserve de 1er ban (ou 3 ans pour les armes autres que l’infanterie), 5 ans de réserve de 2e ban, 12 ans de réserve du 3e ban – 65 000 hommes / an
Armée totale : 455 000 hommes d’actifs et de 1er ban, 325 000 hommes du 2e ban, 780 000 hommes du 3e ban (Milice)
Armée de campagne : 300 000 actifs de campagne, 240 000 réservistes, 500 000 miliciens

Le commandement de l'armée prussienne est administrée par un Grand État-Major général (große Generalstab). Le commandant en chef (Oberbefehlshaber) est le roi, qui assume ce rôle de manière nominale. Il s'appuie sur un corps de techniciens hautement qualifiés formés à l'Académie de guerre de Prusse, et placé sous la direction du chef d'État-Major général (Chef des Generalstabes). Les commandements d'unités sont directement placés sous l'autorité de l'État-Major général. Les états-majors répartissent leurs fonctions en 4 sections : opérations, ravitaillement (Nachschub) sous les ordres du quartier-maître général, administration (Adjudantur) et armes spécialisées comme le génie et les transmissions.
L’armée prussienne est divisée en 9 corps d’armées, dont un seul est permanent, le reste est sujet à la mobilisation du 1er ban qui constitue l’essentiel de l’armée de campagne.
Tous les corps provinciaux sont composés de 2 divisions, sauf les 6 premiers corps qui comptent une brigade en plus. L’armée prussienne compte sur le pied de guerre 21 divisions mixtes soit 294 000 hommes.
Ses Armee Korps sont numérotés de I. à VIII. en plus du Garde.Korps.
Le corps de la garde est stationné à Berlin, le I.A.K à Koenigsberg, le II.A.K à Posen, le III.A.K à Berlin, le IV.A.K à Stettin, le V.A.K à Breslau, le VI.A.K à Magdebourg, le VII.A.K à Munster et le VIII.A.K à Coblence.

Réserve d'équipements : 3
Réserve d'hommes : 3
Équipement : Fusil à culasse et canons lisses.



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Les trois artisans de la réforme de l'armée, Otto von Bismarck, Albrecht von Roon, Helmuth von Moltke.


Eisernes Kreuz — Acte I : 1862

Premier chapitre — De la Nation en armes


En 1862, Guillaume Ier doit être l'homme le plus satisfait du monde, si on oublie la crise constitutionnelle qui sévie au Landtag entre son ministre et l'opposition libérale. La réforme de l'armée, cette révolution militaire qu'il rêvait depuis tant d'années est achevée sous la supervision de son ami et ministre de la guerre, Albrecht von Roon, assurément tout aussi enthousiaste que le roi. Si on se souvient de ce qu'était l'armée prussienne en 1856, on dénombrerait 80'000 hommes, le double, au plus, en comptant les réserves de la très douteuse Landwehr, mais également un équipement désuet, un commandement tout autant figé dans le temps depuis 1807 que le nombre d'hommes appelés au service chaque année, 40'000, soit seulement un tiers des sujets éligibles par tranche d'âge, engagé pour 3 ans officiellement dans l'active, mais dans les faits 2 ans ou 2 ans et demi.
Quand on compare cette armée de 1856, à celle qui défile devant le roi et ses invités italiens à Postdam en juillet 1862, c'est le jour et la nuit.

Les réformes de Von Roon établissent la structure permanente de l'armée prussienne (et des armées qui lui sont alliées par les conventions militaires de 1849) en tant qu '« armée de réserve ». Par ses réformes, la force de l'armée d'active est portée à 294.000 hommes et le nombre d'unités de combat a plus que doublé. Le nombre de régiments d'infanterie est passé à 84, par exemple. L'effectif mobilisé de l'armée est toutefois de 455.000 pour l'armée de campagne et de 325.000 autres pour les troupes de garnison et de logistique. La composante de réserve de l'armée fournit presque toute la garnison et les troupes des lignes de communication, ainsi que la moitié environ de l'infanterie et de l'artillerie régulières. Les réserves peuvent également déployer des formations de combat pour compléter l'armée régulière si nécessaire. Et lorsque combiné à l'efficacité de l'état-major et à un système ferroviaire modernisé, tout cela pourrait être sur le terrain en 14 jours.

Dans le cadre des réformes, chaque unité (normalement un régiment) de l'armée permanente s'est vu confier la responsabilité de recruter et de former les soldats du district dans lequel l'unité est physiquement située. Un jeune homme ayant été enrôlé à 20 ans, sert pendant 3 ans en service actif avec son régiment local (« ville natale »). Au bout de ces 3 ans, il peut demander le maintien en service actif ou accepter la décharge, auquel cas il est placé dans le groupe de réserve de ce régiment pour les 4 prochaines années. Faisant partie de la réserve officielle de l'armée, il est susceptible d'être mobilisé au sein de son régiment en cas d'urgence nationale. Il rejoindrait très probablement la même compagnie dans laquelle il a servi en service actif. Sinon, il est obligé de rejoindre son régiment au cours des 4 prochaines années pour deux périodes d'entraînement, chacune pouvant aller jusqu'à 8 semaines. Son régiment a l'entière responsabilité de sa formation et de ses compétences militaires. S'il le désire, le soldat de réserve peut participer volontairement à d'autres périodes de formation pour obtenir une promotion comme sous-officier dans la réserve. Il n'y a aucune différence de statut ou de privilèges entre un soldat actif ou un soldat de réserve.

En réalité, les réserves formelles de l'armée remplacent l'ancien premier ban de la Landwehr. Dans des circonstances normales, seuls 40 hommes environ par régiment de cavalerie (676 hommes) sont réservistes. Cependant, près de 50% de l'infanterie et 40% de l'artillerie sont des soldats à temps partiel. Un bataillon d'infanterie régulière de 1050 hommes compte généralement un peu plus de 500 hommes comme réservistes, tandis que les compagnies d'artillerie utilisent normalement non seulement des réservistes, mais aussi des hommes au cours de leur première année de service dans la Landwehr pour renforcer leurs unités.

De fait, la Landwehr existe toujours sous les réformes de von Roon. mais maintenant sous le contrôle total de l'armée régulière et avec une mission de combat sur le terrain beaucoup plus réduite. Ce faisant, les autorités prussiennes cherchent non seulement à inculquer l'attitude « appropriée » au Landwehrmann typique, mais son rôle de combat réduit diminue également sa menace pour le roi. Contrairement aux réserves de l'armée, la Landwehr fournie de véritables unités militaires. Ces unités sont généralement des formations logistiques, de lignes de communication et de garnison. Le Landwehr peut également fournir des formations de combat si nécessaire. Normalement, ce sont les officiers de l'armée régulière qui commandent les formations Landwehr de plus grande taille.

Les soldats de la Landwehr sont en faite des réservistes qui ont terminé leur quatrième année. Selon la loi, ils sont tenus d'accomplir un service supplémentaire de 5 ans dans la Landwehr. Conformément à la nature régionale de l'armée prussienne, l'unité de milice dans laquelle le soldat sert est locale, et se situe dans le même district administré par l'unité d'active de l'armée dans laquelle il a servi. Il est requis pour une formation périodique pour des temps allant jusqu'à 2 semaines chacun. Là encore, cette formation est dispensée par l'unité militaire composante de l'active locale et est sous sa responsabilité. Le Landwehrmann peut volontairement effectuer des périodes d'entraînement supplémentaires, normalement avec son ancien régiment régulier, dans l'espoir de se qualifier pour une promotion. Une fois son service fini, le Landwehrmann bascule dans la dernière force de réserve, celle de la Landsturm, pour encore 12 ans de service en tant que milicien. Il peut être appelé en cas d'urgence nationale.

Les jeunes hommes commissionnés comme officiers dans l'armée prussienne suivent un modèle étonnamment similaire à celui du soldat enrôlé. L'officier sert 3 ans en service actif et, à moins d'être retenu en service actif (par sa décision et celle de l'armée), il rejoint la réserve de son régiment pendant 4 ans. Il est obligé de suivre trois périodes d'entraînement, chacune pouvant aller jusqu'à 8 semaines, avec son régiment pendant son temps de réserve, bien qu'il puisse se porter volontaire pour des temps de formation supplémentaires pour des qualifications de promotion. L'officier peut également demander une prolongation dans la réserve de son régiment, mais pour pas plus de 12 ans. Après sa tournée avec les réserves, il rejoint son Landwehrunit local pendant 5 ans. Le modèle de service des officiers dans la milice (Landsturm) suit celui du soldat enrôlé, soit 12 ans de service.

En ce qui concerne les formations elles-mêmes, l'exercice fort, ou Starke Drill (exercice et service formel), qui remontait à de Frédéric-Guillaume Ier, a été remplacé par un meilleur système d'entraînement supervisé par le chef d'État-Major Helmuth von Moltke ; Les exercices de combat et le tir sur cible sont devenus plus importants. Cela augmente de manière drastique la force de feu de l'armée. La formation professionnelle longtemps négligée des officiers a elle aussi été ramenée à un niveau élevé, mais celle-ci sera étudiée dans un second chapitre, avec les autres innovations du comte de Moltke.


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